Sélection de la commission petits éditeurs - novembre 2012

Petits éditeurs Bib92 – Sélection novembre 2012

BiB92 - Commission Petits éditeurs
Sélection novembre 2012

A retouver ci-après :la sélection "petits éditeurs"

Audur Ava Olafsdottir. - L’embellie. -Zulma. - Traduit de l’islandais. - 395 p. - 22 €
La narratrice, femme libre et battante, est quittée par son mari, rompt avec son amant, gagne une maison de rondins livrable à son choix et, en plus, gagne le pactole à la loterie. Billet choisi par Tumi, cinq ans, fils de sa meilleure amie. Celle-ci dernière, enceinte de jumelles, doit terminer sa grossesse couchée et lui a confié son petit garçon, né d’une relation précédente. Elle décide de partir avec lui sur la route côtière de l’île et nous nous embarquons avec elle, le vide-poches rempli de billets de banque ! Son but est de prendre possession de la cabane dans le village d’origine de sa famille. Elle est traductrice et correctrice, donc elle emmène son travail dans ses bagages.
En route, nous écrasons une oie et un mouton, nous croisons de nombreux hommes, en trois cent kilomètres, elle couchera avec trois de ses rencontres… Elle ne connaît rien aux enfants, mais fait bon ménage avec le petit garçon qui est non seulement éloigné de sa mère mais quasi sourd, muet et bigleux ! Leur relation est assez surréaliste, mais le gamin vit bien la situation ! En cours de route, elle embarquera des poissons rouges qui ne résisteront pas aux cahots de la route, et Tumi introduira un passager clandestin en la personne d’un petit chat trouvé dans une ferme au passage.
Au fil des chapitres numérotés de un à soixante-quatre, on apprend par des passages en italique et de façon subliminale des éléments de la vie de la narratrice, et les raisons qui l’empêchent de s’engager et d’avoir un enfant. A ce sujet, il faut noter que son amie enceinte porte son prénom, Audur. C’est subtilement introduit dans la narration, sans la plomber.
L’écriture est alerte et dynamique, visuelle. On passe un très bon moment.

Avallone, Silvia. - Le lynx. -L. Levi. - 59 p.- Traduit de l’italien. - 4 €
Piero, la quarantaine, est un voleur de belles mécaniques. Il a déjà à son actif plusieurs séjours en prison. Un soir qu’il cambriole une boutique, il fait la connaissance d’un jeune garçon paumé. Cette rencontre va bouleverser son existence.
Un court texte poignant et percutant. Un auteur à suivre.
Pour ados également.

Avon, Sophie. - Les amoureux. - Mercure de France. - 384 p. - 22 €
Au début des années 80, Sonia, 18 ans, monte à Paris pour étudier le théâtre. La jeune fille loue une chambre à Otti, une vieille dame seule avec son chat, et travaille quelques heures dans un cabinet d'avocats. Lors d'un cours de théâtre, elle rencontre Jan, jeune homme beau et doué d'une prestance naturelle et impressionnante même pour ses professeurs.
Très vite, la vie parisienne de la jeune fille s'articule autour du théâtre, des auditions, de l'amour pour Jan et des conversations avec Otti. Mais un jour, Jan lui présente Alexandre, un jeune homme qu'il a aimé par le passé, et une certaine attirance naît entre Alexandre et Sonia...
Triangle amoureux qui n'est pas sans rappeler Jules et Jim de François Truffaut, avec une héroïne légère, typique du cinéma de la Nouvelle vague, vivant d'amour, d'eau fraîche et d'idéal. L'histoire prend place dans les années 80, alors que l'attitude et la vie des jeunes gens semblent être celles des années 60 avec ce vent libertaire et insouciant. Le lecteur est séduit par cette atmosphère de liberté et de jeunesse.
Sophie Avon réussit là, avec une belle écriture parfois directe, le portrait d'une jeune apprentie comédienne face à ses contradictions, et désireuse d'aimer passionnément un homme qui, dira-t-elle, n'aime finalement pas son « genre ».
Plaisant dans la découverte des sentiments. Possible en fonds Ado.

Barry, Sebastian. - Du côté de Canaan. - J. Losfeld. - Traduit de l'anglais (Irlande). - 274 p. - 19,50 €
Sebastian Barry, romancier et dramaturge, né à Dublin en 1955, est considéré comme un des écrivains irlandais les plus doués. Ses romans dont Le testament caché, qui a obtenu deux prix, sont traduits aux Éditions J. Losfeld.
La narratrice, Lilly Bere, 89 ans, vient de perdre son mari Bill. Les chapitres s’intitulent : « Premier jour sans Bill », etc. Le roman égraine ainsi les jours sans Bill. Ces 17 jours de deuil servent à cette femme à raconter sa vie, où passé et présent alternent.
Lilly se replonge dans ses souvenirs : elle évoque ses voisins ou son enfance irlandaise. Son père l’envoie à Chicago avec son fiancé poursuivi par l’IRA, et la jeune fille tente de survivre après la disparition inattendue de celui-ci. Elle épouse Joe, mais se retrouve seule prématurément. Pour gagner sa vie, Lilly devient employée de maison et cuisinière.
La vieille dame retrace ainsi son parcours de l’Irlande au pays de Canaan à travers les hommes de sa vie : son frère mort à la guerre ; son fiancé, puis son mari tous deux partis trop vite ; Ed, son fils engagé au Vietnam, puis Bill, son petit-fils. Elle relate ces drames qui ont jalonné son existence, mais cette accumulation de malheurs ne tombe jamais dans le mélo, et l’auteur parvient à nous faire sourire. Ces pages narrent aussi cette époque de guerres, de racisme, de misère. Mais il y a beaucoup de tendresse et de douceur, beaucoup de charme chez cette vieille dame qui accepte son destin avec sérénité. L'écriture est tout en délicatesse et légèreté. Un livre poignant et sensible. Retenu pour la dernière sélection du Fémina étranger.

Boudjedra, Mohamed. -Le parti des coïncidences. - Alma. - 235 p. - 15 €
Mohamed Boudjedra, né à Oran en 1954, a grandi à Paris. Architecte, il se passionne pour l'urbanisme et le paysage.
Le parti des coïncidences est raconté à travers le récit d’un architecte, enseignant, demandeur d’emploi, suspecté d’avoir tué sa femme sculptrice. Ce personnage principal passe un entretien avec un chasseur de têtes qui cherche parmi plusieurs candidats, un architecte capable de construire des maisons qui influent sur leurs habitants, c’est-à-dire « l’architecture des coïncidences ». Afin d’être embauché, le narrateur décrit les deux maisons qu’il a construites pour sa femme et un ami dans un quartier huppé, lui qui a vécu dans un bidonville.
Le narrateur fait des flashback, le passé du couple remonte ; l’entretien tourne à l’interrogatoire et à la confession. L’architecte est contraint de se défendre : est-il responsable de la mort de sa femme ? L’auteur réussit à garder le suspense jusqu’à la fin. En écrivant « vous », l’auteur s’adresse directement au lecteur. Cette intrigue nous absorbe très rapidement. Un roman à l’écriture simple, mais profond (les références architecturales mondiales qui, depuis l’Antiquité, ornent le récit), bien mené, hitchcockien, et expriment une réflexion sur l'art.
Sélectionné pour le Prix Renaudot des lycéens.

Candré, Manuel. - Autour de moi. - J. Losfeld. - 99 p. - 12 €
La forme: des jours défilent, des souvenirs, des histoires.
Le fond: l'auteur nous raconte sa vie d'enfant de 4 ans ou de 15 ans. Ses souvenirs défilent et laissent entrevoir la violence quotidienne autour de lui, sa mère morte presque devant ses yeux, son père alcoolique et violent, des grands-parents tout aussi hargneux, la mort qui rôde tout autour de lui.
Le récit, âpre et violent, oscille entre l'innocence et parfois la cruauté de l'enfant, le désespoir des adultes face à leurs échecs, et celui de l'enfant face à la mort de sa mère. Certaines scènes bouleversent le lecteur, telle celle du chat que l'enfant espère ramener à la vie en le rapprochant d'un poêle.
L'auteur réussit à toucher son lecteur parce qu'il montre l'innocence d'un enfant au milieu de la confusion et de la violence des adultes référents.
Récit coup de poing.

Choplin, Antoine. - La nuit tombée. - La Fosse aux ours. - 121 p. - 16 €
Né en 1962, Antoine Choplin vit près de Grenoble, où il partage son temps entre l'écriture et l'action culturelle. Il a écrit une dizaine de romans, récits et recueils de poésie.
La nuit tombée évoque Tchernobyl sans jamais nommer ni la ville, ni le drame explicitement.
Gouri, devenu écrivain public à Kiev, revient dans son village en Ukraine, après deux ans d’absence. Le lecteur devine qu’il y a eu une catastrophe, le lieu est devenu cauchemardesque. Gouri s'arrête à Pripiat, chez Iakov et Vera. Tous se remémorent les souvenirs d'avant les « événements ». A cet endroit proche de la centrale de Tchernobyl, l'explosion a tout dévasté, Pripiat est devenue une ville fantôme, contaminée ; Iakov est mourant et compose un poème par jour depuis la catastrophe. Maintenant, c’est le règne du silence, les maisons sont abandonnées, et les habitants sont des rescapés. Les souvenirs d'un temps révolu remontent, et la vie se poursuit malgré les risques.
A la nuit tombée, Gouri s'aventure dans ce no man's land radioactif, pour récupérer la porte de son appartement, peinte par sa fille.
Ce court roman, aux allures théâtrales, ne comporte que deux scènes : la soirée entre amis près de la zone, et le retour d'un homme, accompagné de son ami, dans le lieu contaminé pour récupérer un morceau du passé. Il est rempli d'humanité et de pudeur, sans misérabilisme. C’est une farce glaçante, renforcée par la tragédie de Fukushima. Antoine Choplinest un auteur qui suggère, adepte des non-dits qui expriment la souffrance et un certain fatalisme. L’auteur décrit la zone interdite post-nucléaire sans dénonciation, dans un style dépouillé, des phrases courtes et sèches, et une grande tendresse pour ses personnages. La nuit tombéenous retient par son écriture sobre, tout comme dans le magnifique Héron de Guernica.

Clévidence, Carin. - La maison de Salt Hay Road. - Quai Voltaire. - Traduit de l’américain. - 149 p. - 15 €
C’est un beau roman sentimental, totalement inscrit dans la nature sauvage et marécageuse de Long Island, dont l’auteur est imprégné et nourrit largement son récit. On sent l’influence des conditions physiques et climatiques sur le caractère des habitants. L’histoire se déroule entre deux événements dramatiques : l’explosion d’une usine de feux d’artifice en 1937, et la violente tornade qui ravagea le pays en 1938 et marqua la fin d’une époque.
En effet, la famille Scudder, composée de trois générations vit dans une maison en bois, un peu de bric et de broc. Il y a le grand-père August Scudder, Mavis, la fille aînée, rentrée à la maison après un mariage raté, travaille comme cuisinière au manoir voisin, Roy, le fils, mène une existence sauvage et élève des chevaux et des chiens. Les deux enfants orphelins de leur sœur aînée vivent avec eux. Nancy adore les chevaux et attend l’amour qui l’emmènera loin de cette campagne, alors que Clayton est totalement heureux à courir dans la lande avec ses copains après l’école.
Nancy se marie et part vivre à Boston, au grand désespoir de sa famille. Clayton n’a pas voulu partir avec elle et se rapproche de son grand-père, qui lui raconte l’histoire de l’île et des tempêtes qui l’ont modelée. C’est la vie quotidienne, tranquille avec les parties de pêche, les jours de givre, les oiseaux, le déclin du grand-père jusqu’à la tempête finale, la mort de Roy, puis celle de Scudder. Ces deux morts et le départ de Clayton pour Boston et son engagement dans la marine marquent la fin de l’histoire de la famille et de la maison que Mavis, solitaire, vend.
Histoire de la vie quotidienne dans une époque révolue, ambiance nostalgique et campagnarde, descriptions vivantes et colorées. C’est un premier roman prometteur dans un style classique de « nature writing ».

Cole, Teju. - Open city. - Denoël, D’ailleurs. - 347 p. - Traduit de l’américain. - 22 €
Teju Cole est né au Nigeria en 1975, et a émigré aux États-Unis en 1992. Écrivain, photographe, il est spécialiste d'histoire de l'art. Open City, lauréat du PENHemingway First Fiction Award, est son premier roman traduit en français.
Récit à la première personne du narrateur, qui se promène dans New York. La ville est le point central du livre, en hommage à Manhattan Transfert de Dos Passos. Tous deux sont en effet construits d’un puzzle composé de confessions et superpositions de points de vue.
Julius est un jeune homme cultivé (cf nombreuses références qui -art, sociologie, politique, histoire- émaillent le récit), qui a perdu son père et s’est brouillé avec sa mère avant son départ pour les Etats-Unis. Le jeune métis ne semble à sa place dans aucun pays.
Il arpente les rues en hiver, sous la pluie et croise des centaines de gens anonymes. Certains lui racontent une partie de leur vie et l’influencent.
Dans la seconde partie, le ton devient plus personnel ; Julius évoque sa jeunesse nigériane.
Un livre difficile à résumer puisqu’il n’y a ni intrigue, ni personnages, mais on va au bout de la lecture. Le lecteur découvre un peu qui est Julius, même s’il reste insaisissable à la fin du récit.
Un premier roman impressionniste, prometteur et maîtrisé.

Démoulin, Nathalie. - La grande bleue. -Le Rouergue, La brune. - 204 p. - 19 €
En 1967, en Franche-Comté : Marie est lycéenne lorsqu’elle tombe amoureuse d’un jeune bûcheron, qu’elle épouse rapidement. Mère de deux enfants, elle est employée chez Peugeot, où les tensions sociales sont fortes et les grèves fréquentes. Sa vie de famille, de femme et de couple va en être bouleversée.
Nathalie Démoulin décrit avec conviction la France des années 70, celle de l’après-guerre d’Algérie, des luttes féminines et salariales. L’ambiance est très bien dépeinte et bouleversante. Des personnages authentiques et extrêmement attachants jalonnent ce roman social, écrit dans une langue poétique. Une plongée dans un monde âpre et dur, que l’auteur fait très bien revivre.

Fives, Carole. - Que nos vies aient l’air d’un film parfait. - Le Passage. - 118 p. - 14 €
Début des années 80, à Hardelot, aux vacances de Pâques, des enfants apprennent le divorce de leurs parents.
Lorsque le père décide de partir, la mère sombre dans la dépression, et la fille ne sait plus où se mettre.
La famille implose et les deux enfants, la fille et son petit frère Tom âgé de huit ans, se trouvent au premier rang des victimes. Les voilà séparés par 1.000 kms. Tour à tour, chacun s’exprime par alternance à chaque chapitre. On suit à travers les récits de ces personnages, la douleur de la séparation, les retrouvailles pendant les vacances, les échanges sur des aires d’autoroutes à des stations de péage.
On les envoie chez des psychologues pour traverser cette période difficile, où ils ne parviendront ni à parler ni à dessiner.
C’est aussi un récit sur l’amour fraternel très percutant et très touchant.
La sœur semble la plus traumatisée par cette période de l’enfance.Ne s’entendant pas avec sa mère, elle reporte tout son amour sur son petit frère. Ils grandiront séparément et se retrouveront lors de fêtes de famille pour les grandes occasions deux fois par an.

Flynn, Gillian. - Les apparences. - Sonatine. - Traduit de l'anglais (Etats-Unis). - 573 p. - 22€
Nick et Amy semblent former un couple parfait. Suite à la perte successive de leurs deux emplois, ils décident de quitter New York pour s’installer dans une petite ville du Missouri afin de s’occuper de la mère de Nick, gravement malade. Ils emménagent alors dans une autre maison et s’habituent à une nouvelle vie. Mais le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, Amy disparaît… Nick est rapidement suspecté par la police mais est-il réellement coupable ? Qu’est-il arrivé à Amy ? Est-elle toujours vivante ? L’enquête révèlera que ce couple est bien moins parfait qu’il n’en a l’air…
Le dernier roman de Gyllian Flynn, auteur du très réussi Les lieux sombres, est un véritable petit bijou. Le mode de narration de ce roman en trois partiesest très original ; chaque récit étant entrecoupé d’extraits du journal intime de la femme comme autant de flashbacks qui éclairent l’histoire.
Les apparences est à recommander aux amateurs de suspense :tout y est : une intrigue à rebondissements, une psychologie des personnages développée et un style d’écriture incisif. Le mystère reste intact jusqu’à la dernière page, et même après…

Heyns, Michiel. - La dactylographe de Mr James. - P. Rey. - Traduit de l'anglais (Afrique du Sud). -327 p. - 21 €
MichielHeynsest néen Afrique du Sud en 1943et a fait des études à l'université de Cambridge. Professeur d'anglais, traducteur,il a pu se consacrer pleinement à l'écriture grâce au succès de son premier roman.
En 1907, Theodora Bosanquet devient la secrétaire d'Henry James (1843-1916) et l'assiste jusqu'à sa mort.
M. Heyns l’a rebaptisée Frieda Wroth ; celle-ci raconte les années 1907-1909 en restituant l'atmosphère de Lamb House à Rye, petit village anglais.
Miss Wroth, engagée par Henry James comme dactylographe, découvre, -et nous narre-, l'univers du grand écrivain : ses habitudes, ses relations avec sa famille, ses amis, ses domestiques, ses admirateurs, une médium, et sa santé. Parmi les visiteurs, il y a l’envahissante E. Wharton et sa voiture, et Morton Fullerton, un journaliste qui fait de Miss Wroth sa maîtresse, et lui demande de voler les lettres qu'il a écrites à James, par peur de publication posthume. Il lui fait espérer une autre vie, alors qu’il a été également l’amant d’E. Wharton !
Le livre évoque aussi les thèmes d’actualité de l’époque : l’émancipation des femmes par le droit au travail et le vote (suffragettes), et le spiritisme.
Cette vie, inspirée par les connaissances que l'on possède sur H. James, rapporte avec fidélité et maîtrise l'univers de l’écrivain. L’ambiance est très « british ». Le choix du point de vue de la dactylo est intéressant. De belles scènes sont écrites à la manière de Henry James.
Roman retenu pour la dernière sélection du Fémina étranger.

Humbert, Fabrice. - Avant la chute. - LePassage. - 276 p. - 19 €
L’auteur entame son troisième volet sur la violence du monde : après la Shoah dans L’origine de la violence, et l’argent dans La fortune de Sila, il s’attaque aux cartels de la drogue.
Dans un roman à trois voix, il suit le passage de la drogue depuis les paysans ruinés de Colombie qui se mettent à cette culture, en passant par la plate-forme du Mexique avec ses politiques pourris pour arriver au 9-3, où des jeunes meurent d’overdose.
On suit le destin des deux petites Colombiennes devenues orphelines jusqu’à Mexico, trajet épique sur le toit d’un train. Leur parents d’agriculteurs ruinés sont devenus cultivateurs de pavot et finissent assassinés. On découvre un sénateur mexicain totalement véreux et lié aux Cartels, puis nous arrivons à l’écoulement de la drogue dans la banlieue parisienne.
Fabrice Humbert écrit en moraliste, condamnant la dérégulation financière, cause et conséquence de la mondialisation et, dans une vision très pessimiste du monde, il garde une lueur d’espoir qui passe par le portrait du jeune de banlieue amoureux de la littérature classique (Humbert est professeur de lettres)…. Mais, l’avenir est sombre, la spirale de la désorganisation sociale et économique semble inéluctable. C’est un roman très fort, d’une écriture ferme, précise et très documentée.
Plutôt qu’un documentaire, l’auteur a préféré écrire une fiction, pensant comme son mentor Jorge Semprun, toucher davantage par le passage de l’émotion.

Mattern, Jean. - Simon Weber. - S. Wespieser. - 155 p. - 17 €
Simon weber, 18 ans, étudiant en médecine, vit seul avec son père depuis la mort de sa mère sept ans plus tôt. Des maux de tête récurrents l’obligent à consulter, et il apprend qu’il a des tumeurs au cerveau. Commence alors un périple entre son père trop parfait, Amir un jeune israélien et Rivka, une Suédoise, qui va l’éveiller au désir amoureux.
Très beau livre, car tout est vu depuis Simon, qui grandit comme il peut, s’intéresse plus à lui qu’à son père qui voudrait lui parler et que Simon ne veut pas écouter.
Le mystère de l’histoire parentale reste entier, car là c’est ce qu’éprouve Simon et comment il le ressent qui est important. Tout le roman est à la hauteur de cet ados, qui conjugue en très peu de temps peur et urgence à vivre.
À conseiller à des ados, tant Simon peut leur ressembler.

Mégnin, Jean-Philippe. - La patiente. - Le Dilettante. - 157 p. - 15 €
Le narrateur est gynécologue à Paris.
La « Patiente » est bien mystérieuse, et la première fois qu’elle vient le consulter, le médecin a un drôle de sentiment comme un malaise. Ce n’est pas une femme comme les autres.
Camille D. le désarme. Elle sait qu’il est homosexuel et qu’il vit avec David. Vincent est perturbé par cette nouvelle patiente qui semble étonnamment connaître sa vie. Il va tenter de comprendre l’intrusion de cette femme dans sa vie.
Un mystère plane pendant une bonne partie du livre. On est surpris par un événement inattendu.
Le roman est court et se lit d’une traite. L’intrigue est captivante. La couverture du livre est très jolie.
Jean-Philippe Mégnina écrit aussi La voie Marionparu au Dilettante en 2010.

Menendez Salmon, Ricardo. - La lumière est plus ancienne que l’amour. - J. Chambon. -Traduit de l’espagnol. - 188 p. - 19 €
Ricardo Menendez Salmon s’exprime dans un entretien au quotidien espagnol La Vanguardia: «Le siècle dernier, et ses horreurs, obligent l’art à être conscient de cette monstruosité, ou à devenir une activité sans transcendance. Ou bien l’art prend en considération l’expérience totalitaire et ses conséquences (le post-humanisme, le silence absolu de Dieu, la brutalité des politiques), ou bien il n’est plus qu’une banalité sans fondement. […] Moi, je renverserais la phrase d’Adorno : c’est précisément parce qu’Auschwitz a existé que la poésie continue à faire sens» (traduction de Christine Bini).
Son roman incarne ces réflexions sur la nécessité et la finalité de l’Art, entrecroisant les trajectoires d’un peintre réel (Rothko) et de deux peintres fictifs, dans une langue qui rend les œuvres des peintres imaginaires aussi vraies que celles de Rothko.

Méssadié, Gérald. - L'impératrice fatale : vol. 1, La fille-orchidée. - L'Archipel. -363 p. -21 €
Premier volet d'un dyptique, cette biographie retrace les premières années de l'impératrice mandchoue Tseu-hi (1835-1908).
Belle, intelligente, Tseu-hi, entrée comme concubine au palais impérial à l'âge de seize ans, est vite remarquée par l'entourage de l'empereur et donnera naissance, à dix-sept ans, au futur empereur Tongzhi. Devenue impératrice, Tseu-hi ne reculera devant aucun crime, y compris celui de son propre fils, pour préserver la dynastie et son pouvoir propre.
On peut reprocher à Gérald Messadié de n'éprouver aucune sympathie pour un personnage dont les actes reflètent la cruauté et le cynisme. Il s'agit en effet d'une biographie plus documentée que romancée.
Et, si Gérald Messadié nous fait parfois pénétrer au sein du Jardin de la Cité Interdite et dans l'intimité de Tseu-hi, soulignant l'extrême solitude de l'exercice du pouvoir, il ne cherche pas à « occidentaliser » une façon de penser si différente de la nôtre et à rendre l'impératrice plus attrayante à nos yeux.

Montazami, Yassaman. - Le meilleur des jours. - S. Wespieser. - 138 p. - 15 €
Emue par la mort de son père, YassamanMontazami remonte dans le temps en faisant le portrait de cet homme hors du commun, idéaliste et courageux.
Behrouz (=Le meilleur des jours) est né à Téhéran.Il vit une enfance auprès de sa mère étouffante qui, obsédée par la nourriture, le gave en permanence.Ensuite, il épouseZâhra, une femme insensible et froide qu'il finit par quitter au bout de trente ans de vie commune.
L'amour de Bibi, l'amie de sa femme, connue à l'université, lui redonne confiance en lui. Idéaliste, bercé par les idées communistes et gauchistes, fasciné par Karl Marx, Behrouz écrit alors une thèse inspirée par l'œuvre de l'économiste.Malheureusement, il ne la terminera pas...
A travers ce portrait, l'auteur revient sur l'histoire mouvementée des Iraniens qui, d'abord, assistent à la chute du Shah, ensuite à la fondation de la République islamiste des ayatollahs. L’histoire se mélange à l’idéalisme, la maison de Behrouz de Neauphle-le-Château devient un lieu d’accueil pour les dissidents iraniens et symbolise le destin de tout un peuple.
Un récit autobiographique passionnant, qui se lit facilement malgré sa complexité historique.

Ohlsson, Bengt. - Kolka. - Phébus. - Traduit du suédois. - 221 p. - 21 €
Portrait d’une adolescente arrivée en Angleterre, suite au remariage de son père. Persuadée qu’il faut tourner la page très vite, lajeune fille refuse de parler de ses origines lettones et utilise uniquement l’anglais pour s’exprimer. Sa façon de communiquer devient alors superficielle ; elle se détache de plus en plus de son nouvel entourage. Sans s’en rendre compte, elle nourrit en elle le sentiment de haine vis-à-vis de Katrina, sa belle-mère et de Sarah, sa fille. Le refus de dialogue au sein de la famille imposé par l’adolescente la pousse à s’exprimer ailleurs.
Le Loup Solitaire rencontré sur un site Internet devient alors son unique confident, si ce n’est que c’est un adulte, et pour que l’échange puisse avoir lieu, la jeune fille doit s’inventer une identité… adulte. Vivant dans deux mondes parallèles, elle finit par les mélanger et, pour supprimer Katrina, faillit commanditer un meurtre…
Ce roman psychologique puissant sur la manipulation, sur la recherche de l’identité, sur l’adolescence et la famille recomposée, perturbe beaucoup. Le cynisme et la force destructrice de l’adolescente sont surprenants et sans limites. Se lit d’une traite !

Orcel, Mackenzy. - Les immortelles. -Zulma. - 133 p.- 16,50 €
Les chapitres courts et le langage poignant, sans tabou, touchent profondément le lecteur,tout comme la souffrance de la narratrice, une prostituée de la Grand-rue, à Port-au-Prince.
Le jour du tremblement de terre de 2010, l’héroïne a perdu "la petite" Shakira qu’elle avait accueillie chez elle comme sa propre fille, alors que la jeune femme fuyait sa mère.
En échange de son corps, la narratrice demande à un écrivain d’immortaliser ses souvenirs douloureux.
Malgré le contenu très dur démontrant la cruauté du métier (une certaine soumission, des clients parfois violents), le roman garde son côté poétique et très beau.

Osorio, Elsa. - La Capitana. - Métailié. - Traduit de l'espagnol (Argentine). - 333 p. - 20 €
Née en Patagonie, La Capitana a vécu à Paris, à Berlin et en Espagne, dans les années 1930. De ses carnets de notes, des rencontres avec les gens qui l'ont connue, l’auteur dresse le portrait de Mika, MicaelaFeldmande Etchebéhère (1902-1992), inlassable militante pour l'égalité, la justice et la liberté.
Ce pourrait être un roman d’aventures, pourtant, il s’agit d’une vie réelle, le destin d’une jeune Argentine qui se retrouve chef d’une section républicaine au cœur du conflit espagnol (1936-1939).
Bien écrit, bien construit, le récit n’est jamais ennuyeux, on y apprend une multitude de choses, notamment le regard sud-américain sur la guerre fratricide qui embrase la vieille Espagne. On finit par regretter de ne pas avoir rencontré cette femme incroyablement modeste…

Otsuka, Julie. - Certaines n’avaient jamais vu la mer. - Phébus. - Traduit de l'américain. - 142 p. - 15 €
Dans les années 20, des milliers de jeunes Japonaises ont traversé le Pacifique pour se marier, avoir une belle vie et aider leurs familles restées au pays.
La réalité fut plus douloureuse : leurs maris n’étaient pas aussi beaux, riches et gentils qu’ils leur avaient fait croire, et on les avait fait venir uniquement comme main-d’œuvre dans les campagnes et comme bonnes en ville, livrées sans humanité à leurs maris, à leurs patrons.
Quel bijou de poésie ce roman ! En un trait de plume, sans fioritures, avec musicalité, Julie Otsuka nous livre l’histoire et le quotidien de ces femmes sacrifiées depuis leur arrivée aux États-Unis jusqu’à leur déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, épisode méconnu de l’histoire américaine !
Le coup de cœur de l’automne.
Extrait : «  Sur le bateau, nous nous interrogions souvent : nous plairaient-ils ? Les aimerions-nous ? Les reconnaîtrions-nous d’après leur portrait quand nous les verrions sur le quai ?  […] La mer s’élevait, s’abaissait. L’atmosphère humide était suffocante. La nuit nous rêvions à nos maris. De nouvelles sandales de bois, d’infinis rouleaux de soie d’indigo, de vivre dans une maison avec une cheminée. »
PRIX FEMINA ETRANGER.

Patier, Xavier. - Chaux vive. - La Table Ronde. - 189 p. - 17 €
En 1990, Pascal est étudiant en archéologie à Bordeaux. C’est un catholique provincial naïf,fils de fermiers pauvres. Il mène une existence monacale et miséreuse, assidu aux cours et à la messe. Il occupe une chambre rudimentaire dite « échoppe », désuète sans eau chaude, ni chauffage.Le jeune homme se nourrit de rien, fait des kilomètres à vélo et rejoint ses parents agriculteurs chaque vendredi soir.
A l’université, il fait la connaissance d’Aubin, un bourgeois de 32 ans, marié et père de deux enfants, son exact opposé : prodigue, charmeur, entouré, entreprenant, vivant dans les beaux quartiers de Bordeaux. Aubin prend Pascal sous son aile et lui promet monts et merveilles.Il en fait son confident avant de l'entraîner dans des affaires douteuses : une société qu’il tente désespérément de faire décoller : l’“Etape des commerciaux”. Pascal est associé à ce projet et doit recenser les hôtels et les restaurants de la région offrant des conditions préférentielles aux VRP, afin de faire vivre une adresse minitel 3617-Etape. Il agit pour Aubin, aveuglément, ne soupçonne pas la déviance de son ami, son plan odieux…
Marie, la femme d'Aubin, croise le chemin de Pascal, un lien étrange intime se noue entre eux. Pour la première fois, Pascal est heureux. Il vit un infidèle amour, il se sent coupable d'aimer la femme de son ami mais il ne peut lutter. La conclusion tragique est celle d’un fait divers récent, dont Xavier Patier s’est librement inspiré. Aubin doit de l’argent à sa maîtresse. Lui aussi prétend infiltrer les milieux de la drogue pour les services secrets américains. Et l’on retrouve les corps de sa femme, de ses enfants et de son labrador, ensevelis sous de la chaux. Bien écrit et bien décrit. Ce qui se dégage de ce roman, c’est la sincérité du personnage de Pascal, sa naïveté, son innocence.

Pattieu, Sylvain. - Des impatientes. - Le Rouergue, La Brune. - 250p. - 19,50 €
Deux filles dans un lycée de banlieue : Alima-Sandrine qui veut s’en sortir et bénéficie de la possibilité de l’entrée spéciale à Sciences-Po, et Bintou, la révoltée qui fait n’importe quoi.
Plusieurs voix : les leurs, chacune avec son ton, celle de monsieur Rullier qui deviendra Kevin, le professeur, Aziz, le vigile et celle de « l’observateur » qui commente ou ajoute des éléments et, en particulier, plante le décor. Deux parties et deux lieux : le lycée et Décora, une grande surface de décoration et meubles.
L’histoire est menée très vivement. Les deux filles sont renvoyées du lycée après une bagarre dont Kevin fait les frais, mais il en est aussi responsable. Elles se retrouvent hôtesses de caisse à Décora. On change de monde et de codes. Alima essaie de se présenter au bac en candidate-libre, et Bintou découvre le monde du travail qui lui convient mieux. Aziz, étudiant en thèse, mais vigile ( !) enfin régularisé, s’intéresse aux filles.
Le livre se termine, sans fin véritable ; la vie continue comme elle peut pour chacun. Ces filles, comme les fleurs « les impatientes », ont vécu dans l’ombre en cherchant le soleil.
J’ai beaucoup aimé le rythme et ses changements dans le cours du récit. Les différents modes de langage peuvent ne pas être appréciés. Mais ils sont totalement inscrits dans l’histoire, ce n’est pas du tout artificiel. Une grande part est laissée à l’imagination du lecteur. On reste extérieur à ce monde, sans empathie, mais en fait, on est étranger et c’est juste.
Ce roman, par son sujet et son style, est à rapprocher de D’acier de Sylvia Avallone, dans une écriture totalement différente et plus désespérée. Deux auteurs, qui renouvellent l’écriture du monde contemporain, avec distanciation et lucidité.

Pignatelli, Anna Luisa. - Le lac indigène. - La Différence. - Traduit de l'italien. - 205 p. -18 €
Née en Toscane, Anna Luisa Pignatelli vit à Lisbonne après avoir résidé au Guatemala et à Séoul. La Différence a publié déjà trois romans.
Tano revient dans son village au Guatemala, près d’un lac à plus de 1.500 m d’altitude. C’est une région de volcans, à la nature exubérante (bananiers, caféiers, jasmin). L’importance des couleurs, l’utilisation des mots locaux, les croyances venues des mayas renforcent le sentiment de couleur locale.
Le journaliste enquête sur la disparition de son ami Manolo, diffusée dans les journaux. Le photographe se mêle à la vie des Indiens et prend des clichés sur le vif, au gré de ses pérégrinations. La police le considère comme un terroriste. Les villageois redoutent l’esprit du volcan, là où se perd la trace de Manolo. Mais Tano compte bien le retrouver. Son enquête l’entraîne au cœur de la répression organisée par le gouvernement contre les Indiens. Tano découvre le mensonge et l’alibi que constitue la lutte des guérilleros censés protéger les autochtones.
Anna Luisa Pignatellinous plonge au milieu de paysages exotiques, captivants, qui nous font rêver, et témoigne de la persécution contre les Indiens.

Piperno, Alessandro. - Les inséparables. - L. Lévi. Traduit de l’italien. - 393 p. - 22,50 €
Fait suite à Persécution.
Vingt-cinq ans après la mort de leur père, Filippo et Samuel, adultes mais toujours traumatisés par le drame familial qu’ils sont vécu (leur père Léon avait été accusé à tort de pédophilie) deviennent inséparables, sans pour autant chercher à mieux se comprendre l’un l’autre. Leur mère Rachel, délaissée par son mari déprimé, décide de se battre et, pour des raisons financières, ouvre un cabinet de pédiatrie. Si les deux frères arrivent au sommet de la gloire (le dessin animé de Filippo est sélectionné pour le festival de Cannes, Samuel devient un riche commercial, grâce à ses bonnes relations), cette ascension ne dure qu'un temps : un jour, tout s'écroule : le scénario du film est critiqué par les islamistes, et Samuel est ruiné par son co-actionnaire.
Ce roman, très difficile à résumer, dresse des portraits colorés, ne manquant ni de cynisme ni d'humour, les situations sont parfois cocasses. Malgré les longueurs et un certain bavardage, l'écriture est riche et plaisante.

Réale, Anne & Vigoureux, Thierry. - De glace et de lumière. - P. Galodé. - 379 p. - 22 €
Journaliste, photographe, peintre et écrivain, Anne Reale est passionnée de randonnées en montagne. Elle a publié plusieurs récits sur les aventuriers des mers et deux guides d'écologie. (www.annereale.net)
Thierry Vigoureux, journaliste au Point, est spécialiste en aéronautique et en transport aérien, pilote privé qualifié montagne et passionné d'atterrissage sur glaciers. Il a participé aux raids France-Groenland-États-Unis.
Stephan Charraz, pilote de glacier et concepteur d’un avion solaire, s’envole en août pour le Groenland. Il doit emmener avec lui Estelle, attachée de presse qu’il n’apprécie guère, qui a trouvé des fonds et l’abandonne lors d’une escale ! Elle rédige le compte rendu de l’expédition sur le blog. C’est au détriment d’Anya, sa femme, d’origine groenlandaise, mécanicienne avec qui il a mis son prototype au point, « l’Oiseau solaire », petit avion futuriste à énergie solaire. Anya, jalouse, décide de rentrer chez elle…
Lors de son arrêt forcé lors d’une tempête, Stephan revient sur son passé, la passion familiale pour l’aviation et la montagne, et sa rencontre avec Anya. Il se retrouve seul sur la banquise en espérant les secours.
On suit facilement ce périple de Megève jusqu’aux confins du Groenland, « entre tempête arctique et ouragan médiatique ». Un roman rythmé qui évoque le cadre de la montagne et de l’aviation, sujets peu traités.

Richman, Alyson. - Les promesses du passé. - City. - 378 p. - Traduit de l’américain. - 20 €
Romancière américaine qui vit à Long Island. Ses livres sont traduits dans une dizaine de langues. Les promesses du passéest devenu un best-seller.(http://alysonrichman.com)
Roman inspiré par des personnages réels. A l’occasion du mariage de son petit-fils à New York en 2000, un homme rencontre la grand-mère de la mariée et constate qu’il la connaît : Josef vient de retrouver sa femme Lenka au bout de 60 ans de séparation !
Lenka Maizel nous raconte son enfance de petite fille tchèque juive. A 17 ans, elle entre à l’Académie des Beaux-arts de Prague en 1936, où elle rencontre Josef, qui veut devenir médecin.C’est ensuite lui qui reprend la suite du récit -mais de nos jours- et la narration alterne entre ces deux personnages.
A partir de 1938, la situation se dégrade à cause de l’antisémitisme. En 1939, Josef épouse Lenka, mais celle-ci refuse le lendemain des noces de s’exiler sans ses parents. Ils sont séparés à cause des nazis et toute la famille de Lenka sera envoyée à Terezin, un « « ghetto modèle »qui fut créé pour montrer au monde entier que les Juifs n’étaient pas exterminés. » (p. 182) La jeune femme travaille dans un atelier de peinture et peut s’estimer privilégiée. Mais les conditions de détention sont très dures, et chacun a la hantise de faire partie du prochain convoi…
Rien d’original mais une histoire émouvante qui se lit avec plaisir.

Sachs, Maurice. - Chronique joyeuse et scandaleuse. - Phébus, Libretto. - 8 €
Un petit roman de Maurice Sachs, auteur très impliqué dans le petit monde culturel des années 20 et 30 à Paris,qui a côtoyé notamment Cocteau et Max Jacob.
Blaise Alias (personnage récurrent de Maurice Sachs), jeune homme fraîchement débarqué à Paris, y découvre la vie mondaine. Il souhaite s’y faire une place comme courtier en art mettant en relation vendeurs et acheteurs. Alias y brille par son opportunisme, mais aussi par une grande liberté de ton et de mœurs, assumée et argumentée (bisexualité).
Maurice Sachs manie très plaisamment l’art du portrait en deux ou trois lignes à partir du ressenti de son personnage principal, un portrait au vitriol de la France et des Etats-Unis des années 20.
Une lecture très agréable !

Sapienza, Goliarda (1924-1996). - Moi, Jean Gabin. - Attila. - Traduit de l'italien. - 159 p. -17 €
Au début des années 30, alors que le fascisme sévit dans la ville de Catane en Sicile, une jeune fille sort d'un cinéma avec une seule idée en tête : être comme Jean Gabin.
Excellent opus qui relate un épisode majeur de la jeunesse de l’auteur, découverte hélas après sa mort. Ce roman est savoureux à souhait, drôle, triste parfois. Nous revisitons la Sicile de l’époque, sous la double autorité d’un régime fasciste et d’une tradition mafieuse. Le tout béni par le Pape.
Il n’est guère facile, dans ce cas, de défendre des idées de gauche, de soutenir gratuitement la cause des ouvriers devant les tribunaux (le père est avocat), ou d’enseigner aux enfants ou d’avoir des enfants hors mariage…
Toute cette expérience de vie est vue par une enfant d’une douzaine d’années, qui ne garde pas les yeux dans ses poches et qui fait preuve d’une singulière maturité.
Un voyage extraordinaire à ne pas manquer !

Tabachnik, Maud. - Je pars demain pour une destination inconnue. - Archipel, Cœur noir. - 232 p. - 19 €
Née à Paris en 1938. Après des études commerciales, Maud Tabachnikexercecomme kinésithérapeute-osthéopathedurant 17 ans. Puis elle achète une propriété en Touraine où elle commence à écrire, et publie son premier roman en 1990. Ses thrillers historiques, politiques et romans noirs sont un coup de poing dans l'univers du polar. (www.maudtabachnik.com)
En 1947 à Lyon, Serge Menacé, 16 ans, orphelin juif, demande à l'abbé Glasberg de faire jouer ses relations pour embarquer 4.500 juifs survivants des camps à bord d’un navire à Sète pour la Palestine, à l'insu de l'armée britannique qui contrôle le pays. La Haganah, l’armée juive clandestine, voulant ramener au pays les Juifs apatrides, a acheté un bâtiment à Baltimore, le PresidentWarfield, rebaptisé Exodus. Un agent du SIS (Secret Intelligence Service) est chargé de faire échouer ce projet.
En catimini le commandant politique, le jeune capitaine et quelques autres délivrent les Juifs parqués dans des cantonnements dispersés sur le territoire français, et les amènent jusqu’à l’embarquement. Après un voyage dans des conditions effroyables, les Britanniques empêchent le navire d’aborder les côtes palestiniennes alors que l’Exodus n’est qu’à 27 kilomètres de Haïfa…Les Juifs qui ne purent débarquer, furent envoyés sous escorte britannique à Hambourg, où ils végétèrent dans des camps allemands, gardés par des soldats prisonniers de guerre.
Maud Tabachnik témoigne ainsi d’une plume documentée du destin des rescapés juifs, et raconte l’élan qui les pousse à rejoindre la « Terre Promise ». Elle décrit sans concession le rôle des Britanniques, des Français et de la diplomatie internationale. L’ONU veut créer un Etat d’Israël, en partageant la Palestine ; les Etats-Unis s’avèrent être un soutien. Mais des intérêts financiers sont en jeu, représentés par le sous-sol pétrolifère.
Les tribulations de l’Exodus ont déjà été immortalisées par le livre -fantaisiste- de LeonUris, et par le film d’Otto Preminger. Sous couvert de roman, Maud Tabachnikrelate la véritable histoire du PresidentWarfield, de ses passagers et de ceux qui ont été à l’origine de cette aventure. Un roman-document qui éclaire l’origine des conflits, et propose une vision non édulcorée, intéressant pour se remémorer cette épopée incroyable.
Le titre est l’inoubliable début d’une lettre d’adieu écrite à Drancy…
(Les éditions de l’Archipel classent ce roman dans la collection Suspense, mais le lecteur n’est pas entraîné dans un polar, même si la spécialiste du thriller a le sens du rythme.)

Vallejo,François. - Métamorphoses. - V. Hamy. - 331 p. - 21 €
Lorsqu’Alix apprend qu’Alban s’est converti à l’Islam, sans lui en parler, à elle, dont il était si proche, elle va tout tenter pour faire revenir son demi-frère sur une décision qui lui paraît être une nouvelle étape dans cette recherche exacerbée de la sensation, qu’elle avait remarquée dans un parc d’attractions lors d’un voyage de jeunesse. Alban est devenu Abdelkrim Youssef. Alix a une relation fusionnelle avec son frère. Elle veut comprendre et le sortir de cette métamorphose, lui qui était un scientifique opposé à tout obscurantisme.
Nous sommes embarqués dans le journal de campagne, percutant qu’elle tient et communique à la DCRI. Alix secoue le monde entier, met à mal son travail de restauratrice de fresques romanes dans des églises, elle veut comprendre et récupérer son frère. Mais, celui-ci lui échappe par sa dialectique manichéiste, fomente on ne sait quoi, disparaît, puis réapparait. Alix pressent une action d’envergure. Une action susceptible de combler le désir d’excessif qui a pris possession de son frère.
Le récit est mené à vive allure, rien du décor, que l’essentiel. Au début, j’ai été scotchée par le rythme, puis, un doute s’insinue sur le but de l’auteur. Le personnage, trop lointain et « idéalisé » dans son rôle perd en crédibilité. Le sujet est trop d’actualité, même s’il a été écrit avant l’affaire Mérah, individualisme effréné, règne de l’argent, montée des communautarismes, etc…
Il reste un beau portrait d’une sœur trop liée à son frère, et un portrait de femme percutant.

 

LIVRES NON RETENUS

Carlier, Christophe
    L’assassin à la pomme verte
    Serge Safran
Carlson, Ron
    Cinq ciels    Gallmeister
Charlemagne, Sandrine
    Mon pays étranger    La Différence
De Moor, Margriet
    Le peintre et la jeune fille    Libella/Maren Sell
Desjardins, Martine
    Maleficium    Phébus
Elkin, Stanley
    La seconde vie de Preminger    Cambourakis
Victor, Gary
    Maudite éducation
    Philippe Rey
Resch, Dominique
    C’est qui Catherine Deneuve ?
    Autrement
Rheims, Nathalie
    Laisser les cendres s’envoler    Léo Scheer
SàMoreira, Régis de    La vie    Au diablevauvert
Stern, Steve
    Le rabbin congelé     Autrement
Touzot, Pierre-Yves
    Comme un albatros    La Découvrance
Trojanov, Ilija
    Des oiseaux couleur de soufre    Buchet Chastel
Verhaeghe, Jean-Daniel    Le jeu de l’absence
    Arléa