Sélection Petits éditeurs - été 2018

Commission Petits éditeurs BiB92 – Sélection été 2018

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Le narrateur, Brice, 43 ans, comptable célibataire, est totalement effondré à la mort de sa mère, "à la dérive".
Nuray l'infirmière, le soutient dans sa peine. Il a été élevé par elle, sans connaître son père. Il a appris qu'il est né d'un viol, sa mère n'a jamais "refait" sa vie. Brice rencontre Naïma, une bibliothécaire dans un square et confie sa peine à cette inconnue qui, elle, a été traumatisée par son mari. Ils se revoient et deviennent amis et il se met à lire. Brice s'adresse à sa mère en évoquant leur relation.
Il est attiré par Albina, prostituée de l'Est, qui le déteste et qui a affaire avec son bureau. Le collègue de Brice essaie de le faire chanter, mais il parviendra à aider la jeune femme.
Beau roman tendre, délicat et émouvant sur les relations fils/mère et qui nous fait croiser le destin de trois femmes malheureuses avec les hommes. Brice veut aider ces deux femmes à retrouver confiance en elles, goût à la vie et à l'amour, peut-être en souvenir de sa mère.
L’auteur se distingue par une analyse subtile et pleine d'humanité des sentiments.
Jolie couverture pleine de poésie et d'espoir.
Andriat, Frank. - Ta mort comme une aurore. - Renaissance du livre 160p. - 17€

Comme dans ses précédents ouvrages, l’auteur nous place au cœur de la jeunesse de l’Italie du nord, confrontée à la pauvreté, la drogue, les familles désunies et l’absence de perspective pour les jeunes.
Adele, 17 ans, attend un enfant de Manu qui, apparemment, s’en moque. Sa mère, qui a vécu la même chose, est furieuse. Zéno, un copain du lycée, qui observait Adele de sa fenêtre avec vue sur tous les appartements de la barre d’immeubles de la cité des Lombriconi, veut l’aider.
Dora et Fabio essaient désespérément d’avoir un enfant et ont épuisé toutes les techniques médicales. Ils se tournent vers l’adoption et se voient proposer des enfants violés ou traumatisés !
Entourée de sœurs et d’amies, plutôt hystériques que bonnes conseillères, encombrée d’un père qui sort de prison, Adele ne sait pas que faire de ce futur bébé auquel elle s’attache.
Nous sommes au cœur d’une société où la gloire est de faire des affaires avec la mafia, où les femmes ont du mal à faire entendre leur voix et les hommes qui crient, frappent et boivent sont, aussi, un peu, les victimes du milieu social.
De nombreux sujets sociétaux sont abordés avec talent, sans solution, reste un questionnement : que faire pour s’en sortir ?
Avallone, Silvia. - La vie parfaite. - L. Lévi. - Traduit de l’italien. - 400p. - 22€

En 1970, au Vietnam, le soldat James Hawkins découvre, en sortant du coma, que sa blessure à la tête lui permet, pendant son sommeil, de circuler dans les rêves des autres. Un an plus tard, Nate Irving, qui a servi avec lui, le contacte pour le compte de la CIA. Au sein du projet Les limbes, James découvre qu'il peut aussi manipuler les rêves.
Ce premier roman est construit pour que le lecteur soit piégé. L’atmosphère est pesante et angoissante dès le début. Nous sommes plongés au cœur de la guerre du Vietnam. Puis, est évoqué le retour à la vie normale de ces jeunes soldats qui ont vécu tant d’horreurs, ce qui n’est pas courant en littérature.
La seconde partie est consacrée au projet Limbes, qui a sans doute existé sous d’autres formes. On y voit de curieuses réminiscences d’un passé « nazillon », les recherches ésotériques du IIIe Reich confiées à un vieux chercheur allemand qui émarge à la CIA.
Ce livre est bien construit ; toutefois, il convient de préciser qu’il y a beaucoup de descriptions, dont certaines sont au bord de l’insoutenable ! Ames sensibles s’abstenir !
PRIX MÉDITERRANÉE POLAR DU PREMIER ROMAN.
Bal, Olivier. - Les limbes. - De Saxus, Thriller. - 402p. - 20€

Guy, Emily et Eric sont des agents d’un genre très spécial. En formation pour une organisation invisible aux yeux des humains, leur mission est de provoquer des coïncidences, pour ré-enchanter la vie des gens (histoires d’amour, réunions de famille, émergences de talent, découvertes scientifiques,…).
Ces trois agents sont très investis dans leur travail. Guy est consciencieux, mais enfermé dans une routine quotidienne. Il reste prisonnier de l’amour qu’il a éprouvé pour Cassandra, une femme qui a disparu de sa vie quelques années plus tôt. Emily est secrètement amoureuse de Guy, mais n’ose faire le premier pas. Lorsque Guy reçoit pour mission d’aider un mystérieux tueur à gages, sa vie s’en trouve complétement bouleversée. Il doit remettre en question son emploi au sein de La fabrique des coïncidences et faire des choix qui pourraient bien modifier le cours de son destin.
La fabrique des coïncidences est un roman agréable. L’histoire est bien construite, avec des chapitres courts et une écriture maîtrisée. Les personnages sont attachants. Si leur passé peut sembler flou au départ, l’auteur distille au fur et à mesure du récit des informations qui donneront une profondeur aux personnalités de Guy et d’Emily, et qui ne manqueront pas de surprendre le lecteur.
Un livre qui le fera réfléchir sur les singularités qui peuvent faire basculer le destin de chacun d’entre nous.
Blum, Yoav. - La fabrique des coïncidences. - Delcourt. - Traduit de l’hébreu. - 284p. - 20,50€

« Seuls les enfants savent aimer. Seuls les enfants aperçoivent l'amour au loin, qui arrive de toute sa lenteur, de toute sa douceur, pour venir nous consumer. Seuls les enfants embrassent le désespoir vertigineux de la solitude quand l'amour s'en va. Seuls les enfants meurent d'amour. Seuls les enfants jouent leur cœur à chaque instant, à chaque souffle. À chaque seconde le cœur d'un enfant explose. » (p. 65).
Le lecteur retrouve son âme d’enfant à travers le narrateur Bruno. Celui-ci est âgé de six ans quand il perd sa mère. Ses repères sont ses grands-parents, son ami Alec, son grand amour Carol.
C’est un roman sur le manque, l’absence, un roman à recommander d’urgence !!! Un écrivain est né et un style d’écriture d’une admirable poésie, comparable à Howard Butten avec son célèbre roman Quand j’avais cinq ans je m’ai tué.
Cali. - Seuls les enfants savent aimer. - Le Cherche Midi. - 190p. - 18€

Un homme est retrouvé mort dans l'abri de jardin des Barlow, il a été aspergé d'essence et brûlé vif. Le corps est difficilement identifiable, il semblerait que ce soit celui de l'homme qui squattait cet abri, un travailleur immigré estonien. Un homme qui, comme tant de ses compatriotes, est arrivé en Angleterre à la recherche d'un travail et d'une vie meilleure. Mais beaucoup voient d'un mauvais œil l'arrivée de ces travailleurs étrangers en pleine période de crise économique.
Deux policiers, Zigic et sa partenaire Ferreira, mènent l'enquête et sont confrontés à un milieu où la main d'œuvre est tellement exploitée, les ouvriers tellement maltraités et escroqués qu'il n'est pas exagéré de parler de réseau esclavagiste. Après avoir subi les passeurs et les marchands de sommeil, ils sont maintenant à la merci d'escrocs de la pire espèce.
Ce polar social et militant nous embarque dans une Grande-Bretagne multiculturelle et brouille les pistes avec savoir-faire, en nous donnant aussi l'impression de plonger en pleine enquête journalistique. L’auteur évite le manichéisme, façonnant des personnages complexes, tels les enquêteurs, issus eux-mêmes de l'émigration. Le contexte sur fond d'immigration et de racisme est très bien restitué et le dénouement est surprenant.
Ce livre a obtenu le GRAND PRIX DES LECTRICES ELLE CATÉGORIE POLAR.
Dolan, Eva. - Les chemins de la haine. - L. Levi. - Traduit de l’anglais. - 448p. - 22€

Une jeune Italienne, Chiara, apprend par sa marraine, que son père, mort accidentellement juste avant sa naissance n'est peut-être pas son père biologique, sa mère ayant eu une relation d'un soir avec un marin français juste après le décès de son mari.
Chiara décide alors de percer le mystère de sa naissance et part, direction l'île de Groix. Sur le bateau, elle rencontre Gabin, prête-plume venant chercher sur l'île des informations pour son prochain livre.
En parallèle, le roman nous raconte l'histoire de Charles, jeune orphelin privé bien trop jeune d'une mère aimée, et recueilli par un frère qui s'occupe tant bien que mal de lui.
La plume toujours fluide, Lorraine Fouchet aborde la question du rôle des parents. Quel est leur rôle dans la vie de leurs enfants ?
Toujours beaucoup de chaleur humaine et de tendresse dans ses romans.
Fouchet, Lorraine. - Poste restante à Locmaria. - H. d’Ormesson. - 377p. - 21€

Maddy a la petite vingtaine et vit dans le Wyoming au milieu des pêcheurs et passeurs de rivière. D’habitude, elle préfère les garçons plus âgés qu’elle. Mais elle rencontre Dalton, « Dalt », et c’est le coup de foudre. Maddy quitte son petit ami pour épouser Dalt et tous deux partent fonder leur entreprise de rafting dans l’Oregon. Ils veulent vivre de passion et d’aventure. Pourtant, la maladie frappe soudain Maddy et la cloue dans un fauteuil roulant.
Au départ, l’écriture semble un peu abrupte. Mais l’histoire d’amour de Maddy et Dalt est vraiment touchante.
Fromm, Pete. - Mon désir le plus ardent. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 283p. - 23€

Des ailes au loin relate une histoire à la fois personnelle et universelle.
De mère en fille, quatre voix de femmes libano-palestiniennes racontent leur exil, des années 1930 à la fin du siècle.
Depuis la Palestine, où Naïma est née, jusqu'aux alentours de Genève où Lila grandit, quatre générations de femmes, chacune au caractère bien trempé, prennent la parole pour se raconter, entre mariages arrangés et velléité d'émancipation.
Tour à tour, chaque personnage raconte son attachement au pays des origines, le Liban, pays déchiré depuis 40 ans par les guerres et les rivalités avec les frontières voisines.
Malgré tout, l’optimisme et l’humour ponctuent ce beau récit d’un auteur très prometteur.
Premier roman de l’auteur d’origine libano-palestinienne, contant l’exil et glorifiant les femmes libres.
Hilal, Jadd. - Des ailes au loin. - Elyzad. - 168p. - 18,50€

Tommaso Mac Donnell, archéologue spécialisé en plongée sous-marine est contacté par Mika, un ancien ami, maire de Kotka, une petite ville finlandaise, pour évaluer un projet d’implantation d’éoliennes.
L’archéologue accepte cette mission. Il espère donner une nouvelle impulsion à sa vie, fuir les fantômes de son passé et aider son vieil ami. Le projet semble simple de premier abord, mais les choses se compliquent très vite : en plus du mouvement écologique, fermement opposé aux éoliennes, la zone d’implantation est située au croisement des eaux territoriales russes, suédoises et finlandaises. Une zone qui abrite de nombreuses épaves et qui pourrait receler de secrets... Entre les écologistes menaçants, les financiers douteux, les espions russes et les tentatives d’assassinats, Tommaso Mac Donnell aura fort à faire. Il n’est pas au bout de ses surprises !
Denis Lépée connaît bien son sujet : la géopolitique, la politique, les montages financiers, l’archéologie sous-marine, l’Histoire, la Finlande. Il décrit d’ailleurs si bien ce pays, son climat, ses mentalités, sa culture, que le lecteur a envie de visiter cette terre pleine de paradoxes. Autour de son héros aventurier, il a réuni tous les ingrédients qui font de son roman un bon polar. Sa plume est maîtrisée. Son personnage a une réelle profondeur, mais surtout, il entraîne le lecteur dans un thriller aussi sombre que les eaux glacées de la Baltique.
Un livre que l’on n’a pas envie de lâcher avant de connaître le dénouement final.
Lépée, Denis. - Les engloutis. - L’Observatoire. - 391p. - 20€

Sonja est contrainte de transporter des valises de drogue pour pouvoir continuer à voir Tómas, son petit garçon. Il faut lui reconnaître un vrai talent de passeuse, elle est aidée par un complice à la douane de Keflavik. Mais elle rêve de fuir les chantages affectifs : celui de son ex-mari, celui de sa compagne, l'ex-banquière à l'amour encombrant, impliquée dans une importante fraude financière avec des capitaux douteux…
De courts chapitres se succèdent à un rythme nerveux et font du lecteur le complice d’une passeuse de drogue (contre son gré). Son sens pratique et son sang-froid l’aident à se sortir de situations de plus en plus inextricables… Malheureusement, à chaque fois qu’elle pense pouvoir se libérer de son joug, à chaque fois, elle se retrouve face à des dangers encore plus grands. Habilement, l’auteur ralenti le rythme en s’attachant à d’autres personnages, ses complices, abordant leurs motivations et leurs doutes, le tout sur fond de crise financière internationale.
Lilja Sigurdardottir. - Le filet (Reykjavik noir, vol. 2). - Métailié, Noir. - Traduit de l’islandais. - 312p. - 21€

Morayo vit seule à San Francisco, et dans quelques jours, elle fêtera ses 75 ans. Cette femme haute en couleur, passionnée de littérature, se dévoile au fil des chapitres et de ses rencontres : Dawud, l’épicier du coin, Sunshine, une voisine un peu paumée, la jeune fille sur le trottoir qui voit en elle sa grand-mère, Toussaint, le cuisinier de la maison de convalescence et Reggie, un amoureux potentiel.
Un personnage plein de vie et d’humanité avec qui on aimerait boire une tasse de thé ou partager un verre de rhum.
Ladipo Manyika, Sarah. - Comme une mule qui apporte une glace au soleil. - Delcourt. - Traduit de l’anglais (Nigeria). - 137p. - 17€

Ce roman qui oscille entre l’histoire des bibliothèques et le fantastique, place La Grande Bibliothèque au cœur du récit. A sa description, vous reconnaîtrez la Bibliothèque Nationale de France (BNF), site François Mitterrand : « quatre tours de verre à l’esthétique à la fois classique et minimaliste », construite autour d’une forêt.
On suit un homme en quête d’un livre « fait pour lui », un historien passionné, la Bibliothécaire Rouge qui refuse d’être réduite à une simple caricature, des lecteurs qualifiés de « Séjourneurs » et Le Jeune Livre en colère. Ce dernier, prendra la tête d’une révolte pour lutter contre la disparition des Livres à Rotation Lente. Dans ce roman, les livres sont en effet animés d’une volonté propre. La Bibliothécaire Rouge mettra d’ailleurs en garde l’Historien : dans La Grande Bibliothèque, il ne faut pas ouvrir un livre entre minuit et neuf heures du matin, sous peine d’être avalé !
Cyrille Martinez décrit dans ce roman novateur et drôle, le passé, le présent et le futur des bibliothèques. Il met en garde contre la frénésie des chiffres qui alourdissent le métier de bibliothécaire et s’interroge sur l’avenir de ces établissements : les nouvelles technologies seront-elles la clef de leur évolution ou sonneront-elles leur glas ? En refermant ce roman, le lecteur ne pourra s’empêcher de se demander si c’est le lecteur qui choisit le livre, ou si c’est le livre qui choisit le lecteur.
Martinez, Cyrille. - La bibliothèque noire. - Buchet Chastel. - 181p. - 14€

Viviane Craig est une célèbre pianiste qui a arrêté sa carrière depuis quelques années. James Fletcher, critique musical et boxeur à ses heures, vient de mourir et a demandé que ce soit Viviane qui joue lors de la messe de ses funérailles. Seulement Viviane a vécu depuis des années une double vie entre son mari et James, son amant. Lors du trajet de métro qui la sépare de l’enterrement, elle repense à ses années auprès de James et surtout à la douleur de devoir cacher son chagrin.
Ce court récit est écrit en phrases très longues, avec une ponctuation presque absente. Ce style, qui imite un filet de pensée ininterrompu, rend la lecture assez difficile. Les répétitions et l’absence de réelles péripéties peuvent aussi dérouter. Cependant le récit retranscrit plutôt bien ce qu’est un amour profond.
Mattern, Jean. - Le bleu du lac. - S. Wespieser. - 114p. - 16€

Pour :
Place de la République, une voiture explose sous les yeux de Niamh, faisant deux victimes : son mari, Ruairidh et Irina, son amante supposée. Pour Niamh, le cauchemar commence. La police soupçonne d’abord un attentat et assez vite la piste du meurtre est privilégiée. On lui remet ce qu’il reste du corps de Ruairidh, et après avoir été soupçonnée, on l’autorise à rentrer chez elle sur l’île de Lewis.
L’auteur nous plonge alors dans la vie de Ruairidh et Niamh, tous deux originaires de la même île. Ils ont construit leur histoire d’amour, malgré un différend entre leurs deux familles, et sont devenus gérants d’une entreprise de textile renommée, Ranish Tweed. Ce livre s’attache plus à la vie des personnages et aux descriptions de cette île aux falaises battues par les vents qu’à l’enquête proprement dite. C’est plutôt un roman d’atmosphère, dans la lignée des livres nordiques où le suspense n’est pas au premier plan.
Contre :
Place de la République, une voiture explose sous les yeux de Niamh, faisant deux victimes : son mari, Ruairidh et Irina, son amante supposée. Pour Niamh, le cauchemar commence. La police soupçonne d’abord un attentat et assez vite la piste du meurtre est privilégiée. On lui remet ce qu’il reste du corps de Ruairidh, et après avoir été soupçonnée, on l’autorise à rentrer chez elle sur l’île de Lewis.
L’auteur nous plonge alors dans la vie de Ruairidh et Niamh, tous deux originaires de la même île. Ils ont construit leur histoire d’amour, malgré un différend entre leurs deux familles, et sont devenus gérants d’une entreprise de textile renommée, Ranish Tweed. Bien que chez elle, Niamh se sent désormais bien seule, mais aussi…inquiète car quelqu’un semble l’observer, prêt à la tuer à son tour.
Ce polar s’attarde un peu trop longuement, à mon goût, sur la vie des différents personnages, Niamh et Ruairidh, mais aussi du lieutenant Sylvie Braque. Au fil des pages, le suspense s’étiole, on perd l’intérêt de l’intrigue et la fin est au final forcée. Néanmoins, j’ai découvert toute la beauté des Hébrides, où la nature est aussi belle que tumultueuse.
Un roman d’atmosphère plus qu’un polar.
May, Peter. - Je te protégerai. - Le Rouergue, noir. - Traduit de l’anglais. - 416p. - 15€

Une jeune fille atrocement mutilée est retrouvée dans une grange abandonnée, à moitié immergée dans l’eau. Il s’agit d’Hattie Hoffmann, dont les parents viennent de signaler la disparition. Hattie, la jeune fille parfaite, qui a tout l’avenir devant elle… Elle est belle, intelligente, studieuse, elle aime le théâtre, d’ailleurs elle vient d’obtenir le rôle de Lady Macbeth dans la pièce montée au lycée. Mais qui est vraiment Hattie ? Qui se cache derrière tous ces rôles qu’elle joue à merveille, elle, l’actrice née ? Tous croyaient la connaître, ses parents, ses professeurs, ses amies, son petit ami…
Alors Hattie raconte, en alternance avec Del, le shérif qui a promis à son meilleur ami de retrouver l’assassin de sa fille, et avec Peter, le jeune et séduisant professeur d’anglais, avec lequel elle entretient, sur internet, une relation de plus en plus trouble…
Qui je suis est le premier roman traduit en français de Mindy Mejia. C’est un thriller psychologique à l’intrigue très bien menée. L’atmosphère de cette petite ville perdue au fin fond du Minnesota est lourde et s’alourdit au fil des témoignages. L’analyse des personnages fine, fouillée et crédible. Et il y a cette malédiction de Shakespeare qui hante tous les esprits...
Un roman qui se lit d’une traite.
Mejia, Mindy. - Qui je suis. - Mazarine. - Traduit de l’américain. - 397p. - 22€

Depuis trois mois, Niko, six ans, vit reclus dans un appartement avec Baba et Mama, car la guerre civile frappe Beyrouth. Quand sa mère décède et que leur appartement est bombardé, père et fils fuient par bateau vers Chypre, puis la Grèce. Vient alors le temps de l’exil et de l’incertitude.
Baba essaie de trouver du travail, mais pas sans visa, et inversement ! Antoine se bat pour trouver un pays d’accueil, de l’argent et une école. On sent sa solitude et sa difficulté à sortir du statut de réfugié étranger indésirable. Ils sont souvent rejetés.
La sœur de la femme d’Antoine accepte d’accueillir Niko, mais son père doit se séparer de lui pour l’envoyer au Canada chez Tante Yvonne. Puis, Antoine ne donne plus de nouvelles et Niko le croira mort. L’enfant grandit difficilement, privé de ses parents. Son oncle lui cache la vérité pensant que l’enfant oubliera son père.
Ce roman n'est pas seulement l'histoire d'un exil, c'est aussi une histoire d'amour entre un fils et son père. A la fois juste et émouvant, ce livre montre le sort réservé aux milliers d'exilés.
Un roman facile et agréable à lire, dans lequel on suit le point de vue du garçon qui deviendra adulte.
Nasrallah, Dimitri. - Niko. - La Peuplade. - Traduit de l’anglais (Canada). - 395p. - 23€

Lucie est professeur des écoles en ZEP. Passionnée, elle n’hésite pas à aller au-delà de son travail et à se battre pour les mères de ses élèves qui subissent des violences conjugales. Elle déborde d’énergie pour trouver des solutions et aider les femmes en détresse. Lucie écrit aussi des biographies sur des peintres de la Renaissance italienne. Mère de quatre enfants, elle vit dans une maison agréable, en compagnie de Ludovic, son mari, qui semble avoir toutes les qualités requises pour combler une femme.
Lucie a tout pour être heureuse. Si elle aime son travail, son rôle de mère de famille la fatigue énormément. Elle a l’impression d’être devenue l’esclave de sa famille. Quant à sa vie d’épouse, elle l’appréhende et cherche le moindre prétexte pour échapper aux petits jeux pervers et violents de Ludovic. Qui peut en effet savoir ce qui se passe réellement dans le lit conjugal ? C’est le secret de Lucie. Ludovic exerce une emprise psychologique sur Lucie et la bat régulièrement. Celle-ci cache cette situation à son entourage. Comment en est-elle arrivée là ? Comment peut-elle s’en sortir ?
Un premier roman qui aborde un sujet sensible, avec par moments et quelques facilités scénaristiques. L’auteur traite ce phénomène de société sous l’angle de la psychogénéalogie, ce qui est assez intéressant. Au fur et à mesure de l’avancée du récit, le lecteur plonge dans les arcanes de la psyché de Lucie. Il comprend que rien n’est vraiment simple et n’est pas au bout de ses surprises !
Pasina, Alice. - Les silences de Lucie. - Incartades. - 347p. - 19€

Dans le royaume d’Anchise, Ogir, un jeune membre du conseil et Arpée sont promis l’un à l’autre. Malheureusement, Arpée a été tirée au sort pour intégrer pendant un an la maison de passe dite la « Mal-fermée ». Quant à Ogir, il est lui aussi tiré au sort pour devenir le nouveau RoiDe aux côtés de la Reine E176.
Voilà un texte qui ne ressemble à aucun autre. L’auteur, qui est aussi poète, a fait le pari risqué de mélanger littérature de l’imaginaire et critique de notre monde contemporain. Il parodie notamment les réseaux sociaux et de la dépendance aux likes, ou grâces comme ils les appellent dans son texte.
Pour amateurs de littérature de l’imaginaire aguerris.
Quézel-Perron, Igor. - Vapeur Girl. - Envolume. - 247p. - 17,50€

« Dans la bourgade imaginaire de Pédonzigue, archétype d'une France chauvine et repliée sur elle-même, les esprits étriqués et chagrins sont étrillés. Un roman dont chaque phrase se décompose en groupe de six syllabes et propose des rimes internes. » (Résumé Électre)
Lire absolument la courte préface de Raymond Queneau !
Ce livre se présente un peu comme un guide touristique, vantant les charmes de ce lieu hors normes qui porte le nom de Pédonzigue. Après une brève présentation des notables, il détaille les curiosités de la ville, ses distractions, sa politique, ses nuits…
Les pages 43 à 46 sont consacrées à sa bibliothèque et aux titres que recommande un charmant bibliothécaire concupiscent...
Car oui, Roger Rabiniaux emploie une langue très fleurie, très imagée, très coquine !... Plaisir de la langue et du jeu de mots.
Peut lasser à la longue, mais à découvrir.
Sur l’éditeur :
https://www.actualitte.com/article/monde-edition/aux-editions-cent-pages-pas-un-seul-livre-ne-se-ressemble/70554
http://indexgrafik.fr/rouges-gorges-et-cosaques-philippe-millot/
Rabiniaux, Roger. - L’honneur de Pédonzigue : épopée. - Cent pages. - 123p. - 15€

« La famille Malegarde est réunie à Paris pour fêter les 70 ans de Paul, le père, arboriste de renommée internationale. Sa femme Lauren prépare l’événement depuis deux ans, alors qu’importe les pluies diluviennes qui s’abattent sur la Ville Lumière et contrarient les retrouvailles. Mais Linden, le fils cadet, photographe charismatique, pressent que la redoutable crue de la Seine n’est pas la plus grande menace qui pèse sur l’unité de sa famille. Les secrets enfouis déferlent sous le ciel transpercé par les flots... »
C’est une saga familiale dont le décor est un Paris apocalyptique sous les eaux, une musique de David Bowie, des allers retours entre Manhattan et Londres. Chaque membre de la famille détient un lourd secret. Les retrouvailles vont être difficiles, le roman souffre de quelques longueurs. C’est un livre d’ambiance accompagné d’un narrateur mystère, ce roman aurait tout à fait sa place comme adaptation cinématographique.
Rosnay, Tatiana de. - Sentinelle de la pluie. - H. d’Ormesson. - Traduit de l'anglais. - 357p. - 22€

Sur une terre mystérieuse, qui ressemble à la Sibérie, une jeune fille a été recueillie par une famille de pêcheurs. Un jour, elle rencontre Igor, un jeune homme à l’aspect sauvage, qui arpente la montagne pour livrer du poisson aux maisons les plus isolées. Là-bas vivent de vieilles femmes et les « Invisibles ». La jeune fille décide de suivre Igor dans ses voyages, malgré l’hiver.
Un tout petit roman qui instaure une ambiance de steppes glacées où se mêle le réel et l’imaginaire, l’historique et la légende. Assez envoûtant, malgré le manque de péripéties.
Roux, Laurine. - Une immense sensation de calme. - Sonneur. - 121p. - 15€

Une saga familiale qui renouvelle le genre, tant par la peinture très fine et juste des protagonistes, que par la description magique du lieu. L’île Maurice captivante et dangereuse est incarnée à merveille dans ce roman envoûtant. Les Rozell occuperont pendant trois générations le domaine du Piton. Ils connaîtront l’aisance et le bonheur dans cette propriété rurale au cœur des champs de canne. Taiseux et rêveurs, l’Histoire et les drames intimes auront raison de l’harmonie familiale. Leur destin est intimement lié à celui de cette île pluriethnique, riche de ses différences mais aussi très rude. Le rapport à la nature et aux éléments occupe une place centrale dans ce beau récit grave et profond aux accents autobiographiques
Souza, Carl de. - L’année des cyclones. - L’Olivier. - 18€

Le grand reporter indien, mandaté en 2009 par l'Union européenne pour enseigner le journalisme au Rwanda, dénonce la répression exercée par le gouvernement rwandais à l'encontre des journalistes à l'approche de l'élection présidentielle. Il revient sur les risques encourus par ses élèves et confrères dans un contexte politique où la liberté d'expression est menacée.
C’est un documentaire, un récit, un témoignage, réalisé par un journaliste de renom qui a reçu de nombreuses récompenses. L’enquête s’est déroulée entre 2009 et 2013. Elle peut apparaître comme « dépassée », hélas, les constats restent d’actualité, dans ces pays comme ailleurs…
Sundaram, Anjan. - Bad news : derniers journalistes sous une dictature. - Marchialy. - Traduit de l’anglais (Inde). - 205p. + annexes. - 21€

Ouvrage totalement désopilant !
Le narrateur est une sorte d’artiste qui se cherche et veut travailler au contact de l’art quel qu’il soit. D’ailleurs, est-ce le même narrateur dans les trois petits récits qui se passent dans le milieu berlinois ?
Dans le premier, il s’agit de poésie. Le narrateur, désabusé et paumé, attend à l’aéroport une poétesse israélienne. Il a fait une heure de métro pour y arriver et se demande comment elle réagira d’en faire autant pour arriver à son hôtel. Nous le retrouvons, ensuite modèle, dans un cours de dessin donné par un vieux prof aigri de l’ex-RDA. Pas de chance, sa colocataire assiste au cours ! Pour finir, il est « stagiaire » dans une zone de détritus de ferraille à apprendre la soudure pour faire des œuvres d’art « brut » ! Son « maître » Youri est plus ou moins russe, très slave, porté sur l’alcool fort. L’atelier, complètement foutraque vaut son pesant de cacahuètes !
On est saisi par le style rapide, parlé, coloré, plein d’humour et aussi de poésie. Il y a, aussi, des piques sur l’art contemporain et sur les Berlinois, plus que sur les Allemands.
A consommer sans modération et se resservir !
Syrac, Julien. - Berlin on/off. - Quidam. - 127p. - 15€

« Autobiographie loufoque et illustrée racontant [la] jeunesse [de l’auteur] au sein d'une famille farfelue de l'Ohio ». (4e de couverture)
Style très agréable à lire, plein d’humour.
Suite de scénettes qui peut se lire aussi comme une fiction.
Biographie Électre :
« Écrivain et dessinateur, pilier de la rédaction du New Yorker durant plus de trente ans, James Thurber (1894-1961) fut un des grands talents de l'âge d'or du magazine, aux côtés de Robert Benchley, S. J. Perelman et Dorothy Parker.
Si les textes d'humour de Thurber sont devenus des classiques constamment réédités dans les pays anglo-saxons, son style graphique sensible et naïf, très précurseur, eut aussi un impact considérable sur le dessin minimaliste d'après-guerre, de Charles Schulz et Jules Feiffer à Sempé.
James Thurber est par ailleurs l'auteur de La vie secrète de Walter Mitty (adapté plusieurs fois au cinéma, de Norman McLeod en 1947 à Ben Stiller en 2014) ainsi que de La dernière fleur, conte graphique traduit par Albert Camus (rééd. Wombat, 2018). »
Thurber, James. - Ma chienne de vie. - Wombat. - Traduit de l’américain. - 151p. - 15€

Jaime Ramos est chef de la PJ de Porto, ville qu’il adore par-dessus tout. Personnage sourd, taiseux, féru de littérature, désabusé et fin gastronome, il fait penser aux commissaires de Sicarri, Vasquez Montalban, Mankell ou Simenon.
Il se passe beaucoup de choses dans ce roman : Deux Russes sont retrouvés brulés vifs dans une voiture. Une jeune femme de bonne famille disparait brusquement. Le corps d’une femme africaine est retrouvé. Il est aussi question d’un mystérieux collectionneur d’herbe…
Mais, au-delà des faits meurtriers du genre, ce polar est surtout une observation sociologique, historique, politique et psychologique du Portugal et de ses habitants. Du coup, avec une trame policière un tantinet prétexte, l’intrigue (ou plutôt les intrigues multiples) sont un peu reléguées au second plan, mais pour le plus grand plaisir du lecteur qui se délecte des digressions de l’auteur.
On pourrait dire que le personnage principal de ce livre est en fait le Portugal : du communisme, de lz Révolution des œillets aux colonies, l’auteur nous fait voyager de la capitale au Brésil en passant par l’Afrique et le Cap Vert.
Septième d’une série policière peu connue en France, ce livre hybride a un déroulement de roman policier plutôt classique (famille, pouvoir, sexe, argent), mais contient pleins de récits entremêlés, ainsi que de nombreuses descriptions très détaillées qui font aussi notre bonheur !
Par ailleurs, c’est aussi un bon roman tout court, « d’ambiance », intimiste et mélancolique sur la mémoire.
Viegas, Francisco José. - Le collectionneur d’herbe. - Le Tripode. - Traduit du portugais. - 349p. - 22€