Commission Petits éditeurs de Janvier 2015

BiB92 - Commission Petits éditeurs Janvier 2015

Sélection Janvier 2015

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ADA-RUATA, Renata. - Battista revenait au printemps. - L’Aube. - 350 p. - 21 €
Nous suivons l’histoire de Battista, surnommé Titto, qui vit dans un village du Piémont italien, entouré de ses parents, mais surtout auprès de sa grand-mère, qu’il adore, et de son cousin Neto qui a le même âge que lui. A 12 ans, ils doivent quitter leur village et leur tranquillité pour entrer dans le « monde des hommes » qui, de l’automne au printemps, s’en vont sur les routes pour gagner leur vie comme affuteur et étameur. Un apprentissage extrêmement dur qui les mène de village en village pour y proposer leurs services, où le travail est aléatoire, les conditions d’hébergement précaires et où le contexte géopolitique est menaçant : en effet, le fascisme monte.
Ce roman d’apprentissage est construit sur un dialogue (sans les codes habituels) entre Titto et son maître qui lui a également enseigné la lecture, et offert de nombreux livres pour l’accompagner dans ses voyages, l’a poussé à écrire et a aiguisé sa curiosité d’esprit.
L’auteur nous offre ici un roman tendre et touchant avec cette plume très particulière qui entremêle les souvenirs du jeune Titto et ceux de son maître. C’est aussi un roman sur les liens familiaux (relation compliquée avec le père, admirative avec la grand-mère et changeante avec le cousin).

BECDELIEVRE, Gilles de. - Le jeu de la haine - Télémaque. - 21 €
1659 : le jeune roi Louis XIV est âgé d’à peine 21 ans, la France est gouvernée par la régente Anne d’Autriche, peu au fait des affaires de l’Etat, et le Cardinal de Mazarin. Le royaume, en pleine guerre d’Espagne, est au bord de la faillite, les impôts ne rentrent plus. Mazarin a besoin de toujours plus d’argent, pour les caisses de l’Etat, et aussi pour ses besoins personnels. A ses côtés, deux hommes clés, Colbert, homme de confiance de Mazarin, et Nicolas Fouquet, le surpuissant et séduisant surintendant des finances. Entre ces ambitieux, la haine est féroce. La rivalité entre Colbert et Fouquet ainsi que la très célèbre disgrâce de Fouquet, ont été maintes fois racontées.
Gilles de Becdelièvre, passionné par les XVIe et XVIIIe siècles, et auteur de trois romans historiques, s’attache ici, dans un huis clos où s’affrontent de façon implacable Colbert, Fouquet et Mazarin, à décrypter les jeux de pouvoir qui ont entraîné la chute de Fouquet et la victoire de Colbert, et à décrire la montée d’une haine sans merci, attisée par Mazarin, entre Colbert et Fouquet.
Au passage, l’auteur met en lumière malversations, trafics d’influence et détournements de fonds au sommet de l’Etat. L’affrontement entre les trois hommes est ici raconté de façon très vivante, presque fascinante dans ce roman qui se lit d’un trait.

BELASKRI, Yahia. - Les fils du jour. - Vents d’ailleurs. - 184 p. - 19 €
El Hadj est né dans la tribu « les fils du jour ». A travers les exactions des colonisateurs français sur les tribus algériennes, son mariage avec la belle Agathe née chrétienne convertie à l’islam, ses amis de toutes confessions, c’est tout un pan de l’histoire des berbères dans les années 1850 qui nous est proposé.
Roman historique où se déchirent les tribus, où les colons veulent imposer leurs lois, où les migrations obligent à vivre dans différents pays, où des musulmans peuvent protéger des chrétiens d’attaques d’autres musulmans…
Ce roman, écrit comme un long poème réaliste, permet quelques rappels sur cette histoire troublée de la colonisation et des luttes pour s’en défaire, l’amour de ce couple et le devenir de leur familles.
C’est un très bon moment de lecture.

BETTONI, Laurent. - Mauvais garçon. - Don Quichotte. - 307 p. - 19€
Thomas, 23 ans, vit dans une cité. Le jour, il prépare un master de sociologie et philosophie politique, le soir, il arrondit ses fins de mois en dealant. Son diplôme en poche, Thomas cherche désespérément du travail, sa candidature étant toujours refusée au bénéfice d’un « fils de ». C’est en se confiant à Louis Archambault, le très médiatique professeur de sociologies politiques et directeur de sa soutenance, que Thomas se voit proposer un emploi. Il s’agira de gérer Ideo, un site d’opinion que le professeur dirige anonymement sur le Darknet. Thomas saisit rapidement les dangers de ce site, mais accepte tout de même d’y participer. Quel est le drame est au bout du chemin ?
Que se passe-t-il dans les cités ? Comment survit une famille de bénéficiaires des minimas sociaux ? Quels sont ces sites où tous les messages sont codés, où l’on peut écrire, acheter, vendre du pire ? Ce roman démêle toutes les activités secrètes et extrêmement dangereuses du net, mais aussi les drames qu’une société peut engendrer en excluant les jeunes les plus brillants.
Ce roman aurait pu être une caricature, manichéen et surtout superficiel. Il n’en n’est rien, l’auteur connaît son sujet, nous entraîne dans la cité et ses méandres où toujours celui qui gouverne est le nanti !

CERNA, Jana. - Vie de Milena. - La contre allée. - Traduit du tchèque. - 248 p. - 18€
Miléna Jesenska (1896-1944) est surtout connue pour sa relation, toute platonique, avec Kafka et ses « lettres à Kafka ». Elle a fait partie de l’intelligentsia pragoise et était une journaliste appréciée pour la liberté de son style et traductrice. Après un bref mariage, elle a eu plusieurs liaisons, de l’une d’elle est née l’auteur. Elle est devenue communiste avant de les brocarder. Avant la guerre, elle a soutenu et aidé plusieurs familles juives et s’est engagée dans la résistance. Elle a été arrêtée et déportée à Ravensbrück où elle est décédée. Pour sa vie dans ce camp, il faut lire le récit de sa compagne de captivité qui en est revenue, Margarete Buber-Newman.
Jana a dix-sept ans à la mort de sa mère. Cette biographie a été écrite en 1967, mais a été frappée d’interdit en Tchécoslovaquie. Elle retrace la vie de Miléna à travers ses souvenirs et de très nombreux témoignages récoltés auprès de tous ceux qui l’ont connue. Elle est reconnue comme une icône intellectuelle de la période d’avant-guerre, pour sa personnalité originale et généreuse, sa curiosité de tout, ses engagements et emballements pour différentes causes.
La relation entre Jana et Miléna n’avait rien d’une relation classique mère-fille. La personnalité de Jana qui ressort de ce récit montre une femme originale et passionnée, comme sa mère, mais l’on ressent une blessure sous l’énergie, elle a surtout été élevée par son grand-père et a subi négativement les conséquences de la vie de sa mère même si elle l’admire profondément.
A découvrir, mais il faut y joindre la biographie de Buber-newman et les lettres à Kafka, pour que cela ait un sens.

FERMINE, Maxence. - Le palais des ombres. - M. Lafon. - 362 p. - 20 €
Paris, années 60 : Nathan Thanner, créateur de marionnettes, mène une vie tranquille dans sa petite boutique du Marais, jusqu’au jour où il reçoit une lettre de son père, ex-écrivain célèbre qu’il ne côtoie plus depuis vingt ans. Celui-ci lui annonce qu’à la lecture de cette dernière, il sera déjà mort. Il lui lègue l’effrayante demeure dans laquelle il vivait reclus, « Le palais des ombres », à condition qu’il ne la vende pas avant dix ans, et qu’il retrouve son dernier manuscrit jamais édité. Commence alors pour Nathan une quête mystérieuse et inquiétante qui l’amène à se retourner sur un passé aux multiples zones d’ombre.
Je me suis laissé porter par ce roman à l’ambiance mystérieuse et angoissante, qui se lit comme un thriller. L’intrigue est bien menée, le rythme enlevé et le rebondissement final bien trouvé. L’univers sombre et poétique m’a fait à la fois penser aux romans de Ruiz Zafon et aux albums de Benjamin Lacombe.
Un roman qui trouvera son public à la fois auprès des adolescents et des adultes.

FILALI, Azza. - Les intranquilles. - Elyzad. - 240 p. - 18,50 €
Il y a d'abord le trio familial avec Zeineb, la femme au foyer, son mari Jaafar, ancien profiteur du régime, et leur fille Sonia, jeune étudiante idéaliste. Il y a aussi l’ancien mineur devenu vagabond Abdallah, les islamistes Hechmi, Si Larbi, Hamza et Latifa, la prostituée bienveillante. On découvre la société tunisienne et ses multiples facettes en même temps que la vie de ces personnages, qui finiront par tous se croiser dans ce roman choral.
Suite au printemps arabe qui a débuté en décembre 2010 en Tunisie, la population redécouvre le pouvoir de décider, un peu bousculée par cette nouvelle liberté, et tous essaient de tirer leur épingle du jeu, de bâtir un avenir meilleur, mais le désenchantement guette. Sans jugement, l’auteur dresse le portrait d'une société qui doit vaincre ses vieux démons pour se réconcilier avec elle-même et aller de l'avant. Et c'est un portrait sans concessions : dans l'attente des élections libres, les islamistes guettent leur heure et montrent leur vrai visage.
Jolie plume, on se laisse embarquer dans la vie de ces différents personnages et on essaie de mieux comprendre la vie des Tunisiens lors du Printemps arabe.

GAUZ. - Debout payé. - Le Nouvel Attila. - 172 p. - 17 €
Armand Gbaka-Bréké, alias Gauz, nous plonge dans l’histoire de l’émigration africaine des cinquante dernières années, particulièrement celle de la Côte d’Ivoire qui a fourni à la France le plus grand nombre de vigiles, c’est à dire, des hommes noirs de peau et de costume, payés pour rester debout !
Nous marchons dans les pas de Ferdinand, « âge de bronze », époque des Grands Moulins de Paris et des maisons d’étudiants noirs, ensuite, c’est l’âge d’or avec le regroupement familial, c’est l’histoire d’Ossiri qui a quitté un poste d’enseignant au pays, pour découvrir autre chose. La dernière période est appelée « âge de bronze », c’est l’après 11 septembre, recrudescence de vigiles, période sécuritaire et traque des sans-papiers, émigrés de la misère.
L’auteur, qui a été vigile, s’amuse dans la description de la vie quotidienne de ces hommes debouts, il se joue des stéréotypes français et propose avec humour des « théories » : PSG ; Pigmentation, Situation et Géographie. MIB, Men In Black.
Gauz alterne avec dynamisme des courts chapitres de récit avec des sortes de carnets de notes d’observations prises sur le vif chez Camaïeu ou Séphora. Ces notes sont des petits chefs-d’œuvre de critiques acerbes et dérisoires de la société de consommation et de la dérive de la mondialisation.
Après la lecture de ce court roman, caustique et humain, on n’entrera plus de la même façon dans les grands magasins !

GOBY, Valentine. - Baumes. - Actes Sud, Essences. - 63 p. - 10 €
Dans ce court récit autobiographique et très intimiste, Valentine Goby nous invite dans le pays de son enfance, à Grasse, où son père y exerça le métier de parfumeur. Une enfance tellement baignée d’odeurs et de parfums, que la petite fille s’en retrouve submergée, envahie, au point  même de déclencher chez elle des crises d’asthme. Toute sa vie durant, elle cherchera à prendre de la distance avec ce trop-plein d’odeurs, intimement lié à la figure du père, pour se construire et forger sa propre identité.
Un très beau récit d’émancipation, raconté avec beaucoup de sensibilité et de façon très poétique dans un univers olfactif omniprésent et qui n’est pas sans rappeler le roman de Patrick Suskind Le parfum auquel l’auteur va d’ailleurs se retrouver confronté lorsqu’elle cherche une échappatoire aux odeurs par la lecture.

HOUDY, Anne. - Lucien Lucien. - Alice. - 125 p. - 11,50 €
Lucien vit seul avec sa maman, débordée, dépressive, souvent couchée. Sur les conseils du médecin, elle l’envoie en vacances dans une famille d’accueil à la campagne, à la dure. Lucien attendra désespérément qu’elle se retourne à la gare, tout comme il attendra qu’elle revienne le chercher.
Le récit est raconté par deux personnages : Lucien et son regard naïf d’enfant de 7 ans, et celui de sa maman d’accueil. Touchant !

KOTZWINKLE, William. - L’ours est un écrivain comme les autres. - Cambourakis. - Traduit de l’américain. - 301p. - 22 €
Arthur Bramhall, professeur à l’université du Maine, a écrit un roman qui a fini dévoré par les flammes. Il réussit à réécrire son texte et pour le protéger le met dans une mallette qu’il dépose au pied d’un arbre, juste le temps d’aller chercher une bouteille de champagne pour célébrer l’événement. Mais un ours posté non loin de là va prendre la mallette pensant y trouver de la nourriture. En fait, il y découvre un manuscrit dont le titre « Désir et destinée » lui semble prometteur…
Vêtu d’un costume, d’un nom d’emprunt de « Dan Flakes » et du manuscrit, il part pour New-York à la recherche d’un éditeur, malgré son vocabulaire limité. Dan Flakes plaît, son roman plaît, il est devenu le nouvel écrivain à la mode. Se faire passer pour un homme, lorsque l’on est un ours est loin d’être une sinécure !
Dan va voyager à travers les Etats-Unis, tandis qu’Arthur Bramhall se renferme sur lui-même, jusqu’à devenir un ours. Dan devient par hasard Lord of Overlook, ce qui le sauvera lors d’un procès. Il sera reçu par le vice-président des Etats-Unis qui lui doit la vie, rencontrera le président, le sénateur Loveman, un homme âgé, qui vient d’être libéré par Castro après 30 ans de prison, qui meurt subitement d'un infarctus en présence de Dan et non loin une mallette…
Une petite pépite pour bien commencer l’année.

LAHENS, Yanick. - Bain de lune. S. Wespieser. - 271 p. - 20 €
L’auteur, haïtienne, écrit en français, nous entraîne dans une saga familiale sur plusieurs générations. Deux familles en sont les protagonistes et tout commence quand Tertulien Messidor a le coup de foudre pour Olmène Dorival de la famille Lafleur, un jour de marché.
L’histoire de ces familles se confond avec celle du pays, ses collusions avec le pouvoir, les départs en exil, la condition des femmes, la vie quotidienne, la culture des légumes et les jours de marché…les croyances et la chaleur des relations humaines.
Ce roman est foisonnant et écrit dans une langue lyrique et imagée.
Mais, je n’ai pas réussi à y entrer, une autre fois, peut-être ?
Pourtant couronné par le Prix Fémina 2014…

MALHARRO, Martin. - Calibre 45. - La dernière goutte, Fonds noirs. - Traduit de l’espagnol (Argentine). - 249 p. - 19 €
Quelques jours après l’assassinat d’un antiquaire à deux pas de chez lui, Mariani, détective spécialisé dans la recherche de fugueurs et de maîtresses disparues, est contacté par un certain Mariscoll qui lui propose un travail inhabituel mais bien rémunéré : retrouver une collection de pièces de monnaie volée dans le coffre-fort de l’antiquaire. L’enquête dans le milieu trouble des numismates, collectionneurs et faussaires, va entrainer Mariani dans des aventures insolites…
Un roman à l’atmosphère insolite, passionnant de bout en bout et très original. Un héros héritier du Pepe Carvalho de Vazquez Montalban. Un auteur à découvrir et à bichonner…Oui, sans réserve !
Martín Malharro, né en 1952, vit à Buenos Aires. Journaliste et écrivain, il est notamment l’auteur d’une série de romans, intitulée « La ballade du Británico », dont Mariani, détective mélancolique et désenchanté, est le personnage principal.

MARIE CHRISTINE, princesse de Kent. - La reine des quatre royaumes. - Télémaque. - 488 p. - 22 €
Yolande, fille du roi d’Aragon, épouse Louis II, cousin germain du roi de France, Charles VI, en 1400, et devient ainsi, reine du royaume d’Anjou, Sicile, Naples et Chypre. Cette union est très importante sur le plan historique. Yolande a joué un grand rôle politique durant la fin de la Guerre de Cent ans : elle a été artisane de l’installation de Louis VII, qu’elle a en partie élevé, sur le trône de France, après avoir fourni une armée à Jeanne d’Arc. Ce passage, avec le témoignage d’une lettre de son fils est particulièrement touchant, tout en restant bref. Son époux, Louis II, tentait vainement de récupérer contre le roi d’Aragon le royaume de Naples et de Sicile, et son fils Louis III ayant repris ce flambeau, en leur absence, elle gérait l’Anjou et la Provence et concoctait des mariages politiques pour ses filles et ses fils : René avec Isabelle de Lorraine, Yolande avec François de Bretagne et Marie avec Charles VII. Elle a ainsi œuvré à la constitution du royaume de France. C’est elle qui, réalisant les mauvais penchant du jeune roi, découvre Agnès Sorel et l’incite à séduire le roi !
L’auteur est une lointaine descendante de ce personnage. Elle a eu accès à une grande documentation pour écrire cette biographie romancée qui se lit avec beaucoup de plaisir et d’intérêt, et qui donne envie de le prolonger par la découverte plus approfondie d’autres personnages, comme Jacques Cœur ou Agnès Sorel. L’écriture est fluide, parfois, on peut trouver quelques lourdeurs, mais c’est le problème de ce type de roman, biographie historique documentaire ou roman ? La limite est parfois floue, et l’auteur est attendu au tournant sur une éventuelle trahison historique ! La princesse de Kent prévoit une trilogie qui se lira sûrement avec plaisir.

MICHEL-AMADRY, Marc. - Deux zèbres sur la trentième rue. - Héloïse d’Ormesson. - 119 p. - 17 €
Suite à la dernière offensive israélienne de décembre 2008, Mahmoud, directeur d’un zoo de la bande de Gaza, décide de remplacer ses deux zèbres morts de faim par deux ânes qu'il va peindre en noir et blanc pour rendre le sourire aux enfants.
James, un journaliste Américain correspondant du New York Times au Moyen-Orient est en reportage à Gaza pour rédiger un article un an après l'opération « Plomb durci », qui avait opposé les terroristes du Hamas à l'armée israélienne. Touché par le fait divers concernant les deux zèbres, il s'en empare, y voyant un message de paix et d'espoir. Il contacte Mahmoud et réussit à le convaincre de l'accompagner à New-York pour obtenir des fonds et des soutiens à sa cause. Une amitié fraternelle se noue entre les deux hommes : l'un palestinien, l'autre américain.
Mahmoud, pour rendre service à un ami et se faire un peu d'argent, vendra des saucisses sur la 30eme rue, tout en faisant de la publicité pour son zoo. L'histoire de Mahmoud, parue dans la presse, émeut tout le monde : James, le journaliste américain ; Jana, la DJ berlinoise ; Matthieu, le consultant parisien ambitieux et Mila, la jeune artiste peintre française habitant New-York. Une histoire de rencontres et de chassés-croisés grâce à la magie de ces zèbres.
Une couverture attrayante, un roman trop court, des personnages sympathiques, un bijou d'optimisme. Sans magie, la vie n'est rien !
Premier roman. Déjà paru sous une autre couverture en 2012.

OATES, Joyce Carol. - Les maudits. - P. Rey. - Traduit de l’anglais. - 811 p. - 25 €
Université de Princeton, 1905-1906 : un coup de tonnerre éclate au sein d’une communauté paisible et privilégiée. Annabel Slade, petite-fille de l’une des familles les plus aisées et les plus prestigieuses, s’enfuit le jour-même de son mariage, séduite par un homme étrange qu’on soupçonne d’être le diable en personne. Annabel disparaît, elle reviendra, brisée après avoir connu l’enfer. En même temps, une série de disparitions mystérieuses, d’événements surnaturels secoue Princeton, d’autant que les rumeurs les plus folles et les soupçons de non-dits se multiplient. D’où vient la rumeur, personne ne le sait. Ce qui est sûr, c’est qu’une malédiction pèse sur le campus…
Au fil du roman, apparaissent des personnages célèbres : Upton Sinclair, Jack London ou Woodrow Wilson.
Dans cet énorme roman de plus de 800 pages, Joyce Carol Oates mêle fantastique, roman historique, analyse psychologique et chronique sociale, dénonçant les travers d’une société puritaine, raciste, faussement généreuse et tolérante.
L’intrigue est complexe, les personnages nombreux, il y a des romans dans le roman. Mais, entraîné par l’écriture féroce de Joyce Carol Oates, on peut presque lire ce roman d’un trait.

PANDIANI, Enrico. - Les Italiens. - Télémaque. - Traduit de l’italien. - 282p. - 22 €
Paris, 36 quai des Orfèvres, un sniper, en une dizaine de secondes 13 balles traversent la fenêtre d’un bureau: il y a 4 morts dont 3 policiers et une femme venue déposer plainte, un policier blessé. Des policiers français, mais avec des noms italiens (d’où le titre). Le commissaire divisionnaire échappe de peu à une balle. Les coups de feu proviennent de l’appartement au 6ème étage de l’immeuble de l’autre côté du fleuve. Il va falloir s’y rendre.
Pendant ce temps, Léon Lafontaine harangue la foule. Il veut devenir le leader du MNU, le mouvement national ultra, la droite la plus à droite de l’extrême droite.
Une journée éprouvante pour tous. Le chef d’équipe qui a hâte de rentrer chez lui pour se reposer, se voit confier une mission pourrie : accompagner une jeune artiste peintre transsexuelle, Moët Chamberat, dont l’atelier  vient d’être saccagé et dont personne n’a encore pu s’occuper. Pourquoi son atelier a-t-il été la cible de voleurs ? Y a-t-il un lien avec la fusillade ? Qui est visé ? Qui a tiré ? C’est le début de l’escalade.
Dès la première page, on rentre dans le vif de l’action. On se laisse entraîner dans la course poursuite, on ne souffle pas une seconde.
Premier roman très réussi de cet auteur italien.

THILLIEZ, Franck. - Angor. - Fleuve. - 618 p. - 22 €
Une gendarme ressent d’étranges phénomènes depuis qu’elle a été greffée d’un nouveau cœur… Vit-elle la vie de son donneur ? Elle est obsédée par l’idée de rechercher l’identité de celui qui lui a offert une nouvelle vie…
Excellent roman noir qui aborde un sujet pas évident… On le lit passionnément, tant l’histoire est bien construite ; pourtant, le sujet est ardu.
On ne présente plus cet auteur confirmé et ce gros éditeur.

THORP, Roderick. - La traque. - Sonatine. - Traduit de l’américain. - 611 p. - 22 €
1982, banlieue de Seattle. Le détective Phil Boudreau de la brigade des mœurs est appelé pour identifier un corps gisant dans la Green River. Il s’agit d’une très jeune prostituée noire morte assassinée, que Boudreau avait rencontrée dans le cadre de son travail. Un possible suspect lui revient aussitôt en mémoire : Garrett Richard Lockman, un être insaisissable, à la fois dominateur, charmeur, mais aussi craintif et pleurnicheur. Le rapport qu’il renvoie à sa hiérarchie est curieusement enterré, sans qu’il en connaisse la raison. Bientôt, les victimes se multiplient et Boudreau est mis à l’écart des investigations. Hanté par cette affaire, il décide de démarrer seul une enquête clandestine…
Première édition en France de ce livre écrit par Roderick Thorp (1936-1999) en 1995. Il s’inspire d’un fait divers célèbre : le tueur de la Green River, qui a fait plus de 50 victimes dans les années 80. J’ai été tenu en haleine par cette histoire, qui se situe au carrefour du documentaire et du thriller. L’étude psychologique du tueur et du détective, qui se livrent à un duel impitoyable sur plusieurs années, est particulièrement réussie.

TRAPIELLO, Andrés. - Plus jamais çà. - Quai Voltaire. - Traduit de l’espagnol. - 261 p. - 21 €
Dans l’Espagne d’aujourd’hui, José Pestaña, dit Pépé, est historien, il est revenu enseigner dans la ville de Léon, où il a passé son enfance et où vit encore sa famille, et, surtout, son père, Germán, qu’il craint de rencontrer… Entre l’ancien phalangiste et son fils qui cherche à éclaircir les jours sombres de la guerre civile espagnole, il y a un fossé. Une rencontre inattendue fait ressurgir du passé le témoin, alors un petit garçon, d’une exaction que le père avait commise. Mais, si longtemps après les faits, et avec la connaissance des exactions commises, également, du côté républicain, comment avoir un regard objectif et honnête ? Pépé cherche la vérité avec ses contemporains universitaires. Certains sont mêmes encore à la recherche des corps enterrés rapidement dans la campagne, par les deux camps. La guerre est-elle vraiment finie ?
La technique polyphonique de ce récit est très intéressante, les voix d’aujourd’hui et du passé se succèdent, les protagonistes ont tous des motivations différentes, punir, venger, retrouver leurs morts, utiliser le passé pour leur carrière d’aujourd’hui. Ce procédé est, parfois, un peu compliqué à suivre, mais il montre bien la complexité du travail de mémoire.
Ce n’est pas vraiment un roman, plutôt un récit démonstratif dans lequel l’auteur se met lui-même doublement en scène, dans le personnage de Pépé et dans celui de « l’auteur », mis en abîme dans le roman.
L’interrogation de ce travail de mémoire et la façon dont il est mis en œuvre donnent à ce texte une dimension universelle qui dépasse la guerre d’Espagne et fait s’interroger sur toutes les guerres civiles de notre époque.

WELSH, Louise. - La fille dans l’escalier. - Métailié. - Traduit de l’anglais (Ecosse). - 251 p. - 18 €
Jane, libraire écossaise enceinte, débarque en novembre à Berlin pour s’y installer avec son amie Petra. Les deux femmes ont en effet décidé de quitter Londres pour Berlin, où Petra a loué un appartement.
Petra travaille beaucoup, quant à Jane -enceinte- elle ne parle pas du tout allemand, ne travaille pas, dépend financièrement de Petra, surveille ses voisins qui ont tous quelque chose de louche, notamment la jeune Anna vivant à côté avec son père, médecin. Entendant souvent des disputes entre la fille et le père, elle s’inquiète. Jane observe souvent de son balcon le bâtiment délabré sis face à leur immeuble, ainsi que le cimetière où se rassemblent des corbeaux. Elle est obsédée par tous ces mystères qui l’entourent : des fantômes semblent planer sur la ville. Que se passe-t-il réellement ? Et qu’est devenue  la mère d’Anna ?
Le malaise de Jane va s’accentuer lorsque Petra s’absente une semaine à Vienne pour un déplacement professionnel. Jane profite d’être seule pour essayer de sauver la jeune ado qui lui semble en détresse. Tout au long du roman, on doute de tout, y compris de Jane qui a un comportement étrange. On ressent des réticences quant à l’arrivée du bébé.
Un thriller psychologique qui monte en puissance par l’écriture, comme par le décor. On a hâte de découvrir le fin mot de l’histoire…

WHITE, Neil. - Les prochaines sur la liste. - P. Rey. - Traduit de l’anglais. - 19 €
Ce thriller raconte l’histoire de deux frères : Sam policier et Joe Parker avocat. Ils sont tous les deux meurtris par l’assassinat de leur sœur quelques années auparavant. Ils se retrouvent plongés dans une affaire de disparitions et de meurtres sur des jeunes filles qui les replonge des années en arrière. Joe doit défendre Ronnie Bagley qui a avoué avoir tué sa femme et sa fille dont on ne retrouve pas les corps, mais Ronnie n’est surement pas aussi bête qu’il le fait croire et Sam, de son côté, mène l’enquête et tente de prouver la culpabilité.
Très prenant et facile à lire, ce thriller palpitant nous plonge dans l’univers carcéral et les magouilles policières et nous fait découvrir le jargon juridique.