Commission Petits éditeurs de mars 2020

Commission Petits éditeurs BiB92 – Sélection mars du déconfinement 2020 !

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Jean Chozène, écrivain célèbre, misanthrope solitaire, recrute Baptiste, jeune imitateur, pour répondre au téléphone à sa place, et ainsi lui laisser le temps de terminer son roman. Baptiste, se goinfrant de plats industriels entre deux appels, va quant à lui devoir se battre avec un traducteur rebelle, un père colérique, une ex-femme collante et Husson, l’amant de la fille de Chozène dont il est tombé amoureux. Le joli style de l’auteur, l’originalité des images et des situations amènent de la fraîcheur et beaucoup d’humour, tout en proposant un portrait du milieu parisien de l’édition et d’une société surmédiatisée, souvent absurde. Le roman dresse un petit panorama de la presse à scandale, des réseaux sociaux et de la communication à outrance dans laquelle, paradoxalement, nous avons de plus en plus de mal à communiquer. Ironique sur les difficultés de la communication moderne, le roman a trait à la farce, au jeu d’acteurs, et derrière le mensonge est visible le théâtre des réseaux sociaux, où l'on se fait passer pour qui l'on n'est pas, où l'on exagère, invente, entre dans l'intimité d'autrui et dialogue avec des inconnus, sans se douter que le pire peut advenir.
Blanvillain, Luc. - Le répondeur. - Quidam. - 252 p. - 20 €

Premier roman traduit en français de Rune Christiansen, né en 1963. Fanny a 17 ans quand ses parents meurent dans un accident de voiture. Elle décide de rester dans la maison familiale au milieu de la forêt. L’auteur nous narre le quotidien de Fanny, son incroyable osmose avec la forêt norvégienne omniprésente, « personnage » majeur de ce roman. Fanny vit et survit au jour le jour, elle a peu de contacts avec les autres, se rend ou non au lycée, selon son humeur. Elle est parfois chancelante au bord du désespoir, mais son rapport à la nature, son imagination débordante, certaines rencontres et surtout une en particulier lui permettront d’entrevoir un futur possible. Ce roman sans pathos, écrit à la troisième personne, à l’écriture poétique -l’auteur est surtout connu pour ses poèmes- nous entraîne dans l’âpreté des paysages du Nord entre réalisme et onirisme. Ce livre est l’histoire d’un deuil mais aussi d’une (re) naissance, c’est un livre que l’on ressent. J’ai aimé ce livre tout en retenue.
Christiansen, Rune. - Fanny et le mystère de la forêt en deuil. - Noir sur blanc. - Traduit du norvégien. - 233p. - 19€

Dans ce thriller assez anxiogène, l’enquêteur est lui-même un auteur de thrillers à succès, impliqué malgré lui dans un enlèvement au sein d’une famille qui a beaucoup de secrets à cacher. Commence alors pour lui une course contre la montre pour retrouver la jeune femme enlevée, elle-même très étrange, réalisatrice de films undergrounds très violents, dont le dernier aurait poussé au suicide ou rendu fou ceux qui l’auraient visionné. Pourquoi a-t-il été choisi par le kidnappeur ? Aurait-il un lien avec toute cette affaire ? L’intérêt de cette histoire réside dans son originalité : des révélations déroutantes jusqu’au bout ; un récit complexe et bien structuré, entrecoupé d’extraits du journal intime de la “victime”. Un bon thriller : beaucoup de personnages à suivre en même temps, pas mal de perversité et de violence que reflète bien l’illustration de couverture. Ames sensibles s’abstenir, mais pour un premier roman, c’est une réussite ! Seul bémol : le français est parfois aléatoire, et aurait mérité une relecture plus approfondie.
Faredes, John. - Le neuvième fragment. - Nouvelles plumes. - 447p. - 19€

Claire Cassidy, la quarantaine, divorcée, est professeur d’anglais et anime des ateliers d’écriture. Elle vit avec Georgia, sa fille et Herbert, son chien. Dans l’une des annexes du lycée où elle enseigne, existe encore le bureau de R. M. Holland, auteur du célèbre roman gothique L’inconnu. Claire souhaite d’ailleurs écrire une biographie sur son mystérieux auteur. Les élèves murmurent que l’endroit serait hanté par le fantôme d’Alice, sa femme. La vie de l’enseignante est complètement bouleversée quand elle apprend qu’Ella, sa collègue et meilleure amie, a été retrouvée sans vie chez elle, lardée de coups de couteaux. En reportant les faits dans son journal intime, Claire découvre qu’un inconnu lui a laissé un message. La lieutenante Harbinder Kaur est chargée d’enquêter sur l’assassinat. Elle connaît l’école car c’est une ancienne élève. Le journal de Claire Cassidy est un roman choral à trois voix : Claire, Harbinder et Georgia racontent l’histoire et donnent leur point de vue sur le déroulé des événements. Leur style est simple et se lit facilement. Il s’oppose à la nouvelle L’inconnu, dont l’écriture est beaucoup plus riche et fouillée et qui est dévoilée au fur-et-à-mesure de l’avancement de l’enquête. Je n’ai pas trouvé que c’était le « triller de l’année », comme l’affirme The Times sur la couverture, mais j’ai passé un bon moment en le lisant. Un roman distrayant, facile à lire et à recommander. Il a remporté le PRIX DOUGLAS KENNEDY 2020.
Griffiths, Elly. - Le journal de Claire Cassidy. - Hugo. - Traduit de l’anglais. - 443p. - 20€

L’histoire démarre à la prison de Bamako. Le consul général de France au Mali visite un détenu, Gabriel Milan, et lui annonce la mort de son compagnon Damien. Gabriel Milan, dit aussi Le Messager, est un mercenaire, à qui l’Etat français fait appel pour liquider des cibles gênantes. Un ultime contrat lui est confié ; la cible : un des leaders d’Al-Qaïda ; mais l’affaire tourne mal. De retour en France, Le Messager a une nouvelle mission : tuer Marc Andrieu, un fonctionnaire de police à la recherche de sa fille disparue, Eva. Laurent Guillaume nous offre un thriller noir où se mêle criminalité et complot politique. Consultant international en lutte contre le crime organisé, ses expériences au sein de la police donnent une tonalité particulièrement réaliste à ses romans. La narration alterne entre les différentes intrigues. On suit une histoire, puis une autre pour y revenir quelques chapitres plus tard ; le temps pour le lecteur de chercher le lien et de se laisser surprendre, d’un rebondissement à l’autre.
Guillaume, Laurent. - Doux comme la mort. - La manufacture des livres. - 392p. - 20€

Le roman est inspiré d’une « sanglante agression dans un hôtel de Saint Flour » en 2011. A l'hôtel face à la gare de Nancy, une jeune femme et un homme plus âgé sont nus, vivants, mais couverts de sang. Lui a été victime d'une cinquantaine de coups de couteau. Il est médecin anesthésiste ; elle, étudiante en médecine. Que s'est-il passé ? Sophie Loubière invente à partir d’un fait divers réel. En 1979, Thierry découvre sa petite sœur et la déteste aussitôt… En grandissant, Laurence devient son souffre-douleur. En souffrance permanente, elle se gave pour combler le vide. Elle voue une adoration à son père. Les parents sont infirmiers psychiatriques dans le Cantal. Ils ignorent les mauvais traitements que Laurence subit. Un jour, le père est arrêté, et a l’interdiction de revoir ses enfants. La mère perd pied et refuse que sa fille voie un psy. Pour s’en sortir, Laurence deviendra championne olympique de lancer de marteau. A l’âge adulte, son frère Thierry continue à la persécuter. Les enfants habitent toujours dans la demeure familiale, jusqu’au moment où la mère et son fils ont un accident de voiture. Devenue croupière au casino, elle décide de prendre son destin en main. Elle rencontre un médecin et sa vie bascule. Ce roman très noir nous entraîne au plus profond des traumatismes de Laurence. Ce personnage central est en fait fort, car malgré tout ce qu'elle subit, elle réussit à se relever. Même si on sait comment l’histoire va se terminer, c’est un bon suspense aux révélations finales inattendues. L'auteur nous manipule et brouille les pistes. Elle parle des relations familiales, fraternelles, de manipulation. Il y a les intermèdes en italique, avec la voix de Laurence. Les différentes parties sont précédées de la reproduction d’une carte à jouer et de sa signification. PRIX LANDERNAEAU POLAR
Loubière, Sophie. - Cinq cartes brûlées. - Fleuve noir. - 343p. - 20€

En 1921, à Bombay, Perveen, première avocate indienne, travaille pour le cabinet Mistry auprès de son père. Ils sont Parsis et font partie de la communauté des Zoroastriens. Elle s’investit totalement dans son travail pour oublier le passé. Quand un meurtre est commis dans la propriété d'un riche marchand musulman du textile, le cabinet est chargé de l’affaire. Perveen est la seule à pouvoir enquêter, car les témoins vivent dans une partie de la maison interdite aux hommes. Omar Farid laisse trois veuves qui semblent renoncer à leurs biens pour en faire don. Perveen trouve cela inquiétant, car les veuves se retrouveront sans ressources. En s’entretenant avec les trois bégums, la jeune avocate découvre leurs secrets, leur différence de traitement et leur ignorance de la situation. Mumtaz, illettrée, ne sait même pas ce qu’on lui a fait signer. Mr Mukri profite de son ascendant sur les femmes pour les abuser et les terroriser. L’avocate doit connaître la situation réelle et agir avec doigté. En parallèle de cette enquête, on découvre l’histoire de Perveen en 1916 pour expliquer les blessures de son passé : la jeune fille, appartenant à une famille très moderne, étudie à la faculté de droit. Mais persécutée par les étudiants et professeurs, elle doit renoncer. Elle tombe amoureuse du beau Cyrus Sodawalla, et parvient à l’épouser, mais leur bonheur sera de courte durée... Roman alliant suspense et rebondissements, couleur locale, jolies descriptions très visuelles des lieux ou des plats, on s’y croirait. Les veuves de Malabar Hill est un roman très prenant qui nous transporte dans le Bombay du début des 1920’s à la découverte de la ville et de la pratique du purdah. Un polar à découvrir sans tarder.
Massey, Sujata. - Les veuves de Malabar Hill : une aventure de Perveen Mistry. - Charleston. - Traduit de l’anglais (Inde). - 494p. - 22,50€

A la mort de leur grand-mère qui les élevait, Daniel et sa sœur Cathy suivent leur père dans le Yorkshire, la région d'origine de leur mère. Là, ils vont vivre dans la forêt en marge de la société, construisant leur maison, chassant, pêchant et cultivant leurs propres légumes, jusqu’au jour où ils sont menacés d'expulsion par un important propriétaire terrien. Leur père, boxeur clandestin et champion invaincu décide alors de ne pas se laisser faire. La narration est faite par le garçon de 15 ans, être délicat, sensible et à l’écoute de la nature, contrairement à sa sœur plus âgée, existant seulement pour elle et sa famille. Une menace sourde et grandissante va bientôt modifier l’harmonie qui régnait au sein de la famille, ainsi que la vie bucolique et solitaire qu’ils menaient. Ce premier roman passionnant s’apparente à un conte cruel et moderne où s’affrontent ce qu’il y a de plus beau, mais aussi de plus destructeur dans la nature humaine. A conseiller !
Mozley, Fiona. - Elmet. - J. Losfeld. - Traduit de l’anglais. - 236p. - 19€

En Espagne, sur la terrasse d’un hôtel chic de Valence, Claire, en vacances avec son mari et ses enfants, assiste médusée au suicide d’une femme qui se précipite dans le vide. Clouée sur son transat, elle est incapable de lui venir en aide et d’empêcher le fatal plongeon. Le mari barbotte dans la piscine, les enfants aussi, Claire se noie dans son silence. C’est sur cet épisode oscillant entre traumatisme et culpabilité que s’ouvre ce premier roman. Ça s’annonce mal dès le début on le sait, et pourtant... cet ouvrage baigné dans son atmosphère pesante est une vraie réussite. L’alternance de deux points de vue féminins, celui de la mère et de la fille, est un efficace et superbe dialogue en écho. Cependant, lorsque Laure s’adresse directement à sa mère dans l’hommage et l’intimité, les chapitres concernant Claire ne sont écrits qu’au point de vue omniscient et soulignent ainsi son mutisme et son éloignement, son retrait à l’intérieur d’elle-même. Nous avons affaire ici à une écriture de la sensation, marquée de pesanteur à bien des égards : l’immobilité et le mutisme de Claire au regard du suicide de cette femme, la pesanteur de sa relation de couple, celle du corps qui lâche et s’évanouit, celle enfin, du soleil. L’impression de moiteur ponctue également le récit : la moiteur des corps qui s’étreignent et de ceux qui courent, celle des lieux brûlants de l’été, des rues asséchées et asséchantes de Valence. Tout échappe un peu dans ce roman, tout se dérobe : l’identité de la femme, les vacances, Claire à sa famille, son propre corps à elle-même… mais le récit est très fin, sensible et palpable. À quand le prochain roman ?
Perreault, Annie. - Valencia Palace. - Le Nouvel Attila. - 224 p. - 18€

Une jeune femme doit déménager et trie toutes ses affaires. Le Loing coule en bas du jardin. Elle a 40 ans, ses enfants sont grands. Adrienne rencontre François, professeur de violoncelle au Havre. Une relation s’installe entre eux. Ils se promènent sur la petite ceinture. Le musicien se confie à elle, alors qu’elle tait la séparation qui a entrainé son déménagement. C’est plus un récit du temps intérieur qu’un roman d’amour. Adrienne et François vivent chacun de leur côté et se retrouvent régulièrement. Chacun a parcouru un lieu, le choisit pour leur prochaine rencontre. La femme souffre de l’absence de son amant, et voudrait qu’il soit à ses côtés. Une histoire sensible.
Piégay, Nathalie. - La petite ceinture. - Rocher. - 235p. - 18€

City of Windows suit les investigations de Lucas Page lancé sur les traces d’un serial sniper qui s’en prend aux forces de l’ordre. Épaulé par l’agent Whitaker, cet ancien agent du FBI Asperger reconverti en universitaire, met son talent à décrypter les scènes de crime afin de démasquer ce tueur invisible. C’est un roman contemporain ancré dans son époque. Il décrit avec justesse la société américaine marquée par la montée des extrêmes et où l’insécurité est permanente. Dès le premier chapitre, l’atmosphère est fantomatique : la neige paralyse la ville, les piétons ont déserté les trottoirs et un assassinat est commis sans laisser de témoins. City of Windows est un véritable page turner ! Les cliffhanger (fin ouverte destinée à créer une forte attente) de fin de chapitre rythment la narration et ne laissent aucun temps mort au récit. Le point de vue omniscient permet de tout voir et de tout entendre sans forcément tout dévoiler des événements. Le mystère s'épaissit à mesure que la liste des victimes s’allonge. Robert Pobi offre une enquête longue et semée d’embûche où les indices sont rares et précieux. Plongez sans hésiter dans la fraîcheur de l’hiver, en compagnie de l’universitaire Lucas Page et de l’agent Whitaker. Tous les ingrédients sont réunis pour un bon polar. À lire sans modération !
Pobi, Robert. - City of Windows. - Les Arènes. - Traduit de l’anglais. - 512p. - 20€

En 1674, Pontus est défiguré par un nez hors du commun, mais a capacités olfactives hors norme. Le garçon est stupéfait de sentir autant d’odeurs différentes et infimes, indiscernables pour les autres. Il monte à pied à Paris en 1679. François Desgrez, fin limier de La Reynie, lieutenant général de la police, stupéfait par son talent sidérant, l’embauche. Le major, admiratif de son don, s’attache au jeune homme et le prend sous son aile. Desgrez et Pontus parviendront-ils à démasquer les empoisonneurs avant leur crime ? Les capacités de Pontus lui permettent de confondre les empoisonneurs, de déjouer des assassinats et de devenir rapidement célèbre. Nous suivons l’ascension de Pontus de son adolescence à l'âge adulte avec intérêt. Ce personnage hors du commun, passera d'une vie misérable au luxe de la cour de Louis XIV. Le roi souhaite rencontrer le phénomène et lui pose des devinettes. Mais les opposants à la monarchie n’apprécient guère cette recrue, affirmant que c’est une fable. Devant son succès à la Cour, le gueux malbâti devient dangereux… En pleine affaire des Poisons, Pontus est une menace et risque sa vie face à des gens prêts à tout. Roman mêlant fiction et réalité, très vivant, bien campé dans ce XVIIe siècle, qui nous plonge au cœur de l’Affaire des poisons. Cette histoire nous emporte dans les secrets de Versailles, dans une affaire qui a ébranlé la royauté et entraîné la chute de centaines de personnes, dont des proches de Louis XIV. L'auteur a réussi à créer un personnage imaginaire en nous donnant l'impression qu'il a existé. Si vous aimez l'Histoire, n'hésitez pas !
Rodhain, Claude. - Le parfum des poisons. - City. - 278p. - 18,50€

Franck Thomas est persuadé d’être le nouveau génie du monde littéraire français. Après un premier roman au succès plutôt confidentiel, il a enfin écrit son chef d’œuvre, Père Goriot exorciste. Surprise : son éditeur refuse tout net son nouveau manuscrit ! Qu’à cela ne tienne, notre auteur se drape dans sa dignité et cherche un nouvel éditeur, mais contrairement à ses attentes, le tapis rouge ne se déroule pas sous ses pieds… Cela faisait bien longtemps qu’un roman ne m’avait fait autant rire ! Franck Thomas signe un petit OVNI avec une bonne dose d’humour, d’autodérision et de fantaisie. Il joue avec le duo traditionnel auteur-lecteur, ce qui peut déstabiliser dans un premier temps, mais apporte une vraie originalité. Le monde du livre et en particulier de l’édition y est épinglé sans pitié. La scène du salon du Livre de Paris est particulièrement savoureuse… Heureusement, ce roman ne s’adresse pas seulement aux personnes du milieu. Les aventures de notre auteur à l’ego surdimensionné s’enchaînent dans un rythme effréné et toujours avec le bon mot. J’ai une petite préférence pour la première moitié de l’histoire mais vraiment, je chipote. Un petit roman original, drôle et abracadabrantesque !
Thomas, Franck. - L’amour à la page. - Aux forges du Vulcain. - 217p. - 18€

Au collège de Stains, Fatima ose porter plainte après un viol. Elle dénonce sept élèves. Les faits sont à peine mentionnés. Le principal collabore avec la police pour arrêter tous les suspects en même temps. Mais le roman ne s'attarde pas sur les violeurs. C'est sur les proches, la famille, les enseignants, le principal, les surveillants et la CPE que se concentre l'auteur. La vie continue à l’école, on suit la CPE, les cours de français. Gabrielle Tuloup insère bulletin de note, rapport d’incident, compte rendu de réunion. Au-delà du fait divers, elle décrit une atmosphère de plus en plus pesante, les rumeurs, la suspicion qui se répand. Après la sidération, cette affaire ravive les souvenirs d’Emma, professeur de français et rouvre une plaie qui n'était pas vraiment cicatrisée. A travers ce drame, elle part à la rencontre de ces propres fantômes. L’auteur possède une écriture poétique et douce, qui donne encore plus de poids aux mots. Un texte sensible qui se lit d’une traite et ne peut laisser indifférent.
Tuloup, Gabrielle. - Sauf que c’étaient des enfants. - P. Rey. - 169p. - 16€

Un polar d’actualité qui se situe au cœur de l’Australie. Archibald Anderson est un jeune représentant des forces de l’ordre, frais émoulu de l’Académie de police. Il est affecté au Bureau des personnes disparues et sa première mission se situe bien loin de Perth. Il doit enquêter sur la disparition d’une, puis de quatre aborigènes dans les Goldfields Espérance. C’est la plus grande région d’Australie, semi-aride, elle ne compte que 59.000 habitants. Les tribus aborigènes y habitent et possèdent des territoires. Des mercenaires censés protéger une équipe scientifique spécialisée dans l’environnement exacerbent les tensions entre communautés. Dans quel but ? Archie l’apprendra à ses dépens. Son amour naissant pour la belle Barbara qui tente de promouvoir la culture aborigène en se heurtant au racisme de la population et d’une partie des autorités lui permettra de mieux cerner les enjeux de cette guerre larvée. Très bien documenté, ce roman engagé utilise la trame classique du polar noir pour nous sensibiliser à une réalité méconnue. L’auteur sait quand il le faut relancer l’action pour équilibrer peinture sociale et intérêt romanesque.
Vatinel, Pascal. - Le chant des galahs. - L’Aube, Noire. - 390p. - 20 €

Dès que Sara Kemp arrive à Londres en 1768, une inconnue l’embauche comme domestique, mais elle s’aperçoit qu’elle est en réalité dans un bordel ! Puis, la jeune fille devient la femme de chambre d’Esther Thorel. Son mari est un des meilleurs maîtres soyeux huguenots, dont un métier à tisser se trouve dans le grenier. Le couple vit sous le même toit, mais en parfaits étrangers. Depuis toujours, Esther rêve de créer des motifs pour ses soieries, mais une femme doit s’occuper du foyer. Par contre, un employé accepte d’adapter un de ses dessins pour en faire une soierie. Esther apprend les bases du métier, en se rapprochant de plus en plus du compagnon de son mari... Ce récit alterne entre les deux personnages principaux. Portrait de femmes rivales, dans toute leur complexité, de condition sociale différente, qui chacune veut connaître les secrets de l’autre. Sara est un personnage complexe, ingrat, rebelle et révolté. Pourtant, Esther soupçonnant que sa femme de chambre est enceinte, cherche à faire adopter le bébé. Esther et Sara s'aideront autant qu'elles se feront du mal. Ces femmes ont chacune leurs faiblesses, qui les rendent touchantes, leur naïveté les dessert. Derrière les apparences, elles sont fortes et résisteront. C’est en dépassant les préjugés et en s'unissant face à l'adversité qu'elles parviendront à se réaliser en tant qu'artiste, femme ou mère, conquérant ainsi leur indépendance. L’épouse servile réussira à s’imposer. Les descriptions détaillées des métiers à tisser, tireurs de lacs, navettes et fils de chaîne nous font pénétrer dans un monde méconnu. On découvre qu’avec la concurrence des indiennes moins chères, la vente de la soie devient aléatoire. La révolte gronde contre les maîtres, car les ouvriers sont mal payés. Premier roman fluide et captivant qui plaira à un large lectorat, mêlant secrets, amour, trahisons, et rebondissements. C'est un roman dépaysant, tragique et touchant. Inspiré de la plus importante dessinatrice des soies de Spitafields au milieu du XVIIIe siècle.
Velton, Sonia. - Le bruit de la soie. - Préludes. - Traduit de l’anglais. - 448p. -19€