Commission Petits éditeurs de juillet 2014

BiB92 - Commission Petits éditeurs juillet 2014

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Petits éditeurs BiB92 – Sélection été 2014

AUDUR AVA OLAFSDOTTIR. - L’exception. - Zulma. - Traduit de l’islandais. - 337 p. - 20 €
Après onze ans de mariage, à quelques minutes du nouvel An, Floki fait son coming-out, en annonçant à sa femme qu’il la quitte pour un collègue, pour être en paix avec lui-même. Abasourdie par la nouvelle, Maria réalise que, probablement, elle devra élever seule leurs jumeaux, étant donné que son mari déménage chez son amant pour vivre pleinement son homosexualité.
Son amie et voisine Perla, une psychanalyste et écrivain, lui fait comprendre que tout combat contre une inclination sexuelle reste vain. Mais Maria n’accepte pas la situation facilement, en exprimant sa colère contre son mari ou bien en se remettant en cause. Jusqu’à ce qu’elle trouve un nouveau sens à sa vie…
On retrouve dans ce roman le style habituel de l’auteur ; l’intrigue est simple, sans grandes surprises, la fin prévisible et annoncée dans la première partie du livre. Il aborde le sujet de l’homosexualité (bisexualité) mais presque uniquement du point de vue d’une femme qui se sent trahie et rejetée. L’homosexualité considérée comme un motif d’adultère, perd en sa puissance et devient juste un prétexte pour dresser le portrait d’une femme trompée. Donc, un livre banal qui se lit bien mais sans plus… Rosa candida reste inégalé - inégalable ?

BATHELOT, Lilian. - Terminus mon ange. - La Manufacture des livres. - 117 p. - 10 €
Le narrateur monte dans un train de province, et croise une femme « possible » ! Il voudrait entamer la conversation avec sa voisine qu’il trouve un peu raide, habillée chic, mais avec un ongle cassé…
L’homme et la femme finissent par échanger quelques mots. Elle se détend, parle, rit, le touche.
Quand approche la fin du voyage, le temps semble suspendu. Comment se séparer ? Alors survient un élément inattendu… Les personnages apparaissent sous un nouveau jour. Bien qu’ils soient presque des inconnus, un lien fort s’est tissé entre eux.
Une histoire sobre, une jolie écriture, avec une tension qui s’accélère au fur et à mesure.
Un petit livre, les chapitres courts filent à toute vitesse et l’on voudrait rester un peu dans ce train. A lire d’une traite.

CABALLERO PEREZ, Miguel. - Les treize dernières heures de la vie de Federico Garcia Lorca. - Indigènes éditions, Esprit. - Traduit de l’espagnol. - 189 p. -18 €
Publié en 2011 en Espagne, cet ouvrage tient davantage du documentaire que du roman. L’auteur est un historien andalou réputé, spécialiste de la Guerra civil et de Garcia Lorca.
Bien des idées reçues se trouvent démenties par les diverses recherches d’historiens et des témoignages de contemporains du poète, des deux côtés, tant républicain que franquiste.
Le texte est certes dense, mais le sujet est passionnant. Plutôt, d’ailleurs, à classer en 946 qu’en 860. C’est bien une étude sur la Guerra Civil et sur l’Andalousie de cette époque, et non pas une recherche sur l’œuvre littéraire du célèbre poète…
Cet ouvrage est donc à lire, mais ce n’est en aucune manière un roman.

COLIZE, Paul. - L’avocat, le nain et la princesse masquée. - La manufacture des livres. - 313 p. - 19 €
«Le mariage est la principale cause de divorce.» : le ton du livre est donné ! En 2011, le narrateur, avocat belge spécialisé dans le divorce, guindé, cynique et naïf, défend les personnalités. Une top model veut se venger de celui qui l’a trompée. Pour sceller leur collaboration, elle l’emmène boire un dernier verre chez elle avant de passer la nuit avec lui! Comme Hughes Tonnon n’a aucun souvenir de la soirée, et qu’il est le dernier à l’avoir vue, l’avocat fait figure de coupable idéal quand deux flics débarquent chez lui, suite à la mort de Nolwenn ! Witmeur, ancien client de l’avocat, prétend que c’est lui l’assassin et perquisitionne sans preuves. Avec ses amis, Hughes essaie de savoir qui est le meurtrier afin de se disculper. Christelle Beauchamp, journaliste et amie de la victime collabore bon gré mal gré avec lui pour résoudre le meurtre.
L’avocat débarque à Paris, change d'identité, pris dans une spirale et en cavale à travers plusieurs pays dans l’espoir de devancer la police et de prouver son innocence à travers le globe, de Casablanca à Johannesburg.
Cette course poursuite sans répit laisse peu de temps pour souffler, au héros comme au lecteur. Les personnages hauts en couleurs et les rebondissements imprévisibles (notamment le dénouement) en font un bon moment de lecture.
Un polar humoristique, rythmé, une lecture divertissante (sur fond de coupe de monde du football 2010) qui vous fera oublier vos soucis, en attendant les vacances.

DAVIDSON, Hilary. - Le mal que tu m’as fait. - Télémaque, Entailles. - Traduit de l’américain. - 398 p. - 22 €
La narratrice apprend que sa sœur est morte. Elle n’est pas bouleversée car Claudia était une junkie. Elle arrive de Barcelone à New York. Dans l’appartement, elle est étonnée de ne voir que des vêtements de marque, des chaussures pas à sa taille. Mais Lily Moore n’est pas au bout de ses surprises : à la morgue, le corps à identifier n’est pas celui de sa sœur ! Elle signale à la police tous les éléments qui ne correspondent pas aux goûts de sa sœur. Les flics concluent au crime et recherchent Claudia et celle qui a découvert le corps. Qui a emprunté l’identité de Claudia et qu’est devenue la véritable ? Que cache la voisine ? La jeune femme a la rage de connaître la vérité, même si elle a peur de découvrir la culpabilité de sa sœur (soit la fille est morte par erreur/soit on voulait la faire accuser). Elle collabore plus ou moins avec Bruxton, un flic séduisant qui connaît son passé.
Jesse, son ami indéfectible, essaie de l’aider. Quant à Martin, il est apparemment toujours aussi amoureux de Lily, mais est-il au-dessus de tout soupçon ?
Ce n’est pas le polar de l’année, mais on passe un bon moment. L’auteur sait ménager des rebondissements, s’interroger le lecteur et faire durer le suspense jusqu’à la fin.

DIDIERLAURENT, Jean-Paul. - Le liseur du 6h27. - Au diable vauvert. - 217p. - 16 €
Guylain Vignolles, 36 ans, est préposé au pilon des livres invendus que broie quotidiennement la terrible machine Zerstor 500. Un véritable crève-cœur pour cet amoureux des mots et de la littérature qui chaque jour sauve quelques feuilles (les "peaux vives") de la broyeuse et leur donne une seconde vie en les lisant aux usagers du RER de 6h27.
Un matin, il trouve sous un strapontin une clé USB, sur laquelle sont inscrites les pensées d’une jeune femme, dame-pipi d’un centre commercial. Sous le charme de ce texte, il décide de partir à la recherche de l’inconnue.
Avec ce premier roman (l’auteur est un nouvelliste reconnu), Jean-Paul Didierlaurent nous offre un conte des temps modernes, où il transcende des personnages simples et attachants, qui ont tous comme point commun l’amour des mots. Tout comme lui, qui nous livre un texte plein de poésie.
Un roman frais, drôle, délicat. Une petite friandise à savourer sans modération.

Di Mare, Franco. - Diables au paradis. - L. Levi. - Traduit de l’italien. - 280 p. - 19 €
Plus qu’un roman noir, qu’un polar, ce livre illustre de façon magistrale une de ses nombreuses citations érudites (Carmine, le héros, est diplômé de philologie) « les meilleurs deviennent les pires ». Ce qui est arrivé à Carmine, jeune napolitain, dont le travail universitaire a été volé par un de ses professeurs au profit de son paresseux de fils. Réduit à un petit boulot, il cède à l’insistance d’un ex-ami de jeunesse, à la solde de la camorra pour effectuer à temps partiel, en double vie, des « livraisons » qui se concluent par « la botta in facia ».
Carmine mène cette double vie, jusqu'au jour où cette sauvagerie le fait craquer. Il contacte anonymement un journaliste, Marco, pour corriger ses suppositions écrites dans son journal au sujet d’un meurtre qui a épargné un enfant. En fait, il n’avait pu se résoudre à accomplir cet assassinat. Marco mène une enquête serrée pour l’identifier à l’aide de quelques indices semés au cours de plusieurs conversations téléphoniques, même si le professeur voleur de thèse, avait évité de porter plainte suite au poing dans la g. reçu de Carmine.
L’intérêt de ce roman tient autant à la ville de Naples où l’on suit les protagonistes rue par rue, sur le front de mer ou sur la colline du Pausilippe, des taudis aux palais désuets (on respire l’air marin et les miasmes des rues étroites et mal famées), qu’à l’épaisseur de personnages, par la tendresse qu’a l’auteur pour Carmine et sa compagne. Chaque individu est bien introduit et l’histoire bien ficelée, dans une langue incisive. Le texte est émaillé de citations latines, très bien introduites et l’on conclut avec Tacite : « une mort honorable vaut mieux qu’une vie honteuse », avec un sentiment d’apitoiement pour Carmine, qui avait tout pour avoir une vie très honorable !

FEREY, Caryl. - Les nuits de San Francisco. - Arthaud, Les Nuits. - 119 p. - 10 €
Lui, c'est Sam, un Sioux Lakota, originaire de la tribu oglala, décimée par de nombreux massacres. Chômeur, sans éducation ni ressources, il se décide à quitter la terre de ses ancêtres, pour réaliser son rêve et réussir dans la vie. Entre Arizona et Las Vegas, il erre, tantôt travaillant, tantôt arpentant les rues pour mendier. N'ayant pas l'habitude de faire des économies, il boit tout ce qu'il gagne et lorsque le chantier ne recrute plus, il part pour San Francisco. Homeless, sans nom, sans histoire, il se parle tout seul « pour se tenir compagnie ».
Elle, c'est Jane, une jeune femme à la jambe amputée, fuyant aussi son passé et l'ambiance lourde de sa ville natale. Après le traumatisme causé par le viol subi dans sa jeunesse et le drame familial dû à l'accident, sa vie bascule dans la drogue, l'errance et la solitude.
Et puis, a lieu leur rencontre : imprévue et salvatrice. Un avenir est possible, l’histoire devient commune. Et ce moment important, ils le racontent chacun à leur tour…
Un livre touchant, construit à deux voix. Néanmoins, il fait partie de la collection « Les Nuits » (Nuits de Sibérie de Kessel, Nuits du Caire de Sinoué), donc c’est une commande d’éditeur…

Fonlupt-Kilic, Jocelyne. - L’affaire du mur des canuts : maldonne entre Rhône et Saône. - Wartberg, Polars en région. - 190 p. - 11 €
L'un, Floréal Almera, est commissaire de police à Lyon, l'autre Marcus Battisti, son ami d'enfance est professeur. Tous deux sont attachés à leur ville, sa cuisine, ses traditions, sa Croix-Rousse.
En cet automne 2009, ils mènent chacun leur enquête. Le premier est à la recherche d'un tueur à l'arme blanche : un homme est retrouvé assassiné, transpercé d'une épée au pied du trompe-l’œil représentant le mur des canuts. Le deuxième s'inquiète pour sa tante, vieille dame au passé militant et mémoire vivante de Lyon.
Remontent à la surface de dramatiques épisodes de l'Histoire lyonnaise, mêlant Philippe Le Bel et ses Templiers au pape Clément V.
Un voyage dans la grande et la petite histoire de Lyon : balades dans les ruelles, arrêts gastronomiques, fête des Lumières, descente dans les catacombes, le Lyon des profondeurs avec son Histoire, ses énigmes.

GAGE, Leighton (1942-2013). - Le sang de la coupe. - Télémaque, Entailles. - Traduit de l’anglais. - 334 p. - 22 €
La Coupe du monde de football va bientôt commencer. Le champion brésilien Tico Sanchez s’entraîne pour que son jeu exceptionnel soit admiré du monde entier. Mais voilà que des malfrats enlèvent la mère de Tico. Qui a pu commettre une horreur pareille ?
Ce roman a été écrit en 2012 par un auteur atypique, décédé en juillet 2013. Il n’a pas pu suivre la Coupe du monde dont il parle. Pourtant, ce qu’il dit du Brésil (et Sao Paulo en particulier) sonne juste, car il a épousé une Brésilienne.
Son héros, l’inspecteur-chef Mario Silva, de la police fédérale, est surnommé par la presse américaine le Wallander sud-américain, à juste titre : désabusé, se moquant des « convenances », il semble être le seul flic honnête et lucide dans un pays violent et corrompu. Il mène avec les difficultés locales qu’on imagine, des enquêtes délicates…
Bref, un auteur à découvrir, qui a publié sept romans, dont deux ont été traduits en France (cet opus et Le sang des maudits). A ne pas rater !
Intéressant et original.

GILLIER, Stéphane. - 65-84. - Phébus. - 165 p. - 15 €
Le narrateur entre dans l’armée par goût de l’aventure. Il décrit le quotidien de ce nouveau monde. Après sa formation, ses chefs l’orientent vers le renseignement des services secrets. Le jeune homme part pour l’Afghanistan, où il est apparemment chargé de livrer du matériel à une école. Il rencontre les populations Hazaras et connaît les chefs de clan, ainsi que les fonctionnaires des ministères.
De retour à Paris, il rend compte de ses résultats. On est content de lui pour lui confier une autre mission. En aucune façon, il ne participe à la guerre et au conflit religieux. Ses parents n’ont aucune idée de ce qu’il fait dans l’armée. Durant sa mission, la plupart du temps, il ne se passe rien ; le lecteur reste dans le flou. A la précision de l’écriture correspond le vague apparent de l’intrigue.
Un jour, il revient traumatisé par la mort d’un homme, voit une psychiatre. Quand il sent qu’il perd pied, il envisage de déserter et se confie à un journaliste.
Le titre est probablement l’identité de code du narrateur bien que ce ne soit pas dit. L’histoire est découpée entre « Dedans », les périodes les plus longues, et « Dehors », où interviennent des éléments qui n’ont au début aucun rapport. Les chapitres courts permettent au lecteur de s’immerger tout de suite. Le roman est bien écrit mais sans émotion, comme l’exige le sujet. A découvrir, même si on n’est pas attiré par les romans d’espionnage.

Gubernatis, Aurélie de. - L’impasse. - H. d’Ormesson, Suspense. - 375 p. - 20 €
Le jour du concours de médecine, Josselin, le beau gosse surdoué, échange sa copie avec sa voisine paniquée qui sèche ! Sa copine Agathe n'a pas cette chance. Estelle veut y voir une déclaration d'amour mais Josselin ne réapparait que des années plus tard, quand il se suicide et qu'elle est devenue psychiatre.
La vie d'Estelle bascule : la jeune femme doit redonner à son amour platonique le goût de la vie, pour payer sa dette. Elle imagine rattraper un amour non abouti. Mais la mère de Josselin tient à l'écarter, et prétend que tous les hommes de la famille sont maudits...
Agathe, David le mari, et Xavier l'ami de Josselin viennent en renfort quand ils soupçonnent les mauvaises intentions de la part de Josselin qui a bien des choses à cacher face à leur amie Estelle. La mort de la femme du séducteur ne semble pas très naturelle et d'autres suivront... Les trois amis tentent de sauver Estelle de l'impasse dans laquelle elle s'enfonce éperdument amoureuse.
On est happés par cette histoire menée tambour battant et écrite avec humour. Un premier titre de collection très réussi, cachant un Mr Hyde, sous un homme irrésistiblement attirant !

Kalouaz, Ahmed. - Les solitudes se ressemblent. - Le Rouergue, La brune. - 91 p. - 13 €
Fille de harkis qui ont fui l'Algérie dans les années 60, la narratrice se rappelle son enfance. Elle a débarqué en France, pour être parquée dans un camp dans le Gard. Elle fait partie des indésirables, et se sent rejetée de la société. Elle doit porter un prénom français à l'école, se fait insulter. La famille parviendra à obtenir un logement digne de ce nom.
La narratrice entame ce récit à l’âge adulte, et vivote comme femme de ménage dans les hôtels. Elle n’a pas vraiment trouvé sa place dans la société, et reste marquée par cette enfance dominée par le racisme.
Un livre aussi réussi, mais encore plus fort que les précédents, sur les descendants des harkis.

KIDMAN, Fiona. - Le livre des secrets. - S. Wespieser. - Traduit de l’anglais (Nouvelle Zélande). - 470 p. - 25 €
Saga familiale et surtout féminine sur une trame historique. L’épopée de crofters, petits paysans, partis d’Écosse vers 1750, chassés de leurs terres par leurs lairds, propriétaires terriens. Une épopée qui passera par la Nouvelle-Écosse, puis l’Australie avant de se terminer en Nouvelle-Zélande. L’histoire est racontée du point de vue de trois femmes.
C’est parfois cru, toujours rude. Étonnamment, ce ne sont pas tant les voyages, les différents lieux traversés qui forment le cœur du récit, mais plutôt la condition féminine soumise aux tabous, aux coutumes arriérées, à la pruderie et au bien-pensant étroit, rigide et humiliant.
Ce ne sont pas les épreuves de tout un peuple mené par un prédicateur buté qui nous font ressentir de l’amertume, de la tristesse, comme une révolte impuissante, mais les épreuves de chacune de ces trois femmes. Leur portrait s’étire, les détails sont grattés, leur destin irrémédiable, qu’elles aient l’une ou l’autre choisi la stricte observation des règles ou la rébellion.
Un livre écrit élégamment, intéressant, sans doute un peu long, dont les choix scénaristiques, les angles de vues pourront sembler pesants. D’autres lecteurs y verront la force, la ténacité de ces femmes, leur attrait pour la solitude réelle ou intérieure.
« Elle a choisi de vivre en se coulant dans le moule des anciens. Je n’avais pas choisi de vivre ma vie sur ce mode, même si elle s’est évertuée à la façonner comme la mienne. Elle l’a payé de sa vie, mais elle a laissé les anciens se nicher dans mes rêves. »

KILROY, Claire. - Affaires et damnation. - Buchet-Chastel. - Traduit de l’anglais (Irlande). - 373 p. - 22 €
Dublin, 2016 : l’aristocrate Tristram Amory St Lawrence, ancien alcoolique un peu falot, comparaît devant un tribunal pour répondre de malversations financières commises quelques années plus tôt. De retour en Irlande alors qu’on l’avait cru mort, il s’était laissé convaincre de participer à des montages immobiliers véreux avec un ami d’enfance, Hickey, entrepreneur sans scrupules. Ces deux « pieds nickelés » n’auraient pas été capables de monter une telle arnaque (les sommes détournées sont astronomiques !) sans l’aide de personnages de premier plan…
J’ai été agréablement surpris par la lecture de ce roman qui aborde le sujet très sérieux de la corruption sur un ton humoristique. Les personnages sont bien campés, bien qu’un peu caricaturaux parfois. Malgré cela, on ne peut s’empêcher de sourire en tournant les pages et l’on sent que l’auteur a pris du plaisir à écrire ce livre.
Un «roman détente» donc, qui a l’art de ne pas trop se prendre au sérieux, et qui sera parfait pour les vacances.

LANSDALE, Joe R. - Les mécanos de Vénus. - Denoël, Sueurs froides. - Traduit de l’américain. - 235 p. - 20 €
Le premier chronologiquement de la série Hap Collins et Léonard Pine de cet auteur. Mais d’autres titres de la série parus postérieurement aux États-Unis ont déjà été traduits en français.
Grâce à ce tome 1, on comprend un peu mieux ce que ces deux-là font ensemble.
Le style de Lansdale était déjà en place. L'intrigue est simple, mais bien menée avec une intéressante montée de la tension...
Un de ces livres que l'on dévore suspendu à la ligne qui va suivre. Un bon thriller.

LAVARENNE, Stéphane. - Journal d’un looser. - Buchet-Chastel. - 266 p. - 15 €
Le bilan que Cyril fait de sa vie est plutôt triste : l’unique femme qui avait bien voulu vivre avec lui l’a quitté, son poste de fonctionnaire hospitalier l’ennuie profondément, la société de consommation dans laquelle il vit lui impose des contraintes : « Notre mode de vie est insupportable, nos femmes sont froides, le soleil est rare, faut trier ses poubelles »
Pourquoi tant d’échecs ?
Crédule, il n’arrive pas à se « lâcher », donc il fantasme ou suit les conseils de son seul ami. A 29 ans, il cherche le monde qui lui conviendrait.
Un jour, la prédiction d’une voyante se réalise : Cyril va « rompre les liens » et sortir de sa coquille…
Enfin, pas tout à fait, tout de même, n’oublions pas, c’est bien un anti-héros.
J’ai bien aimé les efforts que fait le personnage, sans trop de clichés ni lourdeurs, l’humour, parfois acerbe, est au rendez-vous. Les trentenaires s’y retrouveront.

Lortchenkov, Vladimir. - Des mille et une façons de quitter la Moldavie. - Mirobole, Horizons pourpres. - Traduit du russe. - 250 p. - 20 €
Larga est un village moldave. La Moldavie est un pays peu favorisé par le sort, du point de vue de beaucoup de ses habitants. En fait, c’est quasiment la misère noire d’après Séraphim, qui tente de mobiliser la population du village pour partir vers l’Eldorado : l’Italie. Tout sera bon pour tenter l’évasion, y compris le pari improbable de monter une équipe de curling ! Beaucoup de fantaisie, une vraie virtuosité humoristique, et sous ce vernis de drôlerie, l’humour du désespoir.
Vladimir Lortchenkov vit en Moldavie ; on ne pourra pas l’accuser de renier sa patrie. Mais il est aussi bien conscient de ses failles et les exploite parfaitement dans ce roman très drôle et acide.
Il le construit en une série de saynètes animées par une galerie de personnages hauts en couleur. L’humour noir est au rendez-vous, voire très noir. Une agréable surprise chez ce tout petit éditeur prometteur qu’est Mirobole, à encourager !

Mezrich, Ben. - Sex on the Moon : l'incroyable histoire de l'homme qui a vraiment voulu décrocher la Lune. - Denoël. - Traduit de l'américain. - 373 p. - 22,50 €
Thad Roberts fait tout ce qu’il peut pour intégrer la NASA car son rêve est de devenir astronaute. Lorsqu’il est embauché en qualité de minéralogiste, il ne se doute pas que sa vie va basculer… Il se lance des défis de plus en plus fous pour intégrer l’équipe et devenir la mascotte de la NASA. Le dernier en date : voler de la roche lunaire dans le laboratoire et la revendre au plus offrant. Son but : décrocher la lune pour sa bien-aimée. Mais dans la vie, rien n’est simple…
Ce roman est la chute inéluctable d’un homme à qui tout était promis, celle d’un homme qui a cru en sa bonne étoile et pensé naïvement que la vie était un long fleuve tranquille. Mais la nature humaine réserve bien des surprises. Un livre plein d’humour, dont on connaît la fin tout en espérant le contraire. Vous ne serez pas déçus.

Swarthout, Glendon. - Homesman. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 280 p. - 23 €
Conquérir le Grand Ouest, construire sa ferme et installer sa famille, ne se font pas sans heurts ; quatre femmes fortes en ont fait l’expérience et en ont perdu la raison. Et c’est parce qu’aucun asile n’a encore été construit dans leur Etat, qu’on doit les renvoyer dans leur famille. C’est Mary Bee, une femme célibataire, aidée de Briggs qui les conduiront. S’apprivoisant en chemin, mais ils rencontreront eux aussi leur destin, le dur destin de l’Ouest.
Ce roman publié en 1992 aux Presses de la Cité sous le titre Le chariot des damnées a été et mis en scène au cinéma en 2014 par Tommy Lee Jones. L’auteur signe ici un beau portrait de femmes et d’hommes, qui explique comment les difficultés de la vie peuvent faire basculer dans la folie, grâce à une écriture élégante et détaillée, sans jugements ni critiques.

Torres, Marc. - La cité sans aiguilles. - V. Hamy. - 234 p. - 18 €
Quatre personnages dont on suit les aventures, tous à la recherche pour des raisons bien différentes de la Cité sans aiguille, introuvable aussi bien par le bouche à oreille que le GPS. Comment trouver une cité que personne ne connaît ? Et pourtant, pour nos quatre aventuriers dont les destins vont se croiser, il va falloir y aller.
Ce roman est écrit comme un conte pour enfants : un roi et une reine, un guerrier, un écrivain et… un horloger. On se laisse bercer par l’écriture chantante et poétique de Marc Torres malgré les difficultés à se retrouver dans ces quatre histoires. Pourquoi cette quête ? On ne comprend pas bien mais faut-il forcément une raison ?
Une très bonne lecture. Premier roman.

Vila-Matas, Enrique. - Impressions de Kassel. - Bourgois. - Traduit de l'espagnol. - 358 p. - 22 €
Le narrateur, écrivain barcelonais, est invité à participer à la Documenta de Kassel, célèbre foire d’art contemporain. Son rôle : s’installer chaque jour dans un restaurant chinois pour écrire et répondre aux questions du public. L’écrivain hésite, puis finit par accepter, avec « l’espoir d’y trouver le secret de l’art contemporain », une sorte de vérité qui lui révélerait le secret de l’univers.
Mais qui est ce narrateur, ce « je » omniprésent, dont le nom ne nous est révélé qu’à la fin, Piniowsky ? L’auteur ? Un double inventé de l’auteur, qu’il appelle l’autre, nourri de Franz Kafka, de Robert Walser, de Marcel Duchamp, et de tant d’autres artistes et écrivains ?
Et comment résumer l’intrigue, ainsi que l’avoue lui-même le narrateur à la fin du roman : « Depuis que je suis ici, il ne m'arrive absolument rien, rien de rien, je ne parle pratiquement avec personne, je me promène, je dors et ma vie manque d'action... ». En fait, ce sont l'art contemporain et la littérature d'avant-garde qui sont les seuls interlocuteurs et centres d'intérêt de Piniowsky, les seuls susceptibles de le guider vers l'absolu.
Enrique Vila-Matas livre ici encore, un récit exigeant, nourri de réflexions sur l'art et la littérature, ce qui n'est pas exempt d'humour, distance nécessaire par rapport au réel, à soi, et à sa pensée.
Le lecteur est sans cesse désorienté, mais séduit par l'univers de Vila-Matas qui échappe à toute logique.

ZOLMA, Jérôme. - 3 morts sinon rien : balades macabres dans le Midi. - Wartberg, Polars en région. - 206 p. - 11 €
Dans le Perpignan-Hyères, Julien siège en face d’une jeune femme sublime, qui termine le trajet morte. Un coup de parapluie bulgare… Dernier témoin à l’avoir vue vivante, Julien va bientôt se trouver suspecté de deux autres meurtres similaires…
Jérôme Zolma signe une intrigue ancrée, au départ, dans le sud de la France : prison des Baumettes à Marseille, Perpignan en passant par le Var, en plein cœur des milieux politiques et financiers.
Jeune détective privée, Lily Verdine est engagée par l’avocat de Vaudreuil pour  mener cette enquête qui s’annonce lucrative et, à tort, routine plan-plan. Le mystère s’épaissit et prend des directions opposées : Madrid-Stockholm. Le plus simple devient complexe : il ne faut jamais se fier aux apparences… On ne peut, décidément, avoir confiance en personne !
Mêlant l’écrit du journal de Vaudreuil à un style plus familier (récit de Lily), ce petit exercice de style mène son intrigue tambour battant et les rebondissements nombreux désorientent agréablement les amateurs de polars. On en apprécie la lecture, même si ce n’est pas le chef d’œuvre de la décennie.
Dépaysant, léger, bref, idéal pour les vacances !