Sélection Petits éditeurs - septembre 2016

BiB92 - Commission Petits éditeurs Septembre 2016

Sélection septembre 2016

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Commission Petits éditeurs BiB92 – Sélection Septembre 2016

BENNETT, Arnold. - Enterré vivant. - L’Arbre vengeur. - Traduit de l’anglais. - 251p. - 17€
Priam Farll est un peintre très doué qui fuit la notoriété. Il est prêt à tout pour éviter de rencontrer son public et les critiques artistiques qui doivent se contenter de l’admirer, sans jamais pouvoir l’approcher. Entouré d’un véritable mystère (existe-t-il réellement ?), il revient momentanément à Londres accompagné de son majordome, Henry Leek. Mais ce dernier tombe brutalement malade et décède. Le médecin ayant pris le domestique pour le maître, Priam choisit de profiter de ce quiproquo pour endosser l’identité de son employé. Ce qui ne va pas tarder à l’amener à vivre des situations inattendues…
Incursion intéressante dans le monde de l’art. Humour british, descriptions minutieuses pleines de saveur, un très bon moment de lecture !

BILBAO, Jon. - Pères, fils, primates. - Mirobole. - Traduit de l’espagnol. - 217p. - 21,50€
Avec sa femme et sa fille, Joanes est invité au mariage de son beau-père sur la côte mexicaine, ce dernier épousant une femme beaucoup plus jeune que lui. En plein milieu de ce voyage, un violent ouragan fait son apparition : les touristes et les habitants doivent quitter la ville. Joanes se trouve alors séparé du reste de sa famille. Ce personnage mystérieux était un étudiant brillant qui est devenu entrepreneur dans la climatisation. Son affaire étant en difficulté, il est consumé par le remords qui se transforme en désir de vengeance… Par ailleurs, sur le chemin pour rejoindre sa famille, lorsque la tempête fait rage, Joanes rencontre un chimpanzé, un ancien professeur et d’autres personnages qui auraient préféré ne jamais le croiser…
Un roman noir bien construit. L’auteur intègre avec brio certains éléments loufoques, moins réalistes, comme la rencontre inattendue pour Joanes d’un chimpanzé en pleine route et d’un de ses anciens professeurs qu’il adulait. En ressort, un récit aux airs de vraisemblance. Son écriture simple, sans fioriture, apporte juste ce qu’il faut au récit. Grâce à cela, on est loin du mélodrame qui serait surfait. De plus, ce style correspond bien au caractère du personnage principal qui s’ennuie profondément dans son existence, et qui a beaucoup de détachement sur le monde qui l’entoure.
Par ailleurs, l’auteur arrive très bien à faire monter la tension. Tout au long du récit, des réminiscences et des souvenirs de Joanes font resurgir en lui des déceptions et une volonté de vengeance. Je regrette seulement de ne pas être rentrée davantage dans la peau du personnage lorsqu’il passe à l’acte à la fin de l’ouvrage. Ce livre ne délivre pas énormément d’émotion, mais il nous tient jusqu’à la dernière page, car nous avons envie de savoir jusqu’où l’homme est prêt à aller dans son désir de revanche…

CINGAL, Grégory. - Ma nuit entre tes cils. - Finitude. - 89p. - 12€
Un homme se souvient de la femme dont il a été follement amoureux et qui s’est donné la mort. Un mélange de souvenirs sur une prof qui adorait danser et dessiner, des passages poétiques ou encore des extraits de notes qu’on impute à la jeune femme. C’est parfois philosophique, parfois un peu trop lyrique.  
Le texte est surtout narratif et contient peu de dialogues qui n’apportent rien à l’histoire.
Le court livre se lit vite, c’est la première nouvelle de l’auteur et c’est plutôt une réussite !

CUNNINGHAM, Peter.- Descendre la rivière. - J. Losfeld. - Traduit de l'anglais (Irlande). - 18,50€
Alex, écrivain, et sa femme Kay, psychologue, vivent près de Toronto, au bord du lac Muskoka. La nature y est somptueuse, le lieu est idéal pour écrire, mais Alex peine à démarrer son second roman.
Il reçoit par la poste une enveloppe contenant une mouche pour la pêche. L’envoi est étrange. Aussitôt, les souvenirs affleurent, mais aussi des trous béants dans la mémoire d’Alex. L’angoisse d’Alex grandit en même temps que sa perplexité : pourquoi est-il persuadé d’avoir commis un meurtre alors qu’il n’était qu’un enfant ? Pourquoi son père refuse-t-il de le voir depuis tant d’années ? Et quelle est cette menace qui semble faire irruption dans le présent ?
A travers un roman très bien construit, des allers et retours entre le présent et le passé, le Canada et l’Irlande, Peter Cunningham livre le récit d’une vengeance, une enquête sur un meurtre (mais lequel ?), sur les traumatismes de l’enfance, sur la difficulté de se construire après avoir vécu l’indicible.
La truite argentée, à la façon d’un refrain, rythme le récit et lui donne toute son intensité. De très belles descriptions de la nature émaillent ce thriller qui se lit d’un trait.

DIETRICH, Pascale. - Une île bien tranquille. - L. Levi. - 156p. - 15€
Edelweiss revient dans l’île de son enfance pour enterrer son père, ingénieur agronome à la retraite, décédé d’une chute du Pic du Rat, qu’il avait pourtant l’habitude d’arpenter presque quotidiennement. Est-ce le vent particulièrement violent ce jour-là ? Edelweiss est perplexe, mais cet accident ne semble étonner aucun des habitants de Trévidic, dont les conditions de vie ont brutalement changé : voitures luxueuses, yachts, bâtiments rénovés, portails fermés à clé, vidéos de surveillance…
Edelweiss renoue avec son passé, en même temps qu’elle enquête sur le présent, retrouvant des lieux, des amis. Les allers et retours entre le passé et le présent sont racontés par Edelweiss de façon très plaisante, avec un recul parfois plein d’humour.
L’intrigue est un peu invraisemblable, mais on se laisse prendre au jeu.
Au final, une intrigue policière, avec un certain charme, qui se lit d’un trait.

DOUBLET, Lucie. - L’émergence d’une île. - Les Cahiers de l’Egaré, La Collection privée du capitaine. - 83p. - 12€
Cette collection est née en 2015 et s’inscrit au sein des Cahiers de l’Egaré, comme une collection autonome qui désire « défendre et mettre en avant des écrits contemporains singuliers et exigeants pouvant être de l’ordre du récit, du roman de la poésie ou du théâtre s’inspirant de l’esprit poétique de l’égarement déjà existant et inventant son propre esprit ».
Des marins au long cours se retrouvent en plein océan, confrontés à un événement inattendu et peu banal : l’apparition d’une île. Cela les perturbe énormément et engendre questionnements, chaos et confusion. Est-ce bien la terre ? Est-ce un mirage ou la réalité ?
Dans ce récit choral, se mêlent et s’entrecroisent les réflexions et sentiments des membres de l’équipage et du capitaine.
Ce tout petit livre est une perle littéraire, toute en épure et retenue mais qui ne manque pas de poésie, d’aventure, de philosophie et même d’humour.

EXPERT, Jacques. - Hortense. - Sonatine. - 316p. - 20€
Montmartre, 1993 : Hortense, deux ans et demi, est enlevée à sa maman, Sophie Delalande, par son père biologique qui avait disparu bien avant sa naissance.
Une enquête, plusieurs juges d’instruction, les pistes s’épuisent et c’est toute la vie de Sophie Delalande qui s’éteint au quotidien. Jusqu’à ce que vingt-deux ans plus tard, elle croise une jeune serveuse, Emmanuelle, qui ressemble étrangement à sa fille…
Jacques Expert retrouve le talent de son premier roman avec ce livre inspiré d’un fait divers réel. Ecrit à deux voix, entrecoupé d’extraits de procès-verbaux, il développe une enquête policière et psychologique poussée au plus près de l’intimité des personnages. Dès le début, on se doute d’un dénouement tragique, mais lequel ? Mon seul regret est que la fin engendre plus de questions que la réponse qu’elle donne à l’histoire.

FAUST, Christa. - Money shot. - Gallmeister, Néonoir. - Traduit de l’américain. - 232p. - 17,50€
Gina Moretti, plus connue sous le nom d'Angel Dare, ancienne actrice de films porno, gère dorénavant une agence d'actrices X à Los Angeles. A la demande d'un ami, elle accepte de tourner à nouveau. Angel se précipite sans le savoir dans un piège : elle est agressée et ligotée dans un coffre de voiture, recherchée par la police et pistée par les méchants qui réclament l’argent caché dans une mallette. Dès qu’elle s’en sort, elle est déterminée à se venger. Avec l'aide de Malloy, son garde du corps et ex-flic très pudique, fort et attachant, elle entame une véritable vendetta pour retrouver ses ennemis. On veut l’accuser du meurtre de son ami Sam Hammer qui a été tué avec son arme ! L'héroïne est embringuée dans une sordide histoire en rapport avec un trafic sexuel de jeunes Roumaines.
C'est un roman dans le milieu de la pornographie, mais il n'est jamais vulgaire. Au contraire, il est très sage sur ce plan, car l’important c'est cette vengeance. L’auteur a voulu créer un personnage féminin fort, qui serait le héros et sauverait des femmes. Une star du X n'est pas forcément une bombe sexuelle sans cervelle, elle peut être une féministe déterminée. Angel n'a pas froid aux yeux, elle est indépendante, intelligente, coriace et courageuse. C'est une femme fatale qui n'a peur de rien...
Des chapitres courts, un rythme soutenu et un style percutant. Le langage utilisé est direct. Humour -noir- garanti, malgré des situations peu enviables ! L'humour est omniprésent dans les réflexions décalées de l’héroïne. La violence est comme une épice, il faut savoir doser, nous confie C. Faust !
Un roman noir, diabolique comme le nom de son auteur, puissant ; la tension est présente tout au long du récit. Amusant polar, Money Shot est un livre qui est à la fois rempli d'énergie dans l'action et d'esprit dans les bons mots.
Un « Money shot » est la séquence la plus vendeuse d’un film porno.
Angel Dare, une héroïne que l'on n'oublie pas et qui fait partie d’une série dont le second volume paraîtra en 2017 chez Gallmeister. L’auteur s’intéresse aux « petits mondes cachés ».
Cf vidéo : www.mollat.com/livres/faust-christa-money-shot-9782351781128.html

GALMOT, Jean. - Un mort vivait parmi nous. - Le Festin / L’Eveilleur. - 203p. - 19€
Roman illustré de photos d’époque
L'affaire Galmot ou procès des émeutiers de la Guyane est un des plus retentissants procès de l'entre deux-guerres en France. À la suite du décès mystérieux du candidat-député Jean Galmot, Cayenne est le siège d'émeutes en 1928. 14 accusés sont jugés pour meurtres et pillages à Nantes en 1931. Lors des plaidoiries, le procès se transforme en procès du colonialisme et de l'esclavage, et se termine par l'acquittement des accusés.
Marthe vient retrouver son mari Pierre Deschamps dans la mine d’or, mais il est absent. C’est une grande femme blonde et robuste. Elle doit rester au milieu de tous ces hommes abrutis le travail, en manque de femme, en attendant de pouvoir rejoindre son mari. Il y a peu d’action, mais on sent le drame couver. Marthe est accusée d’avoir ensorcelé le camp. Elle a peur, flirte et tombe amoureuse…
Roman dépaysant, avec sa nature exubérante, poétique et mystérieux sur lequel planent l’ombre du fantôme qui lui aussi exprime son désir pour Marthe et de l’Indien, chargé d’escorter la jeune femme.
Jean Galmot redonne vie à la forêt équatoriale, à la faune, la flore et aux odeurs. Il s’attache à nous faire partager sa passion pour ce monde qu’il a appris à connaître. L’immersion est totale.

GREVERAND, Gérard. - Le capitaine à l’heure des ponts tranquilles. - Les Escales. - 266p. - 20€
A l’heure de sa retraite, le narrateur, citoyen belge, Archibald von Kortijk, appelé Bart, revient sur sa longue vie dans la marine marchande. De simple mousse à la vie dure au poste de capitaine au long cours, il a sillonné les mers. Sa vie ne retrace pas seulement l’histoire de la marine marchande au XXe siècle, mais une vie d’aventures de rencontres, de séparations déchirantes, tout un destin personnel.
Avec humour (belge, bien sûr !), l’auteur invente à Bart un ancêtre corsaire, dont le navire « La licorne » était pris pour cible par un pirate Jack Rackham ! Bart a, lui aussi, un ennemi juré sur la mer, un ancien second, qui le poursuit de sa haine, jusqu’au règlement de compte final.
Il rencontre, également, Jacques Brel, une profonde amitié et même une ultime aventure en voilier vers les Marquises avec lui. Cette partie du roman est un peu trop fabriquée pour que l’on y adhère !
Bart n’a pas une femme dans chaque port, mais, Kusuma, une Eurasienne, qui l’attend en Indonésie. C’est elle que Bart rejoint pour l’heure des ponts tranquilles.
Ce récit, très romanesque, se lit avec plaisir, l’écriture est fluide, il est bien documenté et contient tous les éléments d’un bon roman maritime des quarantièmes rugissants à la fraternité des équipages et aux belles femmes dans les ports. Le sérieux du travail de l’auteur l’empêche de tomber dans le roman « cliché » sur la marine.

HEAD, Bessie. - Marou. Zoé, Poche. - Traduit de l’anglais. - 186p. - 10,50€
Margaret Cadmore est une enfant orpheline de la tribu des Masarwa. Les membres de cette tribu sont rejetés au plus haut point, tout juste parviennent-ils à être esclaves. L’enfant est recueillie par une femme énergique, instruite, curieuse, qui dessine aussi des croquis quand son inspiration la guide. Margaret, dont tout le monde se moque à l’école, car ses camarades considèrent qu’elle devrait retourner dans la brousse, devient une jeune femme brillante. Elle est nommée institutrice loin de chez sa mère adoptive, dans un petit village du Botswana.
Lorsque le directeur de l’école et les habitants apprennent qu’elle est une Masarwa, le village va littéralement exploser. Les rumeurs et réflexes racistes vont surgir d’un côté, les débuts d’une prise de conscience de l’autre. Mais ceci n’est rien à côté de la passion amoureuse qui bouleverse la vie de deux hommes amis de toujours : Moleka et Marou …
L’extrait de la quatrième de couverture donne un aperçu du style poétique et imagé de ce roman paru en France il y a vingt ans et réédité en poche : « On disait de Moleka qu’il avait sorti son cœur de son corps, et qu’il l’avait caché en quelque lieu secret pendant qu’il faisait la cour à toutes les femmes du village. »
Ce récit est sublime par son écriture délicate et sensible, la justesse des propos. C’est une des plus belles lectures de l’année. Bessie Head, grande auteur africaine anglophone (1937-1986) décrit la naissance du sentiment amoureux d’une manière inégalée, tout en nous offrant ici un pamphlet contre le racisme, une ode à la liberté.

JEONG YOU-JEONG. - Les nuits de sept ans. - Decrescendo. - Traduit du coréen. - 506p. - 19€
Dans une ambiance très coréenne d’environnement d’eau, un lac créé par un barrage, un village englouti et des habitants déplacés et de mystère, on apprend, dès le début, le meurtre d’une fillette de onze ans et l’identité du meurtrier. L’intérêt du livre est ailleurs. C’est dans le huis clos des responsables de la sécurité de ce barrage que se joue le drame. Trois hommes, un notable, cynique et cruel avec sa famille, le chef de la sécurité, ex joueur de base-ball qui ne contrôle plus sa main gauche, un gardien, ancien plongeur de l’armée, qui se veut écrivain. C’est le chef de la sécurité qui renverse accidentellement la fille du notable qui fuyait devant les coups de son père, puis dans un accès incontrôlé, l’étrangle avec sa main folle et la fait disparaître dans le lac.
Huis clos et resserrement du drame entre ces trois hommes, mise en abyme dans le roman qu’écrit le gardien. Face à face terrible du père qui veut se venger sur le fils de l’autre, car il l’a vu mettre le corps à l’eau.
C’est le fils du meurtrier qui, sept ans après le drame et l’arrestation de son père, introduit l’histoire avec ses souvenirs.
Ce roman est assez compliqué à suivre en raison des noms des personnages qui se ressemblent et de la complexité et l’enchevêtrement de l’intrigue. Dans certains passages, l’onirisme se confond à la réalité. Malgré sa densité et sa longueur, particulièrement au début, on est happé par ce thriller. On ne peut le lâcher dans la dernière partie !

JOHNSON, Craig. - A vol d’oiseau. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 354p. - 24€
Nous retrouvons, dans cette enquête policière, Walt Longmire et son ami, Henri. L’enquête se situe sur la réserve cheyenne entre le Wyoming et le Montana, donc dépend de la police tribale représentée par Lolo Long, pas très expérimentée. En recherche d’un lieu pour y célébrer le mariage de sa fille, Walt, accompagné de son ami Henri, est témoin de la chute d’une falaise d’une jeune femme et de son bébé, qui, lui, sera sauf. Il ne s’agit pas d’un accident, ni d’un suicide, mais d’un meurtre.
Au fil de l’enquête et des péripéties entre le FBI et les juridictions indiennes, nous découvrons la société indienne, ses rivalités et ses compromis. La vie est dure dans la réserve et l’alcool fait des ravages. D’ailleurs, le compagnon de la jeune femme est innocenté par son degré d’alcoolémie au moment des faits ! Au cours de son enquête parallèle, Walt participe à une cérémonie rituelle et expérimente les effets du peyotl sur sa lucidité. Il finira par trouver le véritable coupable et, avec l’aide de sa fille et de la future belle-mère, le mariage pourra avoir lieu. Dur pour un père, veuf, de marier sa fille unique !
Ce roman policier est surtout attachant par l’empathie qui se dégage des personnages, de la découverte de la société cheyenne, de la complexité des relations humaines augmentées par les différentes juridictions et par la présence de vétérans de la guerre du Golfe. Petite et grande histoire se mêlent dans ces magnifiques paysages qui ancrent le récit.

MICHEL, Caroline. - 89 mois. - Préludes. - 281 p. - 15 €
Jeanne, fraîchement célibataire, contrôleuse de train sur la ligne Paris-Auxerre, n'a qu'une obsession : devenir maman avant que le temps la rattrape. Elle a fait une croix sur le couple, il lui faut simplement un géniteur. Sa décision ne fait pas l'unanimité auprès de ses amis, et, même si parfois elle doute, elle est déterminée à surveiller son cycle, à provoquer les rencontres, à boire des potions magiques et à lever les jambes après chaque rapport, sait-on jamais.
Un premier roman, empreint d'humour et de tendresse, à la fois drôle et émouvant. L’auteur pose la question des choix intimes dans une société conformiste, et traite d’un sujet encore souvent tabou.
Un vrai « feel good book ».

MINIERE, Isabelle. - On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. - S. Safran. - 190p. - 17€
Martin a l'impression d'être le spectateur de sa propre vie ; sans amis ni femme qui l'aime, il passe son temps à s'imaginer le bonheur qu'il rate. Vivant dans un petit logement, travaillant en tant que comptable, il se reproche l'existence inintéressante qu'il mène tout seul. L'arrivée d'Odette, psychologue, apporte un sens à sa vie : il lui rendra des services professionnels, elle lui donnera des conseils pour voir le monde d'une façon plus optimiste. Sachant désormais que « nos pensées déteignent sur nos vies », Martin commence à apercevoir l'existence des autres, réalise qu'il peut disposer d'un « minimum vital » pour être heureux. Et comme « on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise », une rencontre fortuite sera décisive, Martin trouvera à la fois de l'amitié et de l'amour...
Malgré un début un peu lent, le roman est plaisant à lire, l'anti-héros est attachant, la recette du bonheur reste simple : on a besoin de se rendre utile pour exister.

SPAAK, Isabelle. - Une allure folle. - Equateurs. - 187p. - 17€
Dans son premier livre Ca ne se fait pas, l’auteur parlait de l’assassinat de son père par sa mère, suivi de son suicide. Lourd héritage.
Dans ce roman, Isabelle Spaak essaie de reconstituer la mémoire familiale, une véritable enquête à l’aide de souvenirs, de courriers et de photographies, de retours sur les lieux, les belles maisons où grand-mère et mère ont vécu. Comment démêler le vrai de la légende, quand les mensonges et les non-dits ont servi de vérité ?
Sa grand-mère Mathilde, une grande bourgeoise belge, fantasque, coquette à l’allure folle, demi-mondaine, a été éperdument amoureuse d’un industriel italien, marié et déjà père, qui l’a menée en bateau toute sa vie. Elle en a eu une fille, Anny, qui a cru avoir été reconnue, et qui a été rejetée de la bonne société, car une bâtarde, ça ne se fréquente pas.
Les éléments du drame se mettent en place, Anny, éperdue de vérité, se marie une première fois et a trois enfants, une seconde fois et a de nouveau trois enfants, dont Isabelle. Mais, elle est encore rattrapée par les mensonges…
C’est un travail de dentellière que fait l’auteur pour recoudre la vie de sa mère et lui rendre justice et dignité. Elle apprend par ses recherches le rôle de sa mère pour sauver des enfants juifs et que son nom figure au mémorial des justes à Jérusalem.
L’écriture est vive et élégante avec des changements de rythme, selon les époques relatées. L’auteur suit au plus près cette « allure folle », cette fuite en avant dont elle est l’héritière. Elle le fait avec panache et courage, car si « ça ne se fait toujours pas » de mettre au jour le linge sale familial, elle rétablit toutes les vérités sur sa mère.

VARENNE, Antonin. - Cat 215. - Manufacture de livres, Territori. - 96p. - 9€
Marc, jeune garagiste, quitte la métropole pour rejoindre en Guyane Julo, son ancien associé. Ce dernier, qui souhaite devenir orpailleur, fait appel à lui pour l'aider à réparer le moteur d'une pelle Caterpillar 215 qu'il a fait convoyer par Jo, un ancien légionnaire, aidé d'un mystérieux Brésilien. Marc tente de rejoindre les deux hommes et la machine immobilisée au milieu de la jungle.
Je n’aimais pas les polars de cet auteur, je n’accrochais pas ! Le format « nouvelle » sied davantage à Antonin Varenne. J’ai apprécié le style incisif, la chaleur humide de la jungle guyanaise perceptible, comme les odeurs prégnantes et les moustiques agressifs. On y est avec le héros dans ce monde sauvage où l’on savoure la chair fade des serpents. Quant aux orpailleurs, ils font peur ! Despérados, légionnaires ravagés du cerveau en mal de guerre, mécaniques qui ne résistent pas au climat…

VARESI, Valerio. - Le fleuve des brumes. - Agullo, Noir. - Traduit de l’italien. - 315p. - 21,50€
Dans une vallée brumeuse du nord de l'Italie, les habitants surveillent la montée du Pô qui menace de sortir de son lit. Une barge libérée de ses amarres s'échoue. Son pilote aguerri est introuvable. Au même moment, le commissaire Soneri est appelé à l'hôpital pour enquêter sur le suicide d'un homme. Il découvre qu'il s'agit du frère du batelier disparu.
Excellente surprise ! Un roman au fil de l’eau, qui nous plonge dans l’univers de Riz amer, magnifique film de Giuseppe de Säntis… Le style de l’auteur est fluide, il conquiert son lectorat et nous mène en bateau jusqu’au bout. On ne peut décrocher de ce livre, on finit par apprécier ces personnages au caractère ombrageux, ces taiseux qui vivent dans des conditions difficiles et qui ne se plaignent jamais !
Pourquoi ce livre, sorti en Italie en 2003, n’a-t-il été traduit que maintenant ? Cela reste une énigme… Mais réjouissons-nous: le second volet des aventures de ce commissaire atypique paraîtra en 2017.
Assurément, mon coup de cœur de l’été !!!