Commission Petits éditeurs de mai 2019

Commission Petits éditeurs BiB92 – Sélection mai 2019

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Ce roman épistolaire se passe de nos jours, dans un lieu imaginaire nommé An Linh, régi par une royauté. Le mari de la narratrice est jeté à la prison du Phare, accusé d’antipatriotisme et de haute trahison, il risque la peine de mort car le professeur et écrivain lutte pour la liberté de son pays. Il est interdit de tout contact et ne verra pas sa fille née. Alors que le procès de Thanh se prépare, Isey met tout en œuvre pour libérer le père de son enfant. La femme enceinte ne se laisse pas abattre et correspond avec Nam, un ami de son frère décédé, et Mê Lan, une ancienne amie de pensionnat, dont elle compte sur le père qui est ministre pour délivrer son mari. Isey écrit aussi des lettres à son mari, la cuisinière de la prison servant de passeuse. Ses autres correspondants sont sa mère et l’avocat. Les amis du couple préparent l’évasion pour lui éviter la mort. Dans le cas de l’exil, les amoureux seront séparés et Isey pourrait être menacée. L'intrigue tourne autour de l'angoissante attente de la libération, puis de l'organisation de l'évasion. Mais les contretemps se suivent et amènent quelques rebondissements. Le thème est poignant, la tension monte crescendo : Thanh réussira-t-il à s'enfuir ? On retrouve l’écriture délicate et poétique de l’auteur, les lettres s’enchaînent rapidement et sont ponctuées de poèmes échangés (magnifique poème final adressé à Isey). On peut voir dans ce récit intemporel et sans localisation une métaphore dénonçant l’intolérance qui se propage à travers le monde, les arrestations arbitraires, le peuple menacé dans sa parole et sa liberté. Un magnifique roman épistolaire sur l'amour puissant et lyrique que se porte un couple séparé de force. Il est aussi question d'amitié entre Isey et Mê Lan, de la fidélité de Nam envers Thanh qui sont très fortes et la délicatesse des sentiments exprimés.
Aubert-Nguyen, Hoai Huong. - Le cri de l’aurore. - V. Hamy. - 235p. - 18€

POUR

Abdel, un misanthrope d'âge mûr, vit seul dans un village de montagne dépeuplé. Après sa rupture avec Chris, un événement surnaturel survient : un matin, il se réveille dans un univers figé : le temps ne s'écoule plus, il n'y a plus de courant et son miroir ruisselle d'eau... Dans la ville désertée, il trouve trace de trois autres « survivants », deux sœurs et un garçon de café. Il ne conçoit pas ce qui se passe et part... Puis, quand tout redevient normal, personne ne semble se souvenir de ce phénomène étrange mais Abdel veut comprendre. Craignant d'avoir sombré dans la folie, il se retrouve subitement accusé de viol à 67 ans, et placé derrière les barreaux. A-t-il inventé cet épisode fantastique pour dissimuler sa véritable nature ? Est-il dément? Il s'en passe des choses "bizarres" dans ce roman qui passe du polar rural au fantastique. Cela marche, même si je ne suis pas adepte de SF, c’est donc la preuve que c'est réussi. L'auteur aborde son sujet avec intelligence, il fait référence aux amochés de la vie, aux laisser- pour-compte de la société, et encore une fois à la prison. Un roman surprenant, à découvrir.

CONTRE
Un homme, la soixantaine, vit dans un hameau de montagne, retiré du monde. Il sort d’une rupture sentimentale avec une femme de 38 ans. Un matin, de l’eau se met à couler des miroirs, il sort chercher de l’aide, mais le hameau est désert, ainsi que le village voisin. Le poste de police est vide, de l’eau coule également des miroirs.
Je n’ai pas réussi à dépasser les 50 premières pages. Le narrateur m’exaspère, il se vante de ses prouesses sexuelles : « je bandais et rebandais à la demande », « on a fait plein de trucs ». Il ne comprend visiblement pas la différence entre séduction et harcèlement de rue : « On est dans une époque de merde où tout s'est déglingué entre les hommes et les femmes. Vous pouvez plus les aborder dans la rue sans vous retrouver au poste. » Apparemment, il pense que le couple et la famille ne sert qu’à asservir la femme : « J'avais repéré une assez jolie femme, la trentaine, un magnifique petit derrière tout rond, deux gosses, [...]un mec lui a déjà collé deux gosses pour la tenir en laisse je me disais, donc elle va le punir un jour ou l'autre, j'ai toutes mes chances. » L’eau coule encore et toujours aussi mystérieusement des miroirs, les oiseaux morts jonchent le sol, il y a un goût étrange d’électricité dans l’air, mais tout cela ne suffit pas à me retenir. Je me fiche bien de ce qui peut arriver à ce narrateur qui ne m’inspire aucune empathie, malheureusement…
Aurousseau, Nan. - Les amochés. - Buchet-Chastel. - 329p. - 18€

Julien Azoulay, romancier parisien, perd sa jeune épouse, Hélène, emportée par un cancer foudroyant. Elle laisse derrière elle un mari inconsolable et un petit garçon de quatre ans. Julien est complétement perdu. Il tente de faire face pour son fils, mais il ne parvient plus à écrire. Au bout de quelques mois, son éditeur, qui lui avait avancé de l’argent pour son prochain roman, se rappelle à son bon souvenir. Julien fuit, déprime. Son esprit est anesthésié. Il va cependant tenter de tenir la promesse qu’il avait faite à Hélène : lui écrire trente-trois lettres et les placer dans un compartiment secret de son caveau. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il constate que sa correspondance disparaît et qu’elle est remplacée par des poèmes, des dessins, des tickets de musée. Commence alors pour Julien une longue enquête. Qui peut bien lui répondre ? Avec beaucoup de tendresse, Nicolas Barreau aborde la thématique du deuil, la perte de l’être aimé. En parcourant les allées du vieux cimetière de Montmartre, l’auteur nous raconte une belle histoire, pleine de tristesse et d’émotion, mais aussi d’espoir et de renaissance. Un roman qui redonne le sourire.
Barreau, Nicolas. - Trente-fois fois mon amour. - H. d’Ormesson. - Traduit de l'allemand. - 294 p. - 18 €

Campagne française, XIXe siècle : le père Gabriel est appelé dans un asile pour bénir le corps de Rose, une femme qui vient de mourir. Dans le secret du confessionnal, une infirmière le supplie de faire sortir de l’institution les cahiers de Rose cachés sous la robe de la défunte. Surpris, le père Gabriel finit par obéir. Il découvre l’histoire de la jeune Rose, une fille de fermiers des Landes. Rose a seulement quatorze ans lorsque son père la vend pour sauver sa famille de la misère. Contrainte de suivre le maître des Forges, elle arrive dans une maison perdue au beau milieu d’une forêt. La mère du maître la fait très vite trimer, du matin au soir. Rose s’étonne : le maître est marié, mais son épouse, alitée, ne sort jamais de sa chambre, elle ne l’a jamais vue. L’ambiance de la maison est plutôt lugubre. Seul, Edmond, le palefrenier, semble se préoccuper du sort de la jeune fille.Un très beau roman choral, triste et puissant. C’est le destin tragique d’une toute jeune fille qui est conté ici et qui bascule sous l’action des plans machiavéliques du maître des Forges et de sa mère. On s’attache à Rose, on tremble pour elle, on verse des larmes. Du suspense jusqu’à la dernière page. Une réussite absolue ! PRIX DES LIBRAIRES
Bouysse, Franck. - Né d’aucune femme. - La manufacture des livres. - 333p. - 21€

Ayoola, belle et égocentrique met fin à ses aventures amoureuses en tuant ses amants. Sa sœur ainée Korede, la narratrice, son opposé en tous points, l’aide à faire disparaître toute trace des meurtres. Va-t-elle continuer à protéger l’égoïste cadette alors que celle-ci jette son dévolu sur Tade, le beau docteur, que Korede aime en secret ?
Cette histoire raconte ce qu’on peut être capable de faire et d’accepter par amour et par loyauté envers sa famille. Tout cela sur fond d’une société nigériane tiraillée entre tradition patriarcale et modernité à l’occidentale. Quelle sera l’issue de cette relation ? Ce polar se lit d’une traite, détend et fait sourire. De quoi passer un bon moment.
Braithwaite, Oyinkan. - Ma sœur, serial killeuse. - Delcourt. - Traduit de l’anglais (Nigéria). - 244p. - 18,50€

Un polar de bonne tenue, une écriture vive, bien qu'un peu froide (style voulu), une intrigue bien menée, des enquêteurs attachants car humains et le suspense est ménagé jusqu'à la fin. Le roman est construit en chapitres chronologiques, dans lesquels chacun des personnages occupe le centre tour à tour, ce qui crée un effet kaléidoscopique intéressant, sans perdre le lecteur, mais en l'associant étroitement à l'exploration de l'intrigue, tout en ménageant habilement les zones d'ombre, d'incertitude, et de doute. Découverte d'un tronc humain démembré et décapité, partiellement brûlé, enquête au sein d'une famille de province dans une ville où tout se sait, mais rien ne se dit, recherche du/des coupable(s) parmi tous les membres qui ont tous quelque chose à cacher... Ce roman se lit de bout en bout sans lâcher l'histoire, et la fin est assez surprenante pour qu'on ne la devine pas. Le roman lu très vite - parce qu’accrocheur.
Cabanac, Cécile. - Des poignards dans les sourires. - Fleuve noir. - 470p. - 20€

Le roman se déroule dans une cour d'école, dans l'Amérique des années 70. Un matin, débarque « le nouveau », un élève noir, qui suscite immédiatement la curiosité ou le rejet, l'observation de loin ou les insultes, et rebat les cartes de ce microcosme où chacun a normalement sa place (le caïd, la fille populaire, la bonne élève, les mis-de-côté, le bon copain...), où les amitiés et amours se font et se défont au gré des récréations. Contre toute attente, Dee, une des filles les plus appréciées de l'école, se rapproche de ce nouveau et crée vite un lien très fort... ce qui n'empêchera pourtant pas le pire d'arriver dans cette société pétrie de préjugés contre l'inconnu. Les points forts de ce livre :
* l'histoire se passe sur une seule journée d'école, mais le temps semble complètement dilaté, comme s'il se passait beaucoup plus de temps, ce qui rend la chute encore plus forte, lorsqu'on réalise que c'est bien en un seul jour.
* Les émotions, ressenties des personnages, le microcosme de l'école et les rapports entre les élèves sont vraiment très bien traduits... On sent les choses arriver de manière inéluctable, mais on ne peut pas deviner la fin... !
* La manière de traiter le thème pourrait choquer certains (amalgame entre le Noir et le singe par exemple), mais il faut bien se restituer dans l'Amérique des années 70. Ceci dit, on peut se demander si aujourd'hui encore ça ne se passerait pas comme ça dans certains endroits.... Donc ça continue à être d'actualité d'une certaine manière, ou en tout cas on s’interroge et, c'est le propre de ce type de livre !
Chevalier, Tracy. - Le nouveau. - Phébus. - Traduit de l’américain. - 219p. - 19€

Le titre Fa(m)ille offre un jeu mot fort bien trouvé qui reflète la dureté de l’enfance marginale de la narratrice, au sein d'une famille plus que dysfonctionnelle. Entre un père volage peu présent et une mère américaine à l’accent birkinien, totalement dépassée, mal-aimante, Audrey a bien du mal à se construire. La mère transforme l’immense maison délabrée perdue dans la Beauce, en foyer d'accueil pour des enfants à problèmes, afin de collecter de l'argent qu’elle dépense sans scrupules. Cette mère excentrique et ultra laxiste, instable et incapable de donner de l’affection se laisse entretenir par ses enfants qui n'en ont pas l'âge : Sœur Lumière, Constance et Louis complètent la fratrie et se répartissent les tâches en veillant sur leur mère. L'endroit se transforme rapidement en capharnaüm où l'adolescente grandit parmi les marginaux et les gamins perdus de la DDASS. Les enfants n'ont pas de repère, sont livrés à eux-mêmes vivant dans la ferme en ruine... La narratrice se débat avec un seul but : avoir son bac pour pouvoir devenir actrice. La force de caractère de l'héroïne n'en est que mieux mise en valeur, même si elle se remet en question au contact des enfants placés dans ce drôle de foyer baptisé Maryland, enfants ayant connu encore plus d'horreur qu’elle. La petite fille, puis l'adolescente, se construit comme elle peut, au gré des épreuves…Cette histoire d'une famille est racontée avec verve et désespoir par la narratrice qui grandit au fil de ce roman. Une histoire forte et poignante d'une famille pleine de failles, d'un manque d'une enfance normale, qui dit les blessures d’une enfance chaotique, l'inconséquence de parents. Quelle est la part d'autobiographie de ce premier roman assez effarant, mais émouvant et bien écrit ? Ce roman aux chapitres courts qui nous permettent d'avancer rapidement se lit comme un scénario. Le style nous emporte immédiatement et parvient à dédramatiser un peu tout ce que vit cette petite fille.
Dana, Audrey. - Famille. - Equateurs. - 220p. - 19€

POUR
Afin de ne pas être séparé de Michele par la mort, sa très chère épouse dont il est encore amoureux, Leone Acampora, parrain de la mafia grenobloise, a engagé un tueur à gages pour qu’elle le rejoigne au paradis. Il laisse une lettre à sa femme lui annonçant qu'il souhaite qu'elle le suive dans la mort ! Mais Michele ne se laisse pas faire et a bien l'intention de profiter encore de la vie. Elle s'enfuit pour tenter d'échapper à son destin, tout en recherchant qui c'est, pour l'éliminer avant ! Elle se réfugie dans une maison en montagne, le temps qu'Alessia, sa fille, élimine le tueur à gages. Alessia utilise la pharmacie qu'elle dirige pour écouler la cocaïne alors que sa sœur Dina a, elle, choisi par esprit de rébellion de s'engager dans l'humanitaire mais ce milieu la déçoit. Les deux filles vont tout faire pour sauver leur mère et, par la même occasion, Alessia entend bien prendre la tête de la mafia locale car il est temps que les hommes cèdent le pouvoir aux femmes qui l'exercent en sous-main. Les personnages sont bien croqués, l'écriture est pleine d'humour et de sarcasme et ce roman se lit d’une traite. Un court récit, vif, enlevé où les femmes prennent le pouvoir. Un délicieux moment avec une fin inattendue ! Percutant.

CONTRE
Leone Acampora, boss de la mafia grenobloise, vient de mourir. Dans son testament, il apprend à son épouse, Michele, qu’il a mis un tueur à gages à ses trousses pour qu’elle le rejoigne très vite dans l’au-delà. Michele, entourée de ses deux filles, ne se laissera pas faire.Ce qui donne un bon roman sur le milieu de la mafia italienne exilée à Grenoble, mais un polar raté. Histoire de genre, ce court roman narre le destin de trois femmes :Michele, l’épouse du mafieux a la vie dorée ; Dina, celle qui travaille dans l’humanitaire pour racheter une conscience à sa famille ; Alessia, enfin, la pharmacienne qui est la reine de la drogue de Grenoble et ses alentours. Trois destins liés, une famille, mais des raccourcis qui prêtent à rire, tellement les ficelles sont grosses. Par exemple, Dina rencontre ainsi l’homme parfait qui, sans surprise, est le tueur missionné par son père pour assassiner son père. Alessia, elle, est le classique de la mafieuse qui lutte dans un monde patriarcal avec sa tête face aux muscles. Les scènes sont convenues, attendues, et l’intrigue en elle-même repose sur des clichés qui affadissent une plume pourtant agréable. Un échec, sauf pour le côté femme forte et la critique d’une société qui perd la tête.
Dietrich, Pascale. - Les mafieuses. - L. Levi. - 150p. - 15€

Dom, 15 ans, vit seul avec son père depuis que sa mère médecin est partie vivre à l’autre bout du monde. Tous deux entourés de leur famille et de leurs amis, se partagent entre la capitale et l’île de Groix. Une nuit, Dom est réveillé par les pompiers qui arrivent pour tenter en vain de sauver son père victime d’une crise cardiaque. Dom pensait être seul avec lui cette nuit-là, mais une inconnue a appelé les secours avant de quitter l’appartement. Pour Dom, déjà abandonné par sa mère, la mort de son père est un cataclysme. Comment trouver la force de grandir quand on perd ses parents ? Une lettre de condoléances énigmatique venue de l’étranger lui fait comprendre que ses parents ne lui avaient pas tout dit de leur vie. Avec courage et l’amour de son entourage, Dom décide d’aller au bout du monde en quête de vérité. Ce roman sur le deuil est raconté à la première personne. Dom en est le narrateur, tout comme cette inconnue avec qui son père était juste avant de mourir. Le suspense est entier. Qui est cette femme qui semble tout connaître de l’histoire de Dom ? Qu’est réellement devenue la mère de ce dernier ? Que faisaient autrefois ses parents en Argentine ? Et surtout, qui est cette fameuse sœur dont il est question dans une lettre de condoléances ? Autant de réponses que Dom doit trouver pour vivre son deuil. Le lecteur prend beaucoup de plaisir à suivre Dom dans ses recherches. Si le roman démarre un peu doucement, l’intérêt du lecteur augmente au fur et à mesure que l’intrigue se noue. De la Bretagne à la Patagonie, Lorraine Fouchet nous offre un moment d’évasion et d’émotion bien agréable.
Fouchet, Lorraine. - Tout ce que tu vas vivre. - H. d’Ormesson. - 331p. - 20€

« Raconter Vivan Maier, c’est raconter la vie invisible, d’une effacée » dit Gaëlle Josse. John Maloof, ancien agent immobilier rend célèbre la photographe Vivian Maier après sa mort. Ses photos parlent d’elle-même, ce sont des photos de rues, des visages qui reflètent la misère. C’est un roman sur l’exil, la maltraitance, la solitude, qui se lit d’une traite. Le lecteur éprouve de la tristesse à quitter ce personnage tellement ambivalent, c’est presque un mythe. La plume de Gaëlle Josse est d’une magnifique poésie, elle comble les manques de la vie de Vivian Maier. Le lecteur se précipitera pour voir les clichés de cette immense artiste.
Josse, Gaëlle. - Une femme à contre-jour. - Noir sur blanc, Notabilia. - 153p. - 14€

Roman épistolaire, présenté sous forme de correspondance. Un narrateur trouve un paquet de lettres et commence à les lire. Elles sont classées par année : il y a celles du Docteur qui était employé à la Compagnie universelle du canal de Suez et celles de Mrs Mia. En 1951, le médecin Stéphane rencontre Mia à la plage qui vient d’emménager au Caire avec sa famille et tombe éperdument amoureux d’elle. A partir de là commence une correspondance entre eux sur fond historique avec notamment en 1956, la nationalisation du canal de Suez. Très beau roman mêlant fiction et histoire à travers un voyage en Egypte et au Liban.
Khlat, Yasmine. - Egypte 51. - Elyzad. - 144p. - 16,50€

Ce roman inclassable déroule une histoire dont les apparences banales nous transportent dans des zones de plus en plus perturbantes. Il est question d'un lac, d'une maison identique à celle du narrateur qui apparaît sur la rive opposée, d'adolescents qui disparaissent et d'autres qui trouvent refuge dans un centre d'accueil, d'un jeune voisin tué, d'une ville écrasée par la chaleur, d'une épouse qui manque à l'appel, d'une fille de 16 ans qui se promène beaucoup, notamment avec celui qui a tué son frère jumeau, d'un père peureux (le narrateur) qui voudrait tout maîtriser. Hermann vit avec sa femme Soma et sa fille Sam de 16 ans dans un quartier résidentiel, où se dressent de belles villas. Il mène une vie familiale tranquille, qu'il veut à tout prix à protéger. Mais le jour où a lieu un tragique accident chez ses voisins, tout se dérègle. Il a alors des raisons de craindre pour la sécurité des siens, quand plusieurs camarades de sa fille disparaissent. Autour de lui, le monde semble devenir de plus en plus inquiétant. Le foyer pour adolescents dans lequel il travaille connaît des événements étranges… La narration à la première personne nous fait pénétrer dans les pensées de cet homme, qui sous un abord "normal", a en réalité quelques névroses. L’homme équilibré, le mari prévenant, le père aimant et complice de sa fille, qu’il couve sans doute trop se transforme en malade mental. On ressent la même impression de danger et de mystère et on est amené à se poser les mêmes questions : qui a construit une maison jumelle de l'autre côté du lac ? Pourquoi la police n'enquête-t-elle pas ? Petit à petit, on finit par comprendre qu'Hermann, incapable de faire face à ses angoisses, est en train de basculer dans l'irrationnel et tente de bâtir une existence parallèle où il pourrait tout contrôler. L'écriture est fluide, les pages défilent, le style direct permet de maintenir le lecteur sous une tension qui monte de manière inexorable. Ni réellement polar, ni réellement psychologique, ni réellement fantastique, ce roman où les apparences sont toujours trompeuses nous embarque dans une ambiance atypique, et la sensation d'avoir été mené en bateau ne quitte pas le lecteur une fois le livre refermé. Il faut se laisser emporter par cette lecture dont on ne sait jamais où elle va nous mener. C'est assez rare et original pour que vous ayez envie d'aller faire un tour du côté de ce lac où le rationnel et son contraire jouent une singulière partie. On plonge dans De l'autre côté du lac non pour se rafraîchir, mais pour s’immerger dans un monde étrange qui laisse perplexe…
Lapeyroux, Xavier. - De l’autre côté du lac. - A. Carrière. - 230 p. - 18 €

Suzanne, 40 ans, mère et épouse heureuse, découvre que son appartement a été cambriolé. Plus de peur que de mal à priori, mais lorsqu’elle découvre la disparition d’une boîte qui contenait son journal intime commencé l’année de ses 15 ans, Suzanne est bouleversée. Il contenait les souvenirs de sa folle histoire d’amour, vécue à la fin de son adolescence avec Antoine, un écrivain célèbre beaucoup plus âgé qu’elle. Ces carnets, jetés dans une poubelle par les cambrioleurs, sont ramassés par Martin, un jeune livreur de pizzas à la cadence de travail effrénée. Dans sa solitude et entre deux livraisons, Martin commence à lire le journal de Suzanne. Avec une grande délicatesse, l’auteur dresse le portrait de ces deux personnages dans une alternance de chapitres bien rythmée. En quoi la perte de ce journal pour l’un et sa découverte pour l’autre va changer leur existence et jusqu’où ? Avec pour bande son les chansons de Barbara, Jacques Higelin, Anne Sylvestre, l’auteur signe un roman doux-amer à l’intrigue bien menée. Un bon moment de lecture.
Lemp, Sophie. - Les miroirs de Suzanne. - Allary. - 182p. - 18€

Dans ce dernier tome de la trilogie « Reykjavik noir », Agla travaille dans la finance, accusée d'évasion de capitaux, elle a été emprisonnée et se languit d'amour pour Sonia qui l'a abandonnée. À bout, elle tente de se suicider. C'est le moment que choisit un industriel qui connaît son habileté et son flair, pour lui proposer une enquête sur le stockage de l'aluminium. Agla ne peut pas résister au challenge et choisit Maria, journaliste d'investigation complexée, qui est à l'origine de sa propre condamnation, pour aller sur le terrain. Apparaît alors dans la cellule voisine, une très jeune femme qui sort de désintoxication et essaie d'attirer son attention. Pendant ce temps, un adolescent amoureux prépare une action d'éclat pour séduire sa petite amie. Il est aussi le fils d'un homme d'affaires mafieux ennemi intime d'Agla. Alors que dans les deux premiers tomes, Piégée et Le filet, on suivait Sonia aux prises avec un trafiquant de drogue qui l’utilisait comme mule, ici c’est Agla, son amante et génie de la finance qui est l’héroïne principale de ce dernier volet. Même si j’ai été un peu déroutée de ne pas retrouver Sonia dès le début du roman, l’auteur nous montre en profondeur, des personnages plus fragiles, plus humains, moins antipathiques et en même temps déterminés dans leur quête de vérité. Les chapitres courts, très rythmés sont construits autour de chaque personnage (Agla, Maria la journaliste d’investigation, Anton l’adolescent désespéré) en alternance. C’est rapide et efficace. Ce roman a reçu le prix Blood Drop du meilleur roman policier islandais.
Lilja Sigurdardottir. - La cage (Reykjavik noir, vol. 3). - Métaillé. - Traduit de l’islandais. - 311p. - 20€

L’auteur, vingt ans après, revient sur la nuit qui a redonné la liberté à la RDA, dans un roman choral. A travers le prisme de plusieurs destinées, elle offre une palette de ce qu’ont vécu les Berlinois et l’avis des visiteurs comme Anna qui était venue pour rencontrer des éditeurs. Micha, fils d’un cadre de la Stasi, a essayé de fuir à la nage avec un ami. Il a été récupéré mais son ami s’est noyé. Il survit en apnée, en constante surveillance dans Berlin. Il y a Lorenz qui a été racheté avec sa mère par l’Ouest pour permettre à la Nomenklatura de la RDA de s’offrir des produits de luxe ! Il y a Gunther, le responsable proche de Gorbatchev qui fait tout pour marcher vers plus de liberté. Tout ce monde a entendu le 9 novembre 1989 au soir le responsable annoncer à la radio que la liberté de circulation était effective « so fort » à partir de maintenant ce qui a entraîné un immense mouvement vers l’Ouest avec passage libre et une sidération chez les politiques qui ont baissé les bras. C’est très vivant, varié, on passe d’un point de vue à un autre, en découvrant la vie quotidienne à Berlin. Aux personnages réels, il faut joindre Cassiel, l’ange des Ailes du désir de Wim Wenders, qui commente comme dans le film et ajoute une note poétique au souffle d’espérance soulevé par cette ouverture et prochaine réunification de ce pays. Roman original et réconfortant.
Mazières, Christine de. - Trois jours à Berlin. - S. Wespieser. - 192p. - 18€

Pas dupe revisite les clichés du polar psychologique avec une virtuosité malicieuse. Un triangle amoureux : la femme, le mari, Salvatore Meyer beaucoup plus âgé que son épouse et l’amant, Kowalski, agent d’assurance marié et père de famille. Tippi la femme (on visualise Tippi Heddren en héroïne hitchcockienne) est retrouvée morte dans sa voiture au fond d’un ravin. Accident ? Elle adorait la vitesse et était ivre morte. Malgré tout, l’inspecteur Costa en doute. Tenace, intrusif, obsédé par les détails, il manipule les suspects, tel un Columbo au sommet de sa forme. Bruce, le beau-père entrepreneur, patron de son gendre, autoritaire et possessif, a reporté sur sa fille un amour quasi incestueux. Le collier, symbole de cet attachement malsain, constitue le nœud de cette intrigue parfaitement maîtrisée. Rien ne manque, surtout pas la voisine fouineuse qui vit seule avec son chien (un lévrier) et passe son temps à espionner ce couple mal assorti. Gladys sera-t-elle victime de son voyeurisme ? Un régal, tant au niveau du style, de la psychologie des personnages que des références cinématographiques (la scène de la douche entre autres).
Ravey, Yves. - Pas dupe. - Minuit. - 139p. - 14,50€

Ne vous laissez pas tromper par cette image familiale sympathique, ce roman aurait pu s’intituler « les grandes désillusions » ! Dans la famille Brouillard, demandez la mère : bourgeoise hyper conformiste et aigrie. Demandez les jumeaux : Pierre, qui a repris l’affaire familiale par devoir et contrainte, puis épousé Isabelle enceinte et mal accueillie. Demandez Fabrice, le frère jumeau qui part vivre dans une communauté. N’oubliez pas Nicole, la sœur, petite fille très, trop vivante, devenue à l’adolescence une sorte de légume. Nous saurons pourquoi plus loin. Heureusement, la tante est un trésor de tendresse. Trajectoire d’une famille décadente de mai 68 à nos jours, comédie grinçante à laquelle la nouvelle génération essaie en vain d’échapper, rattrapée par la mondialisation, la grande finance et les dérèglements familiaux. On ne lâche pas cette chronique familiale, au style simple et à la construction chronologique avec des ellipses. Ce ton, un peu vieillot, donne plus de véracité à l’histoire. Rien n’est épargné de cet enfer familial, dont aucun n’arrive à s’extraire vraiment et qui cause des dégâts psychologiques irréversibles. On y retrouve des échos de la littérature des années 50, Hervé Bazin particulièrement.
Sers, Caroline. - Les belles espérances. - Buchet-Chastel. - 349p. - 18€

L’ours qui cache la forêt est un roman aux allures de conte moderne. Six chapitres, à la découverte de six femmes : Nancy, Daffy, Ruth, Mili, Haya et Zoey. Quels sont les liens entre elles ? La communauté israélienne, sa diaspora en Amérique, et ceux qui sont restés ou (re)partis en Eretz-Israël. Une histoire tragique liée à l’exil. Chacune de ces femmes arrive à un tournant de sa vie, est amenée à faire un choix. Leurs doutes, leur cheminement hasardeux, les amènent toutes à la Forêt, comme dans un conte. La Forêt devient un personnage, le symbole de l’errance. Ce livre est remarquable, tant par ses qualités de construction du récit que par ses qualités romanesques. Si chaque chapitre est la journée d’un personnage, les liens entre chacun d’eux, se dévoilent progressivement, ce qui rend le récit captivant. J’ai accroché à l’histoire de chacune de ces femmes et j’ai apprécié la finesse de la psychologie des personnages. Nul besoin d’apporter de véritable fin au roman : "Quand la journée commence, elles avaient toutes un passé et quand la journée s'achève, leurs vies se poursuivent." (Gilles Rozier, traducteur de L’ours qui cache la forêt et éditeur de l’Antilope). La lectrice que je suis, en sort décontenancée, mais a découvert un auteur au talent incontestable.
Shalita, Rachel. - L’ours qui cache la forêt. - L’antilope. - Traduit de l’hébreu. - 326p. - 22,50€

POUR
Emmanuelle vit dans un milieu huppé bordelais, avec son frère et sa sœur. Elle sait qu’elle a été adoptée bébé, mais n’a jamais cherché à en savoir plus : « Dans ma famille, ils sont grands, minces, cheveux blonds, yeux bleus. Je suis brune, petite, teint mat. Que voulez-vous savoir ? Comment j'ai été adoptée ? Si je l'ai toujours su ? Si j'ai envie de retrouver ma mère ? Non pas la moindre. Fin de l'hist. » A la suite de la perte de ses papiers, Emmanuelle doit obtenir un extrait d'acte de naissance pour refaire son passeport. Ce document va bouleverser sa vie, car elle découvre le nom de sa mère biologique et tout bascule ! A 30 ans, elle se lance avec frénésie dans la recherche de sa vraie mère colombienne. Plus rien ne compte pour la jeune femme, à part cette quête quasi obsessionnelle de retrouver une mère dont elle ne sait rien. Elle a tout à découvrir (en premier lieu le pays qui l'a vue naître), mais rien ne la décourage. Emmanuelle ne veut plus vivre dans le secret, le déni, elle veut connaître sa mère biologique. Elle veut comprendre pourquoi cette femme, sa mère l'a abandonnée. Elle dépense ses économies, parcourt la Colombie pour retrouver sa mère, allant dans des quartiers plus que dangereux, tiraillée entre espoir, désespoir, attentes, peur du rejet et désir de ne pas blesser ses parents tant aimés. Dur aussi de côtoyer la misère quand on a connu l'opulence, de passer d'une mère respectable à une mère prostituée, d'une mère pleine d'amour à une femme qui vous a abandonné et de savoir que l'on a été achetée. Qui est la « vraie » mère ? : celle qui donne la vie ou celle qui donne son amour et s'occupant de vous ? La jeune femme se cherche et se perd entre ses sentiments pour sa famille adoptive et sa vraie mère. Isabelle Spaak a écrit un livre captivant à partir de l'histoire vraie de Florence Billet. Dans un livre où la délicatesse, la sincérité, le bonheur côtoient la souffrance, la misère, les non-dits, elle raconte le cheminement identitaire d'Emmanuelle. Le découpage des chapitres donne au roman un très bon rythme, une histoire addictive qu'on dévore malgré la dure réalité à laquelle Emmanuelle se voit confrontée. Un roman très agréable à lire, une belle histoire sur le besoin de savoir d'où l'on vient, de chercher ses racines. Un superbe récit touchant, sobre, percutant, passionnant.

CONTRE
Emmanuelle vie dans une famille très aisée. Adoptée à l’âge de 18 mois, elle décide approchant la trentaine de retrouver sa mère biologique en Colombie. Il va alors se créer une rupture par rapport à sa vie d’avant. Elle qui a grandi dans une famille bourgeoise aux mœurs bien rangées, se confronte à la pauvreté, mais aussi à une réalité qui lui est totalement inconnue et qui lui échappe. Inspiré d’une histoire vraie : de la vie de l’artiste Florence Billet, le récit est intéressant, mais peut-être un peu trop rapide, laissant le lecteur sur sa faim. A mes yeux le roman aborde de manière un peu trop superficielle l’adoption, le retour aux racines, la quête de l’identité, la maternité… des thèmes pourtant très profonds. Le roman peut toutefois plaire à de jeunes lecteurs, car la lecture est facile et rapide.
Spaak, Isabelle. - Une mère, etc. - L’iconoclaste. - 187p. - 17€

Nadège Solignac, une jeune institutrice de 29 ans, croupit dans une cellule, en attendant son procès. Juillet 2018. Dans le Sud de la France, le corps de Fabien Bianchi, policier de 38 ans, est repêché dans sa piscine. Les secours ont été appelés par Nadège Solignac, une amie de la famille. Celle-ci déclare avoir rapporté une peluche à la fille du couple. Le père, sous l’emprise de l’alcool, lui aurait fait des avances. La lutte qui s’ensuivit aurait conduit à la mort du policier. L’enquête est ouverte. Le dossier de Nadège Solignac est vierge. C’est une bonne institutrice, aimée de ses élèves et très appréciée pour son professionnalisme par les parents. Du fond de sa cellule, Nadège Solignac se confie au lecteur. Âmes sensibles s’abstenir ! Notre institutrice est en réalité une froide meurtrière, une psychopathe qui assassine ses proies sans aucun remord. Si le lecteur connaît la fin de l’histoire, l’arrestation de Nadège Solignac, la confession de notre tueuse est glaçante mais passionnante. Vous ne lâcherez pas ce roman avant d’en avoir lu la dernière ligne. Suspense et rebondissements garantis dans ce très bon thriller psychologique ! Une belle découverte.
Tharreau, Estelle. - Mon ombre assassine. - Taurnada. - 258p. - 10€

Stockholm, 1628. Le jeune Izko est témoin du naufrage du Vasa, et la mort d’un homme traitreusement assassiné alors que son épouse accouche et, d’un geste menaçant, semble maudire le pieux basque. Rentré à Saint-Jean de Luz, Izko, qui ne rêve que de chasse à la baleine, se trouve embrigadé par un noble local pour devenir cartographe, et se mettre à espionner au service de Richelieu, la France et la religion. De la chaleur de Lisbonne à la Suède, en passant par la glace de Laponie, Olivier Truc nous fait voyager au côté de son héros au grand cœur dans un monde marqué par la guerre de Trente ans et l’intolérance religieuse. Roman historique très bien léché, il se mérite par sa taille et l’abondance des informations et des intrigues présentées, rendues parfois étouffantes par la masse des 600 pages du livre. Inscrit dans la tradition des grands romans historiques et du récit de voyage, Olivier Truc nous présente, jusqu’au rebondissement final, la vie aventureuse d’un jeune basque épris de découvertes, mais ferme dans son catholicisme. Marqué par la vision des tortures et massacres commis par les Suédois à l’encontre des lapons, les Indiens du nord de l’Europe, entre sorcellerie et questionnement sur l’âme humaine, Izko nous prend par la main dans son voyage.
Un très beau livre pour lequel il faut s’accrocher au départ avant de prendre un grand plaisir de lecture.
Truc, Olivier. - Le cartographe des Indes boréales. - Métailié. - 630p. -23€

Jan, dix ans, vit à Barcelone. Ses grands-parents emménagent chez lui et son grand-père vient le chercher tous les soirs à la sortie de l’école, avec son goûter. C’est un moment de grande complicité entre le jeune garçon et le vieil homme. Mais un jour, Papi oublie le goûter. Puis il vient en compagnie de Mamie. Jan comprend alors que son grand-père est malade. Commence pour l’enfant un long apprentissage afin d’aider son grand-père à conserver la mémoire. C’est un roman sur la mémoire, la transmission et le temps. Le récit, porté par la voix de l’enfant, est extrêmement symbolique et structuré en très courts chapitres. L’arbre est au cœur de l’histoire, emplissant les souvenirs du grand-père, symbolisant sa mémoire. Tina Vallès signe un roman émouvant, sur le lien, la perte, l’amour entre un grand-père et son petit-fils.
Vallès, Tina. - La mémoire de l’arbre. - P. Rey. - Traduit du catalan. - 225p. - 18,50€

Jeune femme solitaire de 30 ans, Julia, après avoir fini ses études et publié son premier livre, a finalement arrêté d’écrire et fait des ménages pour subsister. Elle pénètre dans l’intimité et la vie des personnes chez qui elle travaille, jusqu’à en perdre le contact avec sa propre réalité. Entre des relations conflictuelles avec ses parents et sa colocataire, une vie affective désastreuse depuis sa rupture avec Kamiel et une relation épistolaire troublante avec Marlène, Julia remplit le vide de son existence en se gavant d’antalgiques, de vin et de paquets de chips volés, tout en sombrant peu à peu dans le fantasme d’existences parallèles. Par l’intermédiaire de cette conscience malade, la réalité ne nous parvient plus que fracturée. Ce roman, au style percutant et aux réflexions aiguisées sur la société actuelle, plaira aux adultes et jeunes adultes. Chaque numéro de chapitre correspondant à une maison dans laquelle se rend Julia, la variation des atmosphères permet de ne jamais s’ennuyer et le lecteur se retrouve en position de voyeur fasciné et tenu en haleine jusqu’au bout par le regard de cette conscience problématique sur le monde qui l’entoure.
Van Koeveringe, Sytske. - C’est lundi aujourd’hui. - NIL. - Traduit du néerlandais. - 336p. - 20€

Jim, dentiste, père de deux enfants, divorcé et séparé, est au fond du gouffre et veut en finir. Il est envoyé, de son Alaska, en Californie au sein de sa famille (son frère, son ex-femme, ses enfants) pour qu’ils l’empêchent de passer à l’acte. Mais, comme un poisson qui sauterait sur la lune sans jamais retomber et disparaitrait dans le ciel, Jim est-il voué à une fin inexorable ? Un roman étonnant, où les scènes familiales pleines de violence contenue alternent avec des réflexions et des moments de rêve très poétiques. Excellente postface de l’auteur en hommage à sa traductrice française et à la France !
Vann, David. - Un poisson sur la lune. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 288 p. - 22,40 €