Sélection Petits éditeurs - mars 2017

BiB92 - Commission Petits éditeurs Mars 2017

Sélection mars 2017

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« J’ai onze ans, et je veux mourir » : c’est la première phrase de ce premier roman de Jean-Baptiste Aubert qui a choisi un sujet terrible et plutôt tabou, le suicide chez l’enfant.
Kévin, le narrateur, est un garçon de 11 ans qui décide de se suicider par pendaison. Le propos est juste, le personnage de Kévin attachant et, malgré la difficulté du sujet, le roman ne sombre pas dans le mélodrame ou le larmoyant. C’est un jeune qui se pose des questions sur la vie, sur le comportement des gens et qui, quelque part, donne une claque aux lecteurs adultes.
« Je réalise qu’il y a peut-être beaucoup d’enfants ou d’adultes qui ne comprennent rien. Il faudrait qu’un jour tout le monde le dise. »
Aubert, Jean-Baptiste. - 11 ans. - C. Lucquin. - 142 p. - 17€

A Fresnes, où il fait un séjour pour vol avec ruse, François partage sa cellule avec Mehdi, un cador du grand banditisme. D’ailleurs, Mehdi ignore superbement François, qui, de son côté s’applique à le servir avec beaucoup de zèle, tout en restant le plus discret possible. Il faut dire que la vie ne semble pas l’avoir gâté, alors François fait comme il peut, il se débrouille et il survit. Pourtant, au fil des semaines, les intentions et la personnalité de François vont se révéler…
Ce livre est incroyable dans son genre. Le style est à la fois très familier, tout en sachant être soigné. Dans tous les cas, il sonne juste. Il faut dire que l’auteur connaît bien le milieu carcéral pour y avoir purgé une peine d’emprisonnement de six ans pour braquage alors qu’il avait 18 ans.
Happée dès la première page, je me suis laissée emporter jusqu’au bout, alternant des états émotionnels divers et variés. L’auteur a cette force de réussir à vous faire douter de ce qu’il vient de vous faire admettre ! Mais qui ou quoi croire alors ? Certainement pas les premières impressions ou les apparences…
Aurousseau, Nan. - Des coccinelles dans des noyaux de cerise. - Buchet Chastel. - 220 p. - 15€

A travers Ninetto, on mesure combien, dans les années 60, les disparités entre Italie du Nord et du Sud sont autant culturelles qu'économiques : ces nouveaux exilés qui arrivent dans les villes industrielles du Nord sont méprisés et rejetés. Tout les distingue : leur misère flagrante, leur dialecte, leur code de l'honneur.
L'auteur a une écriture enlevée, très vivante. Alternant épisodes passés et présents, il entretient un vrai suspense quant aux raisons qui ont conduit Ninetto en prison et sa fille à couper les ponts.
Un roman sombre et humaniste, inspiré de témoignages recueillis par l'auteur.
Balzano, Marco. - Le dernier arrivé. - P. Rey. - Traduit de l’italien. - 240 p. - 18€

La narratrice entreprend de brosser l'histoire de sa famille au Cameroun et l’installation en France. Francis, son père, onzième enfant, orphelin, apprend la musique pour la venue du Général de Gaulle dans son école. Il suit les conseils de son frère aîné Marcel : étudier en France pour revenir contribuer au développement de son pays. Francis va à la Sorbonne, puis aux Etats-Unis. Il tombe amoureux de Madé, la mère de Kidi, venue aussi en France, pleine d'ambitions. Mais elle épouse Francis, et leurs cinq enfants la contraignent à abandonner ses études ; leur père, fonctionnaire à l’Unesco, est souvent absent. Ils expérimentent les avantages de la vie parisienne, mais également les difficultés de l'intégration et de l’exil. Francis abandonnera son poste pour se consacrer à sa passion et deviendra auteur-compositeur, connaissant un certain succès.
Le 1er janvier 1960, leur pays proclame son indépendance. Le couple rêve de pouvoir rentrer. Mais Marcel, médecin militant impliqué dans la lutte pour la liberté, ce qui le mènera à sa perte, empêche Francis de rentrer. Comment vivre éloigné de sa terre ? D’où est-on ? Est-ce le pays où nous sommes nés ou celui de nos parents ?
Le lecteur suit avec intérêt les efforts des parents pour être à la fois Camerounais et Français, et donner à leurs enfants des valeurs et des principes fermes. La fillette découvre en même temps son pays d’origine, sa famille camerounaise, et l’écartèlement entre deux cultures.
Ce livre au style alerte et poétique est une déclaration d'amour de l’auteur à ses parents et un hommage à son père. C'est aussi une interrogation sur ses origines. Même s’il est en partie autobiographique, ce portrait d’une famille attachante qui souffre de l’exil se lit comme un roman.
Un récit tendre et rempli d'amour, d'une écriture aisée.
Bebey, Kidi. - Mon royaume pour une guitare. - M. Lafon. - 312 p. - 19€

Alors qu'elle commençait à être reconnue, une sculptrice de talent abandonne tout pour un homme. Elle s'oublie, se renie et tente de prendre la fuite. Peu à peu, elle perd l'essence de son être.
Ce roman démarre par une fuite. Une fuite qui se veut nécessaire, voire vitale. On ne connaîtra pas les noms des personnages, mais finalement, cela n’empêche ni compréhension ou projection, et donne par ce biais une dimension universelle au récit. C’est une femme, « Je » qui raconte sa passion pour « Tu », un sculpteur de renom. Passion qui s’est transformée en poison. Esclave de l’autre, elle subit au quotidien des violences psychologiques effroyables. Persuadée de ne pas en faire assez pour être aimée en retour, elle se culpabilise et se rend responsable de son enfer.
Ce texte puissant m’a émue, révoltée et même agacée, tant le mécanisme qu’il décrit semble implacable et irréversible. Le style épuré, mais chargé de sens, sert parfaitement le propos et positionne le lecteur en témoin malgré lui, comme si la lecture de ce récit lui donnait la responsabilité d’en rendre compte et de mettre en garde.
Bérot, Violaine. - Nue, sous la lune. - Buchet Chastel. - 117 p. - 12€

Ce roman, écrit dans une très jolie langue, traite d’un sujet jusqu’ici non exploité : celui de la guerre d’indépendance du Cameroun, située entre 1955 et 1962. Par le biais de toute une famille, et ce, sur plusieurs générations, (avec l’aide d’un arbre généalogique au début du livre), nous suivons cette guerre meurtrière, déclenchée par la décolonisation. Celle-ci ayant engendré de nombreux et profonds traumatismes. On y voit de très beaux portraits de femmes. Hommes et femmes, sont puissants en tant qu’individus, mais aussi en tant que communauté.
C’est un roman intense, avec plusieurs entrées, plusieurs histoires qui s’imbriquent et s’enlacent. Bien que très documenté, le lecteur peut choisir telle ou telle entrée pour le lire.
Boum, Hemley. - Les maquisards. - La cheminante. - 383 p. - 22€

Ce livre tient davantage du récit que du roman. Car les faits se sont réellement déroulés, même si Julie Duval reste un personnage de fiction. L’engrenage machiavélique dans lequel se prend l’héroïne fait peur. C’est tellement simple et bien huilé. La première partie semble toutefois trop détaillée sur l’arrivée de Julie en Corée et sa « coréanisation » forcée. Il faut garder le moral bien accroché. La seconde partie « Huit ans plus tard » passe beaucoup plus vite.
Premier roman intéressant et inclassable à la fois. Ce n’est pas le genre de livre qui sort tout seul, mais il mérite d’être défendu.
Brochard, Vincent-Paul. - Le pont sans retour. - P. Picquier. - 507 p. - 22,50 €

Sur une île bretonne, un corbeau commence à envoyer des lettres. De nombreux habitants reçoivent ainsi des missives elliptiques et pleines de sous-entendus, moqueuses, parfois vraiment calomnieuses, relayeuses de ragots. Sur l’île, c’est la consternation et très vite débute la chasse au corbeau, une chasse difficile où tout le monde pense avoir une idée du coupable. La petite communauté se délite à vitesse grand V, tandis que des conséquences funestes vont bientôt advenir…
À chaque astérisque, parfois plusieurs par page, on change de personnage. Nous voilà donc dans un roman choral, où plein de voix différentes se font entendre pour créer discrètement une tension. Si pendant la première moitié du roman, on ne connaît pas le coupable, le roman prend une autre tournure lorsque (aux 2/3 du roman) il nous met dans la tête du coupable. Le lecteur en sait plus que les autres personnages et la tragédie s’accélère…
Un roman très agréable dans une langue simple, délicate et fluide et qui gagne en noirceur au fur et à mesure de la lecture.
Carlier, Christophe. - Ressentiments distingués. - Phébus. - 173 p. - 16€

Tomas Kusar est un jeune cheminot à Trutnov, en Tchécoslovaquie. Très simple, il aime la nature, le plein air et voue un attachement particulier aux arbres. Il est également féru de photographie. Lors d'une représentation théâtrale d'une troupe venue de Prague, Tomas rencontre Vàclav Havel, l'auteur de la pièce jouée. Plus tard, les deux hommes sont amenés à se retrouver à d'autres occasions, autour de bières ou d'un échiquier. Une amitié simple et humble se noue entre ces deux hommes tellement différents, l'ouvrier et l'intellectuel.
Inspiré de l'histoire de Vàclav Havel, dissident devenu président de la République, ce roman est l'histoire d'une amitié et d'un engagement.
Comme habituellement dans ses romans, l'écriture de l'auteur est concise, belle et simple. Il décrit avec sobriété quelques moments bien choisis de la vie de Tomas Kusar, il se dégage beaucoup de douceur et d'humanité dans ce très beau roman.
A travers le destin de Tomas Kusar, Antoine Choplin nous offre un roman tout en délicatesse retraçant l’engagement de ces hommes qui se battent pour des valeurs...
Choplin, Antoine. - Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar. - La Fosse aux ours. - 220 p. - 18€

Les Fontaines, « village minuscule » replié sur lui-même, est situé au bord du massif des Trois-Gueules, qui tirent leur nom de la forme des falaises d’où coule un torrent. Dès le départ, le décor est magistralement planté, dans un style à la fois imagé et sobre. Trois-Gueules, trois générations, deux femmes et un homme. L'histoire s'étale sur 70 ans, quand un jeune médecin décide de s'installer. Contre toute attente, André s'y plaît, tombe amoureux d'une maison qui accueillera sa famille et réussit à s'y enraciner. Lui succède l'histoire de Bénédict, son fils, qui préfère la campagne à la ville, son père à sa mère, et d'Agnès son épouse. Benedict est élevé par son père sévèrement, mais avec bienveillance. Il devient médecin à son tour. Seule Bérangère, la troisième génération, est née aux Fontaines et aime Valère, le fils de paysan.
Grâce à leur entreprise de minerai (les ouvriers qui extraient la pierre de la carrière sont surnommés les fourmis blanches), Charrier Frères ont aidé au développement du village, dont les routes sont goudronnées, on crée une épicerie, un restaurant, une école ; la population se multiplie, le village s’étend et repousse la forêt. Dans ce huis clos, la commune doit choisir entre isolement ou ouverture : brassage social et choc de cultures semblent inévitables. Depuis, c’est devenu un lieu maudit…
Ce livre possède tous les codes du roman du terroir : un paysage sauvage, magnétique, qui est en réalité le personnage principal. On suit l’histoire de différents personnages, tous aussi durs les uns que les autres, des hommes taiseux, accrochés à leur terre. Le « héros », qui est un horsain, fait tout pour être adopté. Les familles de paysans et les ouvriers ont des mentalités différentes.
Malgré quelques repères chronologiques (Seconde Guerre mondiale et mai 68) cette histoire est atemporelle. Un style âpre et impressionnant de maîtrise et de maturité pour un auteur de cet âge.
Coulon, Delphine. - Trois saisons d'orage. - V. Hamy. - 272 p. - 19€

L’héroïne est la narratrice de ce récit qui raconte sa vie et l’histoire de son peuple : us et coutumes, dieux et déesses, légendes et pharmacopée... Tout nous est dévoilé, goutte à goutte… La jeune femme pourrait tout aussi bien nous faire au coin du feu et nous révéler ses secrets avec cet œil pétillant de malice et ce sourire bienveillant en coin.
Pas une ligne qui ennuierait le lecteur, le style est fluide. C’est, malgré une existence difficile liée aux conditions climatiques, un pur moment de bonheur, prolongé par de magnifiques photos sépia du début du XXe siècle. Un grand moment de sagesse et d’optimisme également.
Un livre magique à consommer sans modération !
Cournut, Bérangère. - Née contente à Oraïbi : roman hopi. - Le Tripode. - 268 p. (+ 31 p. de photos). - 19€

En août 1943, Chaïm Soutine voyage, caché dans un corbillard pour échapper aux Allemands, de Chinon à Paris pour se faire opérer d'un ulcère à l'estomac dont il a souffert toute sa vie.
Délirant sous morphine pour atténuer ses douleurs, il se remémore sa vie d'homme et d'artiste. Et c'est au travers du prisme de ses souvenirs que Chaïm Soutine, peintre juif russe, revisite les images de sa vie.
Il se remémore sa terrible enfance en Biélorussie pour échapper aux pogroms, son arrivée en 1913 à Paris venu rejoindre les peintres de Montparnasse. Sans ressources, il vit à « la Ruche », où il côtoie Fernand Léger, Zadkine, Chagall et Modigliani qui fut son ami. Soutine est d'un naturel taciturne et tourmenté ; il parle peu et vit isolé pour peindre des paysages de guingois et des êtres tordus. Ses couleurs préférées sont le vert Véronèse, le turquoise et le rouge sang. Il voyage également dans le sud de la France où il peint des paysages proches de l'expressionnisme avec des couleurs vives et contrastées.
Il s'agit là d'un récit lyrique, parfois terrifiant, sur le peintre Soutine, sa vie et ses œuvres. Très documenté et élitiste, ce texte est passionnant. Il nous éclaire sur le pouvoir de la couleur et de la création.
Extrait : « Les toiles sont les sœurs suppliciées des paysages. De la couleur comme de la lave, vert-orange-rouge, appliquée d'un geste plein de panique et de rage…… Des rues qui se cabrent. Des talus effondrés, des chemins fouettés par le vent, bossus, crevassés. »
Dutli, Ralph. - Le dernier voyage de Soutine. - Le bruit du temps. - Traduit de l'allemand. - 264 p. - 24 €

POUR : 
Charlene, 63 ans, fumeuse invétérée, apprend qu'elle a un cancer. Elle téléphone tout au long du roman à sa fille, lui reprochant de la délaisser (roman épistolaire revisité, on n'a que les messages de la mère). Elle cherche des hommes sur Internet, rêvant de pouvoir encore séduire. Elle souffre de la solitude, de la maladie et de la mort qui se rapproche. Manipulatrice, culpabilisante, de mauvaise foi, cynique, Charlène critique allègrement ses parents, son ex-mari, ses petits-enfants, ses enfants. Elle fait des reproches et dit des choses qui font mal à sa fille, revient sur leurs relations difficiles. Cette femme, peu maternelle et tendre, adore tantôt sa petite fille, tantôt elle la déteste. Elle oscille entre tendresse et méchanceté, anxiété et gaieté. Bien que ce personnage soit plutôt antipathique, le lecteur se régale avec ce monologue est acide et très vivant.
Son roman le plus percutant.
CONTRE :
Dans ce livre, Carole Fives trace le même sillon que dans son livre précédent Et que nos vies aient l’air d’un film parfait : on retrouve les mêmes liens entre des personnages qui se ressemblent. Le roman est construit comme une conversation téléphonique, entre une mère d’environ 60 ans et sa fille qui doit en avoir 30, dont nous n’avons que la voix de la mère.
Cette mère passe sans arrêt d’un extrême à l’autre, de la joie au désespoir, de l’amour à la détestation, et ne semble avoir aucun filtre social. Cela rend ce personnage à la fois touchant et en même temps insupportable. Je comprends le parti pris d’écriture, mais j’aurais bien aimé avoir un contrepoint à cette logorrhée qui finit pour moi par tourner un peu à vide. La voix de la fille, voire aussi du fils, pour savoir comment on vit avec une mère aussi ingérable, aurait à mon avis apporté plus densité à ce roman.
Fives, Carole. - Une femme au téléphone. - Gallimard, L’Arbalète. - 98 p. - 14€

C’est un récit complexe à plusieurs trames et problématiques :
- les destins croisés de deux petites filles qui grandissent ensemble : Eleanor, une petite fille blanche et Ève, une petite fille mulâtre. Leurs chemins seront différents, mais toutes les deux vont avoir une vie semée d’obstacles. 
- l’histoire de l’Amérique en construction sur fond de guerre de Sécession avec toute la violence et la quête de liberté qui s’ensuivent.
Dominique Fortier bouscule un peu nos habitudes de lecture, car elle ne suit pas une trame linéaire, mais vole de chapitre en chapitre en zigzag, semant par ci par là des parallèles et passages poétiques. J’ai trouvé que cela faisait toute la poésie et la particularité de son écriture, les parallèles avec le tissage (coton) et le mé-tissage de ce continent qu’est l’Amérique est incroyablement bien écrit.
Fortier, Dominique. - La porte du ciel. - Les Escales. - 251 p. - 20€

Ursule, l’héroïne ô combien attachante de ce roman est-elle une riche héritière ou une affabulatrice de génie ? Les soupçons sont légitimes, tant son comportement, son accoutrement et ses pensées quelque peu « dérangées » sont étranges.
Elle a une obsession : organiser une mirifique réception en souvenir de sa défunte mère, dans le très vieillot et huppé duché d’Hohenstofür. Pour cela, elle s’adresse à une agence de communication qui occupe le même palier que son appartement. Elle y rencontre Julien Pulmel, jeune cadre prometteur, mais décalé. Leurs particularismes réciproques vont finalement les rapprocher.
Mêlant introspection, machination et satire de notre société de consommation, cette fiction met en scène la comédie humaine avec humour et beaucoup de délicatesse.
Gentil, Mano. - Très chère Ursule. - S. Safran. - 242 p. - 18€

Hochéa, violoniste, est invité à un festival de musique en Inde du sud. Le virtuose vit à Jérusalem et suite à un attentat, il va tout quitter. Il se rend en Inde du sud, à Pondichéry d’abord, puis le destin l’amène sur la côte ouest de l’Inde, à Kochi, terre ancestrale des juifs d’Inde. Guidé par Mutuswami, une jeune musicienne hindoue qui l’accompagne, il découvre le pays à travers heureux hasards et coïncidences, qui vont tantôt lui rappeler ses origines, tantôt lui l’écart culturel qu’il est en train de vivre.
L’univers du roman est surtout sensoriel : les odeurs et surtout les sons d’une Inde bruyante à souhait, par moments on se croit perdu dans la foule des piétons et voitures à Chennai ! L’auteur fait un parallèle entre la religion juive monothéiste et le polythéisme hindou.
En revanche au niveau de l’intrigue, je trouve qu’on se perd un peu dans des considérations complexes rendant le roman trop contemplatif, le pont entre l’Inde et Jérusalem est parfois trop artificiel.
Malgré quelques bémols, c’est un bon roman pour découvrir cette région de l’Inde du sud.
Haddad, Hubert. - Premières neiges sur Pondichéry. - Zulma. - 216 p. - 13€

Lentement mais sûrement, le monde moderne est en train de disparaître : plus d’électricité, plus d’essence, les magasins se vident, les virus font rage… Nell et Eva, deux jeunes sœurs de 17 et 18 ans, continuent à vivre malgré tout dans leur maison familiale. Mais bientôt, il sera plutôt question de survie. Les difficultés s’accumulent et l’avenir semble de plus en plus sombre. Mais qu’importe, elles sont ensemble et ensemble, elles doivent trouver la force de continuer.
Un roman apocalyptique, mais pas dramatique. L’espoir, l’envie et la force de vivre des deux personnages principaux interrogent et interpellent le lecteur. Une belle leçon de courage, d’entraide et de fraternité.
Hegland, Jean. - Dans la forêt. - Gallmeister, Nature writing. - Traduit de l’américain. - 300 p. - 23,50€

Dans ce polar d’anticipation allemand, le lecteur est plongé dans un monde dévasté par les catastrophes climatiques et par les guerres pour le partage des ressources qui en découlent. La société est sous la surveillance d’une armée de drones devenus les gendarmes du monde. Les habitants portent des lunettes connectées afin d’améliorer leurs existences.
Drone Land utilise un ordinateur qui se nomme Teddy et est capable d’établir des prévisions, des probabilités et de fournir des analyses sans faille. L’enquêteur Aart Westerhuizen travaille en collaboration avec Teddy pour résoudre l’assassinat du député Pazzi, un parlementaire de l’union européenne. Aart va pouvoir retourner sur les scènes de crime et sera projeté dans un monde virtuel, mais tellement réel. Il sera secondé par une analyste qui se nomme Ava.
Je recommande ce roman. L’univers est fascinant et complexe, ce qui occasionne une perte de repères pour le lecteur. Cet univers fait penser à l’univers de Matrix, mais également à celui de Minority Report. Dans ce système, si nous n’avons rien à nous reprocher, nous sommes protégés en échange de la collecte de nos données personnelles. C’est un futur qui semble si proche !
Hillebrand, Tom. - Drone Land. - Piranha. - Traduit de l’allemand. - 317 p. - 20€

Heinola est une petite ville de Finlande où l’on s’ennuie sec et où l’on picole dur. Alors, pour passer le temps, les habitants inventent des championnats de toute sorte : championnat du monde d’écrasement de moustiques, celui de lancer de téléphone portable, ou encore de porter d’épouse ! Celui dont il est question dans ce livre est le championnat du monde de sauna, qui consiste à rester le plus longtemps possible dans des cabines chauffées à 110 degrés.
Les deux héros sont les finalistes : d’un côté, Niko Tanner, triple champion du monde, 49 ans, 1,89 m, 110 kg et vedette de films X ; de l’autre, Igor Azarov, 60 ans, 1,59 m, 58 kg, sous-marinier russe qui vient d’apprendre que le cancer lui laisse peu de temps devant lui, et est donc prêt à tout pour remporter le titre.
Au fur et mesure que les qualifications passent et que la finale approche, le suspense monte, on rit de plus en plus jaune, et ce qu’on croyait être une comédie se transforme en tragédie.
Joseph Incardona s’est inspiré d’un événement qui s’est réellement produit à Heinola en 2010 et livre un roman à l’humour noir, autour du dépassement de soi et de la bêtise humaine. La construction du récit est maîtrisée et le suspense bien mené, mais les digressions sur le monde du X, d’abord drôles, puis de plus en plus lourdes m’ont lassée. Cela manque, à mon goût, de consistance (les personnages auraient mérité d’être plus travaillés).
Un roman qui me laisse un peu sur ma faim et qui m’a vaccinée du sauna !
Incardona, Joseph. - Chaleur. - Finitude. - 147 p. - 15,50€

Plusieurs amis, inséparables depuis l’université, se retrouvent à New-York : Sarah, la journaliste et Georges l’astrophysicien (ils envisagent un très médiatique mariage) ; Jacob, poète et écrivain, homosexuel et assez déjanté ; William, le banquier, d’origine coréenne et Irène, artiste d’installations, qui, en attendant de percer, travaille dans une galerie. Tout leur sourit, mais le cancer survient dans la vie d’Irène et tous se mobilisent autour de leur amie.
Dans cette première partie, intitulée «  Pourquoi sommes-nous venus en ville ? », chacun essaie d’entourer Irène à sa façon, tous avec un immense amour ; on suit l’évolution de sa maladie et son énergique combat. Jamais on ne tombe dans le pathos du cancer, le ton est vivant, avec un humour à la Woody Allen parfois. La seconde partie « Pourquoi avons-nous quitté la ville ? » est le travail de deuil et la maturation personnelle de chacun.
C’est un roman très subtil sur l’analyse de cette génération de jeunes adultes à qui la vie sourit, mais qui se trouvent confrontés à la vraie vie, par la maladie et par la prise de conscience pour chacun de ce qu’ils se cachaient.
Un personnage mythique est très présent, c’est la ville de New-York, on pourrait suivre sur une carte tous les lieux où se déroulent l’histoire. Elle est présente, magnifiée et l’auteur est lyrique dans certaines envolées.
C’est un roman prenant et passionnant, qui cerne avec élégance et compassion ses personnages, un très beau portrait de groupe.
Jansma, Kristopher. - New York odyssée. - Rue Fromentin. - Traduit de l’américain. - 456 p. - 22€

Denise, le personnage principal de ce récit, est une femelle Bouvier de 43kg.
Elle fut d’abord confiée à titre thérapeutique à Valentine, une fille dépressive et s’appelait alors Athéna. Mais c’est Paul, employé de banque parisien et narrateur de cet ouvrage, que la chienne préfère. Valentine partant pour un long voyage à l’étranger, Athéna trouve naturellement refuge chez celui-ci. Il la rebaptise aussitôt Denise.
Ce livre est l’histoire de la relation qui se noue entre Denise et Paul dans un récit souvent comique et ironique (parfois burlesque) tout à fait délectable.
Pendant un an, entre l’homme et le chien s’installe un rituel urbain quotidien, ponctué de sorties régulières, jusqu’au jour où Paul trouvant que Denise manque d’espace et d’exercice, décide d’une escapade de quelques jours au mont Ventoux.
Ici le récit bascule : on quitte Paris et on les retrouve tous deux dans un nouveau paysage vaste. Denise reste plutôt indifférente au lieu : ce qui compte avant tout pour elle c’est le « tête à tête » avec Paul.
Et puis, il y a la montée et la descente du Ventoux, grands moments de lecture, puis le final, bouleversant et tragique...
Le style est virtuose. Le récit très imaginatif est d’une extrême précision, que ce soit dans les portraits du chien ou celui des personnages, ainsi que dans les descriptions sensitives et poétiques de la nature. On pense aux auteurs des éditions de Minuit tels que Oster, Chevillard, Ravey, etc. Le vocabulaire est riche, foisonnant, usant de mots rares, à tel point qu’il faut souvent un dictionnaire !
Qu’on aime les chiens ou pas, c’est un livre époustouflant !
Jullien, Michel. - Denise au Ventoux. - Verdier. - 137 p. - 16€

Roman choral construit avec virtuosité, selon une structure en mosaïque : de témoignage en témoignage, une dizaine de personnages donne au lecteur autant de regards, autant d'angles de vision, sur la vie de Lila Beaulieu, actrice flamboyante et éphémère, tombée dans l'oubli aussi vite qu'elle était devenue célèbre.
Le récit commence par la fin : la dépouille de la vieille dame est retrouvée des semaines après son décès, dans la solitude poignante d'une triste chambre de bonne, et c'est l'officier des pompes funèbres qui nous offre un premier témoignage sur ce qui est bel et bien un suicide. Suivront ceux du médecin légiste, du propriétaire, de sa fille, de son premier mari, … Tous les récits semblent discordants, mais tous se complètent et contribuent à donner une cohérence au parcours de cette disparue, à lui conférer une dignité essentielle qu'un seul récit n'aurait pu lui rendre.
La construction et l'originalité du récit pallient un style par ailleurs simple et sans fioriture, et suffisent à emporter le lecteur jusqu'à la levée du dernier secret.
Locandro, Catherine. - Pour que rien ne s’efface. - H. d’Ormesson. - 205 p. - 18€

Il était une fois à Paris, une petite fille, Maryam, qui a quitté son pays pour échapper à la dictature iranienne dans les années 80. En fragments plus ou moins brefs, en contes ou en poésie, Maryam nous raconte sa vie de petite fille. D’abord, un refus complet de s’intégrer, puis, grâce à une autre petite exilée, elle peut vivre sa deuxième naissance et pour finir, choisir, en pleine conscience son exil définitif.
L’intérêt du livre est dans son style et sa culture, avec des références permanentes à la poésie iranienne. C’est un livre très riche en évocations, qui passe de l’enfance à la maturité, de l’Iran à la France, de la politique, les parents étaient communistes convaincus, au renoncement aux idéaux perdus.
Autodérision et séduction sont les deux facettes de Maryam dans son rapport à autrui, jouer à la belle orientale ou s’émanciper de son statut de réfugiée en devenant elle-même.
Sept chapitres débutent par « Il était une fois », jusqu’à ce que Maryam se réconcilie avec son passé qui lui revenait sous forme d’apparitions violentes (des images de prisonniers du régime) ou apaisantes (celles de sa grand-mère).
Avec ses études universitaires sur la langue et la poésie iraniennes, elle retrouve un nouvel équilibre et accepte son exil, renonce à l’idéalisation de son pays. Elle devient une femme libre aux multiples facettes.
Ce n’est pas un livre facile par sa structure et son écriture, mais il est foisonnant et offre un regard nouveau sur la façon de parler de l’exil.
Le titre n’a pas beaucoup de lien avec le récit : ses parents communistes l’obligeaient, en Iran, à donner ses poupées aux pauvres !
Madjidi, Maryam. - Marx et la poupée. - Le Nouvel Attila. - 202 p. - 18€

Gisèle, vétérinaire de campagne, est mariée à Franck, père au foyer qui veille à l’éducation de leurs trois filles. Le couple vit en harmonie, chacun trouvant son compte dans cette organisation assez peu répandue en milieu rural, souvent habitué à des schémas plus conventionnels. Franck, de nature solitaire, ne s’ennuie pas du tout, bien au contraire ! Il partage son temps entre la fréquentation de quelques soiffards locaux, son potager qu’il cultive amoureusement et un peu de sport.
Cette vie paisible et bien organisée est mise en péril par un courrier anonyme lui révélant que sa femme (dont il est très amoureux) le trompe…
Les sujets abordés - l’infidélité, la vie provinciale - ne sont, certes pas très originaux, pourtant le lecteur se laisse prendre au jeu. Le talent de l’auteur réside dans sa capacité à faire évoluer un roman somme toute très classique en un polar où le suspense s’installe peu à peu de manière subtile… et efficace !
Maleski, Nicolas. - Sous le compost. - Fleuve. - 279 p. - 19€

Journaliste reporter, habitué des théâtres de guerre, Pascal Manoukian livre un roman brut sur un phénomène d’actualité brûlant : attentats, djihadisme, radicalisation…
Si le début semble lent à démarrer et le style sans prétention littéraire particulière, la narration s’élance finalement assez bien et les micro-histoires se rassemblent en un nœud apocalyptique, un attentat au cœur de Paris massacrant son lot de victimes ayant eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au moment du déchaînement de la violence terroriste.
La suite de ce diptyque dont la première partie s’achève avec ces destinées tranchées au vif nous mène au cœur du processus même qui engendre, suscite et encourage le meurtre et le massacre : Alep aux mains de Daech et de sa police des mœurs, ses unités de combats, ses artificiers et surtout son centre média, bénéficiant de matériels et technologies de pointe pour produire des vidéos hollywoodiennes sur les derniers massacres visant à encourager le plus de jeunes possibles à rejoindre leur armée.
Outre l’intrigue romanesque très bien menée, c’est le volet documentaire qui captivera aussi le lecteur, tant ce qui nous est donné à voir du fonctionnement d’une telle industrie terroriste de l’intérieur dépasse ce que l’entendement commun pouvait s’en faire comme idée.
Un roman riche et efficace !
Manoukian, Pascal. - Ce que tient ta main droite t’appartient. - Don Quichotte. - 285 p. - 19€

Soledad, 60 ans, a été abandonnée par son amant Mario. Elle cherche sur un site de gigolos, escorts, et prostitués masculins, un homme au « physique renversant, un accompagnateur spectaculaire qui rendrait son ex amant Mario jaloux. » (p. 8)
Pour sa vengeance, elle choisit Adam, 32 ans, grand brun trilingue, aux yeux de miel. Ses services pour une soirée lui coûteront 600 € : ce sera son cadeau d’anniversaire. La sexagénaire ne profite pas de Wagner, mais réussit à croiser Mario à l’Opéra et lui faire croire qu’ils sont ensembles. Quelques jours plus tard, ils se revoient et entament une liaison. Soledad sait qu’elle est imprudente et peu raisonnable, mais est amoureuse…
Durant sa vie, elle a collectionné quelques amants, mais n’a jamais vécu avec quelqu’un, car personne ne l’a aimée suffisamment. Elle est encore attirante, mais jusqu’à quand ? Avec l’âge, le corps se remplit d’infirmités et la vie de complications. Elle redoute les « dernières fois que… » (« Profite, parce qu’un jour tu te réveilleras, et tu seras vieille. » p. 29)
Commissaire d’exposition à la BN, elle est chargée d’un grand projet sur le monde du livre, mais elle ne parvient pas à s’investir, obsédée par Adam. Elle gagne bien sa vie, mais les manques pèsent plus lourds que son salaire.
Une comédie dramatique sur les préjudices de l’âge. Un roman facile à lire et jamais vulgaire, sur le passage du temps, la maternité, la recherche de l’éternelle jeunesse, la vieillesse, la solitude.
Montero, Rosa. - La chair. - Métailié. - Traduit de l’espagnol. - 187 p. - 18€

POUR : 
A la fin du XIXe siècle, l’Afrique du Sud est écartelée par les affrontements entre Zoulous, Anglais, Boers et Afrikaners. Les Anglais font la guerre pour étendre leur territoire, et assujettir les tribus qu'ils jugent inférieures.
Le livre débute par cette phrase : « Au pays des ténèbres, dans la société zouloue, la structure sociale est strictement organisée en patriarcat ». Les communautés aux différentes traditions doivent cohabiter.
Isiban, princesse-guerrière zouloue, danse sous la lune Inyanga la nuit, pour oublier sa condition d'esclave dans une famille de blancs. Marc Jaubert, vigneron français protestant, l’aperçoit et tombe sous son charme. Leur relation est compliquée : ils n'ont ni la même langue, ni les mêmes coutumes, ni la même religion. Les amoureux doivent apprendre à communiquer, à se connaître et parviennent à se marier. Chacun dévoile sa culture à l'autre, sans jamais l'imposer. Leur entourage les soutient, mais ils sont conscients que l'avenir sera difficile.
On est entraîné dans leur relation à la fois magique et passionnée. Le lecteur a l'impression que les personnages existent, tellement le récit est vivant. L'auteur ajoute des descriptions documentées sur l’Histoire sud-africaine et la puissance coloniale anglaise qui fait tout pour stopper le règne du peuple zoulou. Il explique des notions historiques dans des paragraphes qui aident à la compréhension.
Avec ce joli titre, Tidiane N'Diaye nous offre ce coup de foudre entre deux êtres totalement opposés. C’est un excellent premier roman, qui permet de découvrir une histoire d'amour touchante et qui mêle Histoire, combats, intolérance, politique et traditions. Il explique la difficulté d'être différent, noir, blanc, métissé, zoulou, protestant, français... C'est une belle découverte, une lecture passionnante, envoûtante et enrichissante.
CONTRE :
L’appel de la lune est le premier roman de Tidiane N’Diaye, historien et anthropologue franco-sénégalais, auteur de nombreux essais.
En Afrique du Sud, à la fin du XIXe siècle, Marc Jaubert, descendant d’une famille d’Afrikaners, tombe sous le charme d’une jeune princesse zouloue qu’il voit chaque nuit danser nue sous un rayon de lune. Isiban est employée comme servante par la famille Van Der Meersch, une famille de pionniers Boers, dont la fin violente et tragique est le symbole du déclin des Boers face à la puissance coloniale anglaise.
A travers le destin d’Isiban et de Marc, de leur famille, de leurs peuples, Tidiane N’Diaye raconte les affrontements sanglants entre Boers, Afrikaners, Anglais et Zoulous et l’origine de l’apartheid.
La partie purement documentaire est très déraillée, très « scientifique », ce qui enlève au roman son souffle et sa spontanéité, et les deux parties restent clairement distinctes. Même, lorsque l’auteur s’exprime par la voix d’un des personnages, son propos manque de crédibilité.
C’est vraiment dommage, car le roman, et l’histoire, ne sont pas sans intérêt.
N’Diaye, Tidiane. - L’appel de la lune. - Gallimard, Continents noirs. - 223 p. - 20€

Patrik Ourednik se propose d’écrire un roman sur la fin du monde. Il invente un personnage, Gaspard Boisvert, dont on suit l’histoire au fil de chapitres très courts (souvent de très brefs textes d’à peine une page).
Mais Ourednik glisse aussi dans son récit plusieurs interventions sur ses choix d’écrivain pour ce roman : il retranscrit par exemple un échange avec son éditeur concernant les consignes d’écriture pour ce nouvel ouvrage, mais aussi « les phrases à retenir dans ce récit »…
Un OVNI littéraire désopilant, qui sort le lecteur de la routine habituelle, qui pourrait ne pas plaire à tout le monde, mais à avoir pour son originalité.
« Patrik Ourednik naît à Prague en 1957. Il grandit dans la Tchécoslovaquie de la «normalisation». Il participe à la contestation du pouvoir d’après 1968 en éditant des samizdats. En 1984, contraint à l’exil, il s’installe en France. Il traduit de grands auteurs comme Rabelais, Michaux… Il écrit en tchèque de la poésie, des romans et récits, des essais et du théâtre. En 2001, son livre Europeana (Allia) remporte un vif succès en France et à l’étranger. Il s’intéresse aussi à la lexicographie. Ourednik travaille sur les stéréotypes ; préjugés à la recherche de ce qu’il nomme ‘la vérité d’une époque‘. »
http://www.lacauselitteraire.fr/patrick-ourednikOurednik, Patrik. - La fin du monde n’aura pas eu lieu. - Allia. - 167 p. - 10€

Diane, une jeune femme à la vie plutôt banale (parents absents…), travaille dur pour payer l’institut qui accueille sa sœur de 17 ans, handicapée mentale. En somme « métro, boulot, dodo ». Un jour, en se promenant avec sa sœur au parc lors d’une visite, elle fait la connaissance de « l’homme parfait ».
A sa grande surprise, Jack tombe amoureux d’elle, et ils se marient très rapidement. L’angoisse débute… Diane commence à se poser des questions sur son époux : qui est-il, que fait-il ? Pourquoi est-il si jaloux, pourquoi l’empêche-il de voir du monde et faire des choses seule, et surtout sans lui…
J’ai adoré ce livre, nous sommes vite pris dans l’histoire de Diane et l’angoisse monte crescendo. Roman très bien construit où le lecteur ressent l’angoisse, la peur éprouvée par l’héroïne… Tout est réuni pour être accroché à ce roman haletant. Avis aux amateurs de frissons !
Paris, B.A. - Derrière les portes. - Hugo, Thriller. - Traduit de l’anglais. - 317 p. - 20€

Norwood est un road-movie déjanté d’un péquenaud du Texas, à travers les États-Unis. C’est aussi le nom du héros, vétéran de la guerre de Corée qui quitte malgré lui les Marines pour s’occuper de sa sœur « épaissie, épaisse et paresseuse » après la mort de leur père.
S’ennuyant ferme dans le garage familial, il accepte la proposition du « Roi du Crédit » (un escroc !) de convoyer des voitures jusqu’à New-York. Affublé de son chapeau de cow-boy et de sa guitare (il rêve d’être chanteur de country), il entame alors un road-trip qui ne se déroulera pas du tout comme prévu. Il multipliera les moyens de transports et les rencontres inattendues, une prostituée « pas piquée des hannetons », un nain ex-vedette de cirque, une poule prodige… pour finalement retourner au bercail, mais accompagné d’un joli bout de fille.
L’Amérique des années 60, vue à travers le regard d’un gars du Sud, sorte de héros picaresque naïf, mais pas aussi stupide qu’on pourrait le croire.
Les dialogues nombreux et vifs donnent du rythme au récit. Les événements cocasses s’enchaînent.
Publié en 1966 et traduit pour la première fois en France, parodie absurde du roman de Kerouac, ce livre de l’auteur d’Un chien dans le moteur ravira à la fois les amateurs de romans burlesques et les lecteurs de grands auteurs américains.
Portis, Charles. - Norwood. - Cambourakis. - Traduit de l’américain. - 141 p. - 18€

A Baltimore, Red et Abby vieillissent paisiblement dans la grande maison construite par le père de Red et la vie pourrait être douce. Ils ont élevé quatre enfants, deux filles qui se sont mariées et ont des enfants, et deux garçons dont on apprendra au cours du récit que l’un des deux est « plus ou moins » adopté.
Au début du roman, Abby manifeste quelques signes inquiétants qui amèneront sa fille et sa famille à s’installer chez eux qui ne veulent pas d’étrangers. Denny, l’enfant terrible, revient aussi au bercail, après bien des « disparitions » et réapparitions, gestes pas tout à fait appréciés par les frères et sœurs qui savent combien on ne peut lui faire confiance ! C’est ainsi que, peu à peu, apparaissent les dysfonctionnements familiaux. Bien sûr, tous s‘aiment et Abby est vraiment mère à cent pour cent, pour ses « pauvres » aussi, d’ailleurs, ce qui ne plait pas à tous ! Ils sont tous attachants et attachés à cette grande maison qui a une histoire et qui est, aussi, un personnage. Comment s’en séparer après le décès accidentel d’Abby ?
L’auteur a une façon très personnelle de camper sa narration avec tendresse et humour, mais, aussi avec une certaine malice, en relevant les excentricités et le borderline des personnages, ce qui lui évite de tomber dans la naïveté.
Intéressante bobine de la vie à dérouler.
Tyler, Anne. - Une bobine de fil bleu. - Phébus. - Traduit de l’américain. - 400 p. - 22€

Près de Bourg-en-Bresse, dans la Dombes, Mélanie, 18 ans, rencontre François et tombe immédiatement amoureuse. Ils se retrouvent à la plage de l'étang, leur terrain de jeu préféré. Malgré leur différence de condition, ils se marient en 1922.
Les années défilent vite, les générations se succèdent. Leur fils, le lieutenant Pierre Merle, s’engage en Indochine pour fuir une femme. Il s’éprend du pays et de Yim, et restera ensuite. Il revient s’installer en France avec sa femme en 1973. François s’inquiète du monde qui change et de l’avenir de son domaine.
Le récit est très alerte et se lit avec plaisir, malgré les coquilles. On suit également en filigrane les événements historiques et les guerres. Histoire d’amour, secrets de famille, évasion, sont conjugués dans ce petit roman sympathique.
(Ne vous fiez pas à la couverture, ce n’est pas un roman « exotique » !).
Voisin, Michel. - La plage de l’étang. - Persée. - 208 p. - 19€