Sélection Petits éditeurs - mai 2017

BiB92 - Commission Petits éditeurs Mai 2017

Sélection mai 2017

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En Islande, pendant l’occupation, Evyndur, représentant de commerce, se fait assassiner. Il vient de se séparer de sa compagne, Vera. Avant la guerre, deux éminents docteurs Allemands Nazis ont fait des recherches sur des jeunes garçons islandais afin d’isoler le gêne « criminel » dans le but de trouver une race pure islandaise.
Les inspecteurs suspectent non seulement Felix d’être le meurtrier d’Evyndur mais qu’il soit, aussi, un espion au service des Allemands.
Bien que l’histoire soit intéressante, elle traîne en longueur. Les prénoms islandais, ainsi que les lieux, ralentissent la lecture. Dommage…
Premier volume d’une trilogie.
Arnaldur Indridason. - Dans l’ombre. - Métailié. - Traduit de l’islandais. - 344p. - 21€

A travers la voix de Billy, le narrateur, l’auteur nous fait vivre l’épopée du XXe siècle, de la guerre de 1914 à la montée du nazisme. Billy passe son enfance sur l’île Wight où son père (allemand) est skipper du yacht d’un baron juif allemand, riche industriel. Avec la guerre, son père se retrouve dans un camp et l’enfant et sa mère partent en Irlande dans la famille maternelle, au contact de la rébellion irlandaise.
Après-guerre, le père est embauché par le baron à côté de Francfort, pour créer une écurie de chevaux de course. Billie retrouve leur fille, Karin, jeune fille indépendante et insaisissable, avec laquelle il avait grandi et tous les deux ont des rêves d’évasion.
Avec la montée du nazisme, Karin ne peut continuer à vivre à Berlin. Ils décident de partir ensemble au Canada après avoir, ultimement galopé dans le Llano mythique de leur livre d’enfance au Texas, thème qui revient régulièrement dans leur relation.
C’est un roman très maîtrisé, très bien construit, avec des allers et retours entre les époques, ce qui contribue à donner du rythme au récit. Les personnages sont attachants et bien campés dans cette épopée historique et humaine.
La traduction du titre est mal choisie, car les protagonistes veulent, certes, profiter de la vie avec une certaine insouciance, mais ils sont conscients des dangers et très attentifs aux événements politiques. Le titre original « Carry me » convient mieux à la relation entre Karin et Billy.
Behrens, Peter. - Les insouciants. - P. Rey. - Traduit de l’anglais (Canada). - 526p. - 23€

Marie Vauban, avocate et mère surmenée, en « combustion permanente » décide d’interrompre ce rythme d’enfer avant de tomber dans le « burn out ». Elle prend une retraite d’un mois dans un établissement comme un club Méditerranée, mais pour seniors !
Elle se bat pour avoir une place, puisqu’«aucun âge minimum n’est requis. » Les quiproquos continuent avec les pensionnaires qui refusent de croire qu’elle vient s’installer dans une maison de retraite à 43 ans !
Marie essaie de s’adapter et se fait des amis très facilement, gommant les différences d’âge. Elle doit s’habituer à des horaires différents, mais surtout oublie très vite ses dossiers et tout stress lors de cette parenthèse. Un mois de « pré-retraite » pour goûter aux joies simples, loin des soucis quotidiens qui file à toute vitesse ! L’avocate observe les mœurs avec bienveillance et partage des moments touchants. Des idylles se nouent et Marie reçoit même des roses d’un admirateur secret…
Un petit « Feel Good Book » raconté avec beaucoup d’humour qui nous fait passer un bon moment. Les portraits sont bien menés et la fin originale et touchante.
Bellecour, Myriam. - Vite, ma retraite !. - Gaïa. - 141p. - 10€

Timo, Philipp, Yasmin et Leonie, anciens activistes écologistes, se retrouvent quinze ans après s'être perdus de vue, pour passer un week-end dans la maison de Philipp. Dans la nuit, trois personnes sont assassinées, tandis que la meurtrière présumée, gravement blessée, tombe dans le coma. Deux ans après les faits, la journaliste Doro Kagel reconstitue l'affaire.
Il ne faudrait vraiment pas revoir ses amis perdus de vue depuis des années, c’est ce que suggère ce roman ! Un huis-clos sur une île, on en a déjà lu, mais celui-ci est assez particulier, avec une ambiance à couper au couteau : un architecte qui vit avec une alcoolique invite une « originale » aux cheveux multicolores, un couple de gardiens cambodgiens taiseux, un écrivain raté, une éducatrice ultrasensible…
Dès le départ, on sent qu’il va se passer quelque chose de grave. La tension monte avec cette alternance de chapitres : « Aujourd’hui » avec une journaliste qui essaie de comprendre, et « Il y a deux ans », l’exposé des faits qui ont précédé la tragédie.
Malgré quelques longueurs, le récit nous accroche, nous participons à l’intrigue jusqu’à ce qu’un rebondissement ne vienne réduire à néant les théories que, pauvre lecteur que nous sommes, avions échafaudé.
Berg, Eric. - La maison des brouillards. - Slatkine & Cie. - Traduit de l’allemand. - 394p. - 23€

En pleine Guerre de sécession, Callum, un adolescent orphelin et cavalier émérite est recueilli par une bande de déserteurs sudistes sans foi ni loi, afin de voler des chevaux. Alors qu’ils attaquent une ferme isolée, il rencontre une belle jeune fille, elle aussi orpheline, dont il tombe immédiatement amoureux. Prêt à tout pour la sauver de la brutalité de ses compagnons, il s’enfuit avec elle.
Tous deux n’ont alors qu’un rêve : s’installer et trouver enfin la paix. Mais ils sont poursuivis et traqués par un chasseur de primes pour un crime que Callum n’a pas commis et doivent se lancer dans une course folle et éperdue.
A travers un pays hostile et dévasté par la guerre, les jeunes amants maudits devront lutter sans répit pour retrouver leur liberté.
A la fois western, roman d’amour et épopée historique, ce livre est un roman à suspense plutôt pour jeunes adultes. Pas renversant, mais divertissant.
Brown, Taylor. - La poudre et la cendre. - Autrement. - Traduit de l'américain. - 283p. - 19€

Diane de Verneuil est carriériste et intransigeante. Elle s'est forgé une carapace afin de réussir, mais sa vie personnelle n'est pas aussi aboutie.
Après vingt ans d’absence, elle doit se rendre à Marrakech suite au décès de sa grand-mère. En arrivant à la Villa Taylor, sublime demeure Art déco qui a reçu Churchill (cf toile de la jaquette) et Roosevelt, et dans laquelle elle a vécu sa jeunesse, elle se laisse envoûter par la maison où les souvenirs affluent. Elle hérite de la maison, des robes de couturier de sa mère et des somptueux bijoux, ainsi que d’une cassette laissée par sa mère expliquant sa fuite. Contre toute attente, Diane ne souhaite plus vendre.
Cette femme autoritaire et arrogante souffre d’avoir été abandonnée par sa mère. Aucune information, aucun mot n'a jamais été prononcé ; elle ignore même si sa mère est partie ou morte. Sa grand-mère a toujours tu l'origine de cette disparition. Diane est bien décidée à élucider enfin les mystères, mais la gouvernante ou le jardinier aveugle ne souhaitent pas répondre à ses questions. L'aide d’Agathe, l'amie de Moune qui la prend pour sa mère, ou de Salim, le fils du notaire lui sont précieuses. Il prend peu à peu sa place dans la vie de Diane.
Le roman devient ainsi une quête sur ses origines. La jeune femme remplace peu à peu l'action par la contemplation. Le contraste entre la femme d'affaires qui paraît insensible et celle qui se révèle peu à peu est saisissant. D'un côté le monde occidental, individualiste et mené par l'attrait du profit, de l'autre le Maroc et son humanité.
Les deux auteurs masculins racontent le point de vue d'une femme avec beaucoup de justesse et de sensibilité. Un beau roman au charme des paradis perdus, dépaysant et nostalgique, sur la recherche des racines.
Canesi, Michel / Rahmani, Jamil. - Villa Taylor. - A. Carrière. - 362p. - 19€

Trente après, le narrateur se souvient de décembre 1986 et des manifestations pour le retrait de la loi Devaquet sur l’université. Le maître mot est « courir », tout s’est emballé comme une grande course après les grands rêves de la jeunesse de l’époque.
Il faisait partie d’un groupe d’étudiants qui s’est lancé à fond dans les manifestations, les sit-in, la grève des cours et les allers et venues entre Aix-en-Provence où ils habitent et Paris avec une vieille voiture très gourmande en essence ! Ils ont un immense enthousiasme et découvrent la politique avec passion.
Mais le tabassage, suivi de la mort d’un étudiant, rue Monsieur-le-Prince par un membre de l’équipe des voltigeurs, policiers à moto avec une grande matraque, arrête tout, et le narrateur s’étend longuement sur cette intervention meurtrière. Tous les détails sont racontés avec beaucoup d’émotion. Il se met dans la peau de tous les protagonistes : Malik, le témoin, le policier…
La troisième partie, c’est ce qui se passe, ensuite avec une réflexion sur toutes les victimes qui ont couru pour essayer, en vain, de sauver leur vie ; c’est un bilan personnel de ce qui reste quand on a perdu ses utopies.
Le ton du roman est, comme dans Après le silence, une sorte de jet continu et rempli d’émotion à fleur de peau. Le narrateur ne court pas, mais autour de lui, Malik, les juifs, les Algériens en octobre 1961, les Noirs de Soweto et tant d’autres n’arrêtent pas de courir en vain. Le roman se termine sur un début de listing…
C’est une réflexion, un témoignage, un roman d’apprentissage des premiers émois politiques, percutant et utile pour la jeunesse aujourd’hui.
Castino, Didier. - Rue Monsieur-le-Prince. - L. Levi. - 199p. - 17,50€

François reçoit un appel de son frère Jérôme : leur père vient d’être assassiné dans les bureaux de l’Assistance Catholique, où il faisait du bénévolat auprès de migrants. Alors qu’ils essaient de gérer leur deuil, leur cousine, Louise, militante de la fachosphère, lance un « tombeau virtuel » sur le Net pour honorer la mémoire de son oncle et le canoniser.
Ce qui de prime abord semblait être une histoire de jalousie conjugale devient un drame raciste et prend une ampleur que François ne parvient pas à endiguer…
David-Marie, Alexis. - #Martyrs français. - Aux forges de Vulcain. - 220p. - 17€

« Une réflexion sur l'art d'écrire un roman dans la société contemporaine. L'auteur étudie les idées reçues et propose des solutions pour ne pas décourager les écrivains et créer une littérature vivante et exigeante. » (résumé Électre).
Construit en deux parties de cinq chapitres chacune (« Sur quelques idées reçues » / « Sur quelques chantiers »), cet essai de Sophie Divry cite de nombreuses références de critiques littéraires (sans s’y enliser) et invite surtout tout romancier à tenter l’aventure en gardant toute la fraîcheur d’enthousiasme possible.
Un ouvrage critique accessible (enfin ?!...).
Divry, Sophie. - Rouvrir le roman. - Noir sur blanc. - 201p. - 14€

Un beau style cru, sensuel et poétique au service d’êtres en marge, frustes et bourgeois confondus. Un monde rural dont l’atmosphère s’apparente aux films de Bruno Dumont, noirceur et poésie sans cesse entremêlées. A l’image de Caroline, abandonnée par sa mère dans un asile, les personnages confrontés à la cruauté et à la décadence d’un univers clos cherchent chacun à échapper à leur enfermement. Mais qu’espérer quand on porte sur soi et ceux qui vous entourent un regard tranchant et douloureux ?
L’auteur a l’art de transmettre au plus juste les tourments intérieurs de ses personnages sans s’appesantir. Étonnamment, jamais le sordide n’éteint la profonde humanité de ces êtres « mangés par la terre » en attente d’un ailleurs qu’ils savent inaccessible.
Escalle, Clotilde. - Mangés par la terre. - Editions du Sonneur. - 196p. - 17,50€

En 1937, Alix Gower est une jeune anglaise installée depuis deux ans à Paris avec sa grand-mère qui craignait la montée de l’antisémitisme en Angleterre. Alix a perdu sa mère à sa naissance et son père est mort durant la guerre de 1914, alors qu’elle n’avait que cinq ans. Alix perd son emploi de standardiste au Central, car elle a enfreint le règlement pour venir en aide à un journaliste. Heureusement, son ami Paul l’aide à réaliser son rêve, en lui décrochant un entretien dans la maison de haute couture Javier. Mais ce coup de pouce a un prix : Alix doit voler les idées et nouveaux modèles du couturier pour une Américaine. Menacée d’expulsion, malgré le respect et l’admiration qu’elle porte à Javier, elle s’exécute en espérant en échange une belle somme d’argent. Un soir en rentrant chez elle, elle est agressée.
Cette histoire tient la route, malgré parfois certains raccourcis ou facilités. Les années 30 avec la montée du nazisme et du fascisme, la guerre d’Espagne et l’antisémitisme occupent une place à part entière. En outre, ce roman est aussi très bien documenté sur le milieu de la haute couture et de son fonctionnement.
Une lecture parfaite pour les vacances d’été !
Evans, Natalie Meg. - La voleuse de robes. - Nil. - Traduit de l'américain. - 523p. - 22€

Saga familiale où l’on suit la vie d’une famille au Pendjab sur trois générations de 1938 à 2009.
Quatre frères et sœurs (deux garçons, deux filles) grandissent à Lahore au Pakistan sous l’emprise de leur mère tyrannique qui veut faire d’eux des gentilles filles et des braves garçons. On les suit depuis leur jeunesse jusqu’à la mort de leur mère, l’occasion pour eux de se retrouver et de faire le bilan de leurs vies.
Les deux frères partent faire des études de médecine, l’un en Angleterre, l’autre aux États-Unis, selon le souhait de leurs parents, afin de devenir de grands médecins comme leur père. Quant aux filles qui ont été élevées comme des princesses, leur avenir est déjà tout tracé : elles feront de beaux mariages pour pouvoir briller en société.
Sauf que ces enfants une fois devenus adultes vont tout faire pour échapper au carcan familial et à l’attente sociale de leurs parents et prendre des chemins bien différents de ce à quoi ils étaient destinés…Sous forme de flash-back et de récits entrelacés, chaque membre de cette fratrie prend la parole.
Roopa Farroki qui est née elle-même à Lahore, reprend des thèmes qui lui sont chers : le déterminisme familial, le poids des traditions, le multiculturalisme, l’exil… Les personnages sont attachants et on a envie de savoir comment chacun a construit sa vie.
Un roman riche où l’on se perd parfois un peu. Pas un coup de cœur mais intéressant par les thèmes abordés.
Farooki, Roopa. - Gentilles filles, braves garçons. - Gaïa. - Traduit de l’anglais (Pakistan). - 443p. - 24€

Polar politique
Santiago du Chili, septembre 1986 : douze hommes et femmes de différentes nationalités échouent dans l'attentat qu'ils préparaient contre Pinochet.
Trente ans plus tard, plusieurs personnes sont enlevées à Madrid, Paris et Buenos Aires et leurs cadavres sont retrouvés mutilés. Un trio composé du journaliste madrilène Diego Martin, de son amie détective Ana Duran et de l'avocate Isabel Ferrer mène l'enquête... Il découvre que les victimes sont liées par un passé commun, leur opposition aux dictatures latino-américaines dans les années 70 et 80.
Ce sont les mêmes personnages que dans le précédent roman, Mala vida, qui abordait le sujet douloureux des bébés volés sous le régime franquiste.
Dans Guerilla social club, l'auteur imagine que le réseau d'influence de Pinochet n'a pas disparu avec la mort du dictateur, mais qu'il renaît au contraire après avoir été dormant pendant trente ans.
Un scénario effrayant que j'ai trouvé assez crédible et qui fonctionne bien grâce à l'écriture efficace et enlevée de l'auteur, ancien journaliste à Courrier International.
Fernandez, Marc. - Guerilla social club. - Préludes. - 284p. - 16€

URSS, 1979, à la veille des Jeux Olympiques : Rosa, jeune fille de 17 ans, accepte un emploi au service sanitaire du port. Elle espère ainsi intégrer la faculté de langues romanes et germaniques. Le SSE s’occupe du contrôle sanitaire des bateaux et de leurs cargaisons à leur arrivée au port russe ; le bureau 2 identifie les parasites de catégorie 2. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Rosa l’ignore, ses collègues sont peu enclins à lui donner des explications et la traitent comme une enfant.
Bientôt, des morts sont découverts par la police, leurs jambes sont mutilées. Le « coupable » serait arrivé sur un cargo contrôlé par le SSE/2, or celui-ci n’a rien signalé. C’est le début des ennuis pour le service et sa chef Petrichtchenko, « les moscovites » la laissant régler le problème seule. Avec ou sans leur aide, la priorité est d’arrêter cette « chose » surpuissante… qui n’est autre que l’Esprit de la faim ! Pas vraiment intégrée au SSE/2, Rosa s’ennuie vite et s’évade en lisant Angélique et le nouveau monde. Mais bientôt, l’angoisse la prend elle aussi alors qu’elle se sent suivie ; d’autant que Vassili lui a demandé de lui signaler la moindre bizarrerie ou situation inquiétante. Et si c’était elle la clé, celle qui peut annihiler l’Esprit de la faim ?
Maria Galina est comparée à Boulgakov pour l’univers fantasmagorique et la satire sociale qu’elle créée dans son livre. L’organisation (ici le SSE) est une bonne illustration des rouages du système soviétique et de sa société en 1979. Elle est carrée et forte, mais vire volontiers dans la paranoïa et le recours à la magie (noire). Ce qui fait de l’absurde, la force et l’humour de ce roman. On se perd dans une enquête qui relève du surnaturel. Les personnages sont aussi attachants que ridicules ; la fin de l’histoire grinçante. Néanmoins, ce roman est inégal dans sa narration, l’intrigue est trop tardivement le cœur du roman.
Pour lecteurs avertis.
Galina, Maria. - L’organisation. - Agullo. - Traduit du russe. - 366p. - 22€

Le roman retrace le voyage initiatique que Renaud a entrepris en Inde. En quête de spiritualité alors qu'il souhaite devenir moine bénédictin, il rencontre Sanjana, jeune femme hindoue rejetée par la communauté. Il veut la protéger. Il la perd de vue et la retrouve régulièrement au cours de ses pérégrinations. Elle cache un secret.
Il se remémore son enfance en Normandie et les conseils pleins de bienveillance prodigués par les moines du monastère pour son voyage.
Son périple à pied, ses nuits à la belle étoile le mènent de la rivière sacrée des jaïns (ou hindous) Narmada, à l'ascension des montagnes saintes pour effectuer un travail de purification et de méditation. Il découvre les traditions bouddhiques en côtoyant les intouchables, les nonnes, les pèlerins ou les mendiants hindous.
« Les heures ressemblaient à des arbres, soumis à la poussée de la vie, mais si lentement que l'on pouvait croire à une grève du temps. »
Très beau roman sur le voyage qui nous fait toucher du doigt la profonde spiritualité hindoue.
L'auteur, né en 1943, est spécialiste de la symbolique de l'art bouddhique en Inde où il a souvent séjourné. Lauréat du Grand Prix de Littérature décerné par l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Germain-Thomas, Olivier. - Marche avec la nuit. - Le Rocher. - 19€

Réédition d’un livre paru en 1965, par un auteur polonais renommé, souvent comparé à Kerouac. Il ne put jamais revenir dans son pays et subit donc un exil forcé.
C’est l’histoire de deux escrocs qui vivent en Israël, mais le lieu n’a pas vraiment d’importance, cela pourrait se passer n’importe où. Ils séduisent des femmes, afin de leur extorquer de l'argent, en imaginant des scénarios complexes et biscornus. Ils doivent trouver un financement pour monter leur plan (acheter un chien, se nourrir, louer une chambre dans l’hôtel où séjourne leur future victime…) ; mettre au point des dialogues et des répliques et les répéter comme dans une pièce de théâtre.
Par son côté absurde, l’histoire nous fait penser à Samuel Beckett ou encore Kafka. Mais en plus de ces situations loufoques, c’est à la fois triste et drôle, crédible et improbable, et plus généralement une réflexion sur le sens de la vie, sur le monde…
Hlasko, Marek. - La mort du deuxième chien. - Mirobole. - Traduit du polonais. - 189p. - 17,50€

Lorsque le jeune héros apparaît un beau jour en 1984 dans un port d’Afrique du Sud en plein apartheid, il est recueilli par un marin, et surnommé Jimfish (terme insultant désignant une personne noire). Il est ensuite embauché par un jardinier, grand admirateur de l’Union soviétique, qui devient son mentor.
Ayant eu une relation avec la fille du chef de police qui le menace de mort, Jimfish est contraint de s’exiler et prend la direction de l’URSS, mais se retrouve par erreur à Tchernobyl où la centrale vient tout juste d’exploser. Commence alors pour lui, jeune candide toujours optimiste, une odyssée initiatique à travers la planète, où il découvre les pires horreurs et cruautés de l’Histoire de la décennie 1984/1994. Jusqu’au jour où il apprend que Nelson Mandela est intronisé président de la jeune nation arc-en-ciel.
A la croisée du conte absurde philosophique, de la fable ironique et du documentaire caustique, ce roman loufoque est un tour du monde des dictatures, massacres et grands bouleversements du XXe siècle.
Ce livre sombre et léger à la fois, se laisse lire, sans déplaisir.
A conseiller plutôt aux jeunes adultes
Hope, Christopher. - Jimfish. - Piranha. - Traduit de l'anglais (Afrique du Sud). - 140p. - 19€

« Un récit dans lequel la romancière raconte sa propre histoire et rend hommage à la littérature. Née de parents passionnés de lecture et d'Amérique, elle reçoit en cadeau une machine à écrire à l'âge de 5 ans. Ayant toujours voulu être écrivaine, elle parle de la littérature comme d'une activité respectable. » (résumé Électre).
Un livre autobiographique qui se lit très facilement.
De nombreux passages sur la relation de l’auteur aux livres et à l’écriture mais aussi des tranches de sa vie familiale : récit susceptible de séduire un public assez large (les lecteurs intéressés par l’aspect « littérature dans la littérature » mais aussi lecteurs amateurs de biographies et d’autobiographies).
Kerninon, Julia. - Une activité respectable. - Le Rouergue. - 59p. - 10€

August Michelson a consacré toute sa vie au théâtre, dès qu'il met les pieds à Estonia, la vieille bâtisse de Tallinn, il abandonne l'usine et devient comédien. Erica, une nouvelle recrue, lui donne des ailes, il parvient à être son danseur exclusif et il tombe éperdument amoureux d'elle. Légère, discrète, gracieuse, comme un papillon, elle est aussi très fragile...
La troupe dont ils font partie remporte de nombreux succès auprès de son public et même l'année 1914 qui entraîne la fermeture du théâtre, n'arrête pas son activité. Pour redonner l'illusion de la beauté et l'espoir aux spectateurs, les comédiens jouent tout en s'occupant des blessés soignés dans leur théâtre transformé en hôpital militaire.
Ce premier roman de l'auteur, publié en France après Les groseilles de novembre et L'homme qui savait la langue des serpents rend l'hommage à l'art théâtral, soulignant son pouvoir de tromper le mal et la mort. Donner de l'illusion au spectateur est un outil pour le sauver du désespoir. A. Kivirähk mélange l'imaginaire à l'Histoire, le destin du groupe d'amis comédiens évolue avec l'histoire du pays déchiré entre les Allemands et les Soviétiques. Avec des éléments fantastiques glissés dans la réalité (kratts, femme-oiseau, loup-garou), il annonce les textes qu'il écrira ensuite. Ses personnages sont amoureux de leur métier et très humains.
Kivirähk, Andrus. - Le papillon. - Le Tripode. - Traduit de l'estonien. - 240p. - 19€

Une cochonne échappe au camion qui doit l’emmener à l’abattoir, en chemin, elle rencontre un chien, puis un lapin, puis ours, puis, enfin, un renard ! Toute cette fine équipe décide de fuir les hommes et d’aller danser. En route, ils édictent des lois, se donnent des surnoms, sauf le renard qui reste indépendant. Hélas, la faim, puis un ravin met fin à leur cavalcade. Ils s’entretuent, se dévorent et se vomissent, c’est, totalement, gore !
Le renard est rescapé et, à l’aide d’une pie, sort du trou. Il aurait voulu mourir pour rejoindre sa renarde, morte de maladie, mais elle lui apparaît et le persuade de continuer à vivre, malgré la queue arrachée par les chiens lâchés par les fermiers sur lui. Il disparaît, on ne sait où.
Petite fable sans moralité, mais qui peut faire réfléchir sur les motivations des vivants, quand la faim fait tomber tous leurs idéaux. Ce microcosme animal est à la fois féroce et cocasse.
Köhlmeier, Michaël. - Manger ou être mangé. - Le Tripode. - Traduit de l’allemand (Autriche). - 139p. - 16€

Elvira est la première à prendre la parole dans ce roman en trois volets. A la mort brutale de son père, réalisateur, Elvira découvre dans un manuscrit la passion secrète de celui-ci pour Clara, une journaliste critique de cinéma de vingt ans sa cadette, venue à Rome l’interviewer pour la sortie de son film sur Gramsci.
Gigi, le père, prend alors le relais, raconte cette passion fulgurante, cette passion de l’âge mûr qui jamais ne remet en cause les engagements de l’un et de l’autre. Tous deux sont mariés et ont des enfants.
Elvira prend contact ensuite avec Clara, et c’est Clara qui donne enfin une version de l’histoire, qui devait compléter celle de Gigi dans un journal à quatre mains.
C’est un roman très agréable à lire. D’abord il y a l’Italie, la dolce vita, les villes ensoleillées, et puis il y a ce raffinement, cette élégance dans leurs échanges souvent érudits. Enfin, c’est l’amour lumineux, tendre et passionné, de deux personnes qui savent que cette expérience est forcément éphémère et qu’elle est pour eux inespérée.
On se laisse porter par ce roman qui a beaucoup de charme et dont il se dégage une grande douceur.
Magnani, Clara. - Joie. - S. Wespieser. - 175p. - 17€

Un soir d'hiver 1996 à Madrid, Carlos Ovelar, propriétaire d'une agence de photographie, reçoit un étrange coup de téléphone : le mari de son ex-épouse lui demande de les aider à retrouver leur fille Ania, âgée de 18 ans et introuvable depuis plusieurs jours. Ayant passé quelques années dans les services de renseignements espagnols, Carlos accepte de mener l'enquête.
Un très bon roman noir dans un décor très sombre, pluvieux en Galicie, plus précisément à Saint Jacques de Compostelle. L’intrigue est bien ficelée, sur fond de guerre entre trafiquants de drogue galiciens et colombiens. Les principaux protagonistes ont tous de près ou de loin participé au coup d’Etat du 23 février 1981. À travers cette intrigue, ils verront ressurgir les démons d’un passé politique et familial trouble qu’ils tentaient d’oublier.
Malvar, Anibal. - Comme un blues. - Asphalte. - Traduit de l’espagnol. - 279p. - 22€

Anton habite dans un foyer, auprès des ex-taulards. Il n’est pas SDF, mais il dort dans la rue, donc est considéré comme tel, comme quelqu’un qui a des problèmes ? Sa vraie histoire, personne ne la connaît.
En fait, sa vie lui a échappé : au début, il s’en sortait, il a été à la fac, a étudié le droit, a commencé à avoir des petits boulots, ensuite, il y a eu la fête et l’alcool, la perte de boulot et une dette de 3000 € envers sa banque. Ces 3000 €, c’est la bête noire d’Anton : l'argent a transformé sa vie au point d’arriver à un non-retour. Sa banque a porté plainte contre lui, le prix du procès augmente même la somme qu’il est impossible de rembourser… Dans cette situation, Anton tente de trouver des solutions rationnelles, tente de survivre, sans vraiment vouloir d’aide de la part de ses proches. Le piège se referme sur lui petit à petit, il en a conscience, mais il ne peut rien faire. Il se réfugie dans l’imaginaire et le rêve pour continuer à respirer. Et il croise Denise, caissière au supermarché qui vend des vidéos pornos sur Internet. Paranoïaque, elle se croit reconnue par tous les hommes qu’elle croise.
La rencontre entre ces deux personnages se fait dans leur moment de doute et d’égarement, en toute subtilité, dépassés par les événements, ils tentent de se détacher d’un déclin qu’ils ne contrôlent pas.
L’auteur a une belle plume et surtout pose les mots justes, le roman est rempli d'humanité vis-à-vis d'une misère sociale bien présente. Des histoires de vies très touchantes, sans pathos.
Melle, Thomas. - 3000 €. - Métailié, Bibliothèque allemande. - Traduit de l’allemand. - 173p. - 16€

POUR :
Alors que ses précédents livres se déroulaient en Guyane, Colin Niel a situé cette fiction policière dans le Massif Central, un lieu reculé des Causses, où ne subsistent que quelques fermes habitées par des éleveurs solitaires ou résignés. Dès les premières pages, les paysages et les personnages concourent à rendre l'atmosphère pesante.
On retrouve la voiture abandonnée d’Evelyne Ducat, bourgeoise de la ville qui a réintégré cette province à l'écart avec un gars du coin qui a fait fortune à Paris, au départ d’un sentier de randonnée. Les gendarmes recueillent des témoignages qui révèlent, chacun à leur tour, les lourds secrets de la disparue.
À partir d'une histoire simple, la disparition d'une femme, l’auteur découpe son roman en puzzle. Chaque intervenant donne sa version, comme dans un interrogatoire, avec le langage qui lui est propre et les récits s'enchaînent et se complètent avec efficacité. Cinq personnages livrent leurs déceptions ainsi que leurs rêves, et sont concernés de près ou de loin par la disparition et le meurtre d’Evelyne Ducat. Quatre personnages se racontent, le cinquième casse le rythme du récit et augmente le suspense. Il est Africain, et prêt à tout pour survivre. Son récit est plein de gouaille et de mots de là-bas. À des milliers de kilomètres, il est lié de façon insolite avec un des personnages, Michel, paysan qui a repris l'exploitation de son beau-père et épousé la fille, Alice. Cette dernière est assistante sociale, aide les agriculteurs en difficulté, leur explique à quelles aides ils ont droit ou leur parle, pour rompre leur solitude.
Ce roman policier nous offre un cadre inhabituel : le monde rural et paysan, désespéré, isolé. Beaucoup de finesse dans l'étude des différents personnages.
Déjà couronné par le prix Polar en séries du Festival Quais du polar de Lyon, Seules les bêtes a reçu le prix Landerneau Polar des Espaces culturels Leclerc.
CONTRE :
Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole et chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie. Et si le chemin qui mène à la vérité manque autant d’oxygène que les hauteurs du ciel qui ici écrase les vivants, c’est que cette histoire a commencé loin, bien loin de cette montagne sauvage où l’on est séparé de tout, sur un autre continent où les désirs d’ici battent la chamade.
Autant Obia m'avait beaucoup plus, autant Seules les bêtes m'est rapidement tombé des mains. Le choix du roman choral me semble inadapté. En outre, selon moi, le style est trop journalistique et l'écriture inutilement érudite.
Niel, Colin. - Seules les bêtes. - Le Rouergue, Noir. - 212p. - 19€

Tout semble sourire à Andrew J. Rush : il écrit des romans policiers très populaires qui s'écoulent à des millions d'exemplaires. A bien des titres, on le compare à Stephen King, ce qui est loin de lui déplaire. Père de trois enfants adultes, il mène une vie de famille paisible dans le New Jersey avec sa femme Irina. Mais en cachette de ses proches, il écrit des romans extrêmement noirs, sous le pseudonyme du Valet de Pique. Cette vie de dissimulation semble sous contrôle, jusqu'au jour où sa fille Julia reconnaît des éléments de leur vie dans un roman du Valet de Pique qu'il a eu la négligence de laisser sur son bureau… Dans le même temps, il est accusé de plagiat par Mme Haider, auteur de romans auto-publiés des années auparavant. Andrew J. Rush est contraint de sortir du bois tout en répondant à cette double injonction, évidemment impossible : garder son secret à tout prix et restaurer son honneur… Seule une personnalité borderline pouvait imaginer pouvoir relever le défi !
Un thriller bien ficelé dont l'atmosphère inquiétante diffuse longtemps.
Oates, Joyce Carol. - Valet de Pique. - P. Rey. - Traduit de l’américain. - 218p. - 17€

L’histoire débute lorsque la femme de Josh doit partir d’urgence en déplacement, le temps d’un week-end. Nous retrouvons Josh avec ses deux enfants, Roland, 5 ans, et Maude, 3 ans, en plein goûter avec des « MAF » (mères au foyer et « PAF » pères au foyer du quartier). Il explique sans honte qu’être parent, c’est le début de la galère, que nous pouvons dire au revoir à notre vie de couple, notre vie sexuelle, mais surtout qu’être père, c’est accepter d’échouer.
Josh retrouve Suzy une amie/maman qui participe aussi au goûter. C’est là qu’elle lui apprend que sa femme Stacy le trompe (sans certitude), il essaie d’en savoir plus, mais les enfants l’appellent et il n’arrive pas à recroiser Suzy. Il décide alors de se fixer un but pour le week-end : assurer avec les enfants jusqu’au retour de Stacy. Etant un très bon scénariste (piges), il ne manque pas d’imagination concernant sa femme et ce qu’elle est en train de faire de son week-end… D’autant plus qu’il rate ses appels et ne tombe que sur sa messagerie. Nous le suivons dans ses délires et dans ses galères de jeune papa qui subit les colères de ses enfants.
Roman très drôle qui se déroule sur 24h (un chapitre / une heure), ce qui donne une lecture soutenue et rapide, mais surtout qui motive pour connaître le fin mot de l’histoire : Stacy est-elle oui ou non fautive ?
Olear, Greg. - Fête des pères. - Le Cherche Midi. - Traduit de l'américain. - 413p. - 19.50€

Madrid, lotissement El Tomillar, 2003. Des couples d'amis se réunissent en échangeant les derniers commérages. Tous sont d'anciens militants communistes reconvertis en bourgeois de la transition espagnole, ayant depuis longtemps renoncé à leurs utopies. Johnny, rejeton lucide de cette génération et écrivain, cherche son père sur les photos d'époque et enquête sur le meurtre d'un ami d'enfance.
Un roman très original qui retrace l’histoire de l’Espagne des années 60 à nos jours. Tout se passe autour d’une partie d’échecs : les jeunes militants communistes d’hier se retrouvent, des années plus tard, avec des parcours très différents de ce qu’ils projetaient dans leurs rêves de jeunesse. L’un est banquier (véreux) d’affaires, un autre est député du PSOE… Ce qui les réunit les divise également : qui a donné le réseau à la police franquiste en 1962 ? Qui a tué Javito en 1991 ? Autant de questions sans réponse qui intriguent Johnny, le narrateur. Écrivain, il est aussi à la recherche de son père biologique…
Une intrigue en apparence décousue ? Pas si simple : il faut oublier notre esprit cartésien, pour se laisser guider par le récit. Autour de l’échiquier, la position du pion va peu à peu faire la différence, échec et mat !
Intéressante traversée d’une Espagne en mutation ! Ce livre, bien écrit, mérite qu’on le découvre.
Reig, Rafael. - La position du pion. - Métailié. - Traduit de l’espagnol. - 285p. - 20€

Suite au décès de sa mère, Sofia, quatorze ans, se rend près de Buenos Aires, chercher son père qu'elle n'a jamais vu, et qui ignore son existence. Elle lui annonce tout de go qu’elle est sa fille ! Passé le moment de stupéfaction, Lucas le confie à sa femme Fabiana qui a du mal à accepter cette situation.
Père et fille doivent apprendre à se connaître, et peu à peu vont s’aimer. Le malaise que provoque l’arrivée de Sofia se métamorphose lentement grâce à la complicité qui s'installe entre eux. Sofia constate les tensions dans le couple et n’apprécie pas du tout sa belle-mère, l’« adjudant » acariâtre. Elle est vive, peu timide, et n'a pas la langue dans sa poche. La jeune fille est assez intelligente pour s’apercevoir que son père est défaitiste et dominé par Fabiana. Elle essaie de faire prendre conscience à son père de sa soumission à sa femme qui en abuse.
Comme Lucas a écrit deux livres, dont un best-seller, l'auteur en profite pour nous faire réfléchir sur le métier d'écrivain : " je ne sais pas si c'est un métier comme un autre. Imagine que tu sois, mettons, ingénieur : tu as fait tes études, tu as eu ton diplôme, tu es ingénieur. Moi, je n'ai pas étudié pour être écrivain. J'ai écrit deux livres. Bien. Quand je les ai écrits, j'étais écrivain. Mais j'ignore si je le suis encore." (p. 107).
E. Sacheri se met avec facilité dans la peau de l’adolescente, exprime sa colère ou son angoisse. Même si le thème de la « paternité soudaine » n’est pas original, on passe un bon moment. Le duo père/fille est sympathique et attachant. La chaleur humaine qui émane des personnages, les dialogues percutants et la prose pleine d'humour nous donnent un joli roman émouvant, qui se lit d'une traite.
À conseiller aux ados et adultes.
Sacheri, Eduardo. - Le bonheur, c’était çà. - H. d’Ormesson. - Traduit de l’espagnol (Argentine). - 254p. - 19€

Une histoire qui ne prend pas la forme d’un roman, qui pourrait plutôt être considérée comme un témoignage sur la schizophrénie. La narration met en scène un frère et une sœur, lui schizophrène, elle à côté de lui, à la fois si proche et si loin.
Un texte très bien écrit, qui permet d’aborder un sujet difficile et de parler de la place des émotions dans la société, souvent mises à part, acceptables et valorisées uniquement dans le monde des arts et des lettres.
Un texte court et choc, allusif et poétique (donc pas forcément pour tout public) mais très intéressant, adapté et mis en scène pour le théâtre.
Ce tout petit volume présente également des illustrations, surprenantes et dérangeantes, de Bérengère Vallet.
Savitzkaya, Eugène. - Sister. - L’œil d’or. - 60p. - 11€

Milena Lukin travaille à Belgrade, au sein de l'Institut de criminologie, sur la répression des crimes de guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Elle s'intéresse officieusement à la mort suspecte de deux cadets de la garde d'élite serbe, le tribunal militaire ayant conclu au suicide. Mais l'étude balistique laisse planer le doute sur les faits.
Un roman qui tient en haleine de bout en bout. On suit Milena dans sa vie, son enquête, ses hésitations et, à travers elle, on vit le quotidien des populations serbes au lendemain des guerres intestines et de l’épuration ethnique de Milosevic.
Bien construite, l’intrigue, pleine de rebondissements, nous permet de mieux comprendre les enjeux géostratégiques d’une région du monde particulièrement et historiquement sensible.
Les auteurs ont composé ce livre à quatre mains : l’un est un journaliste allemand, l’autre est une enseignante serbe en littérature allemande qui se partage entre Belgrade et Berlin. Leur roman est un best-seller en Allemagne. Nul doute qu’il en sera un également en France !
Schünemann, Christian / Volic, Jelena. - Couleur bleuet. - H. d’Ormesson. - Traduit de l’allemand. - 367p. - 21€

Isabelle, jeune femme pleine de fantaisie, rêve d’une vie d’actrice mais cela reste un beau rêve. Elle vit donc de petits boulots (serveuse au MacDo). Quand elle décline en plus la demande en mariage de l’homme qu’elle aime, elle se retrouve fauchée et sans toit ! Jusqu’au jour où elle accepte comme travail de séduire un jeune veuf, père de trois enfants et sur le point de se remarier. Elle doit alors partir en Italie dans la maison de vacances de la riche famille des Kozlowski et se faire passer pour la nounou de Nicolas, un garçon de huit ans meurtri par la mort de sa mère.
Des personnages hauts en couleur mais crédibles ; un roman pétillant, drôle et tendre à la fois. Un livre « feel good book » par excellence.
Vareille, Marie. - Là où tu iras, j’irai. - Mazarine. - 360p. - 18€