Les coups de coeur de la Commission musique et cinéma - 2


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 Notes de musique

CD présenté par Marie de Boulogne :

Pink Floyd in jazz
Vous aimez Pink Floyd ? Vous allez adorer ce CD qui rassemble les plus célèbres chansons du groupe britannique en version jazz, instrumentale ou non. Vous trouverez sur cet album quelques-uns des plusgrands noms du jazz tels que le batteur Aldo Romano, le pianiste Baptiste Trotignon ou le trompettiste Stéphane Belmondo. Tous les musiciens et chanteurs sont absolument formidables. J'ai adoré, par exemple, l'interprétation de Wish you were here avec Dom La Nena au violoncelle et Rosemary Standley au chant (quelle voix sublime !). Cette interprétation des chansons du mythique groupe de rock stratosphérique vous enveloppera d'une douceur apaisante très agréable. À découvrir !

CD présentés par Martin de Boulogne :

Triple trey / Butcher Brown
Ce quintet de jazz-funk américain m’avait déjà épaté avec son album #Kingbutch qui avait été sélectionné dans nos Coups de cœur de l’été 2021. Ils signent ici leur grand retour avec cet album dans lequel ils prennent un virage rap totalement assumé grâce au flow sans faille de leur MC Tennishu (dont le flow m’a rappelé la voix et l’énergie du légendaire rappeur californien 2Pac). MC Tennishu signe l’ensemble des compositions, des paroles, des solos de saxophone ténor et de trompette (!). Le bassiste du groupe, R4ND4ZZO signe, quant à lui, les arrangements et la direction d’un grand orchestre, le R4ND4ZZO BIGB4ND créé pour l’occasion de ce disque. L’ensemble est toujours festif, dansant et énergique. Il y avait longtemps qu’une rencontre entre hip-hop, funk et jazz n’avait si bien sonné.

Billy Valentine & The universal truth
Flying Dutchman est un label créé en 1969 par le producteur Bob Thiele. C’est une marque bien connue des amateurs pour avoir édité certains albums emblématiques de la musique soul et jazz des 70’s. Pensez à Gil Scott-Heron, Leon Thomas, certains disques tardifs de Count Basie et Duke Ellington. Le label a toujours eu une identité marquée par un militantisme et un antiracisme assumé. Suite à des difficultés, en 1978, le label va déposer le bilan et le catalogue ne sera plus enrichi de nouvelles productions jusqu’à… 2023. Cette année marque en effet la renaissance du label sous la direction de Bob Thiele Jr. Pour ce premier album, Billy Valentine, un vétéran de la scène soul et jazz de L.A. est accompagné par la fine fleur du jazz d’aujourd’hui pour reprendre huit chefs-d’œuvre du répertoire de la soul protestataire. Curtis Mayfield, Mavis Staples, War, font partie des artistes dont le souvenir est convoqué et si le résultat musical est superbe, c’est aussi malheureusement un rappel que peu de choses ont fondamentalement changé pour les gens de couleur aux USA.

Anarchist gospel / Sunny War
Superbe album pour cette chanteuse venue de Los Angeles, qui mêle à des sonorités rock (voire même punk-rock) une sensibilité empreinte de folk, de blues et même de traces de gospel. Les arrangements subtils des chœurs, de l’orgue et du lap-steel, ciselés par la productrice Andrija Tokic (qu’on avait pu entendre auprès du merveilleux groupe Alabama Shakes) mettent en valeur superbement la belle voix d’alto et le grand talent de guitariste de Sunny War. Chacun des titres est intéressant, que cela soit pour les mélodies accrocheuses, mais aussi pour la qualité d’écriture et les thématiques abordées (les amours déçus, l’épuisement professionnel, les addictions modernes entre autres…). Voilà donc à mon avis un des petits bijoux de l’année 2023. À ranger non loin de vos disques de Tracy Chapman, de Rihannon Giddens ou de Fantastic Negrito.

CD présentés par Quentin de Boulogne :

Bar Mediterraneo / Nu Genea
À l’image de la Méditerranée, carrefour de cultures, la musique des Nu Genea s’inspire de plusieurs genres : l’afro-beat, le disco et la pop, le tout chanté en français, en arabe et en dialecte napolitain. On balance entre des morceaux enlevés (« Tienaté », « Marechià », « Vesuvio ») et d’autres plus doux (« Bar Mediterraneo », « Gelbi », « La Crisi »). À noter également la présence d’invités variés : Célia Kameni au chant sur « Marechià », Tony Allen à la batterie sur « Straniero », Marzouk Mejri au chant et à la flûte sur « Gelbi ». Dans Bar Mediterraneo, un vent de bonne humeur souffle et arrive à point nommé avec les beaux jours.

Soul tropical / David Walters
Avec trois albums entre 2020 et 2023, David Walters continue sur sa lancée du moment. Le dernier en date, Soul tropical, fait la part belle aux morceaux dansants qui balancent entre disco, rythme antillais et afro-beat. Des invités comme Flavia Coelho ou Anthony Joseph viennent prêter leur voix pendant que Ballaké Sissoko et Vincent Segal apportent la touche acoustique à ce projet fédérateur. C’est un disque euphorisant à l’énergie communicative ponctué de quelques titres plus intimistes (« Light », « An lot soley », « Klè »).

Films présentés par Eric de Puteaux :

Jiseul / Meul O. (2013)
Présenté en salle seulement lors du Festival coréen de Paris Edition 2013, ce film est une perle rare du cinéma asiatique. Pour évoquer le massacre de population civile de Jeju en 1948, le réalisateur véritable artiste, peintre et cinéaste prend un parti pris esthétique saisissant de beauté. Les jeux de lumière et le contraste entre le noir et le blanc plongent le spectateur dans un clair-obscur qui alterne avec des plans totalement sombres. Le cinéaste travaille aussi sur le mouvement avec des nappes de brouillard et de la fumée qui laissent découvrir petit à petit le décor. Cette fumée qui représente un hommage à tous les morts du conflit. Œuvre virtuose techniquement et qui constitue un témoignage historique. A découvrir d’urgence !

Fox Trot / Samuel Maoz (2017)
Deuxième film du cinéaste Samuel Maoz, Foxtrot est une œuvre radicale qui s’inscrit dans la réalité de la situation actuelle : il aborde le traumatisme des soldats enrôlés au sein de Tsahal. D’un réalisme saisissant et avec une parfaite maitrise dans la réalisation, ce film tend un miroir critique de la société israélienne. Il commence par une scène de deuil, séquence glaçante, où les parents vont apprendre la mort de leur enfant. Le spectateur sera ensuite plongé dans l’absurdité de la guerre où seules quelques séquences oniriques apporteront un peu d’espoir.

Films présentés par Sabine de Puteaux :

L’arche russe / Alexandre Sokourov (2003)
Ce film est une fresque historique et esthétique, un immense ballet, un musée vivant, une performance artistique, un chef d’œuvre de cinéma. Réalisé en un seul plan-séquence d’une heure trente, « en un souffle », gageure réussie, il invite le spectateur à déambuler à travers l’enfilade des salles du musée de l’Ermitage à Saint Pétersbourg. Chaque pièce a sa luminosité, sa couleur, son atmosphère. Il nous fait entrer dans les tableaux et donne vie aux statues et aux personnages des peintures qui sortent parfois de la toile, deviennent des figurants, animés par les mouvements flottants et virevoltants de la caméra, personnage à part entière. L’usage de la vidéo numérique crée un effet légèrement déformant, irréel, et permet d’approcher très près des acteurs en accentuant la perspective des lieux. Le film traverse l’Histoire du peuple russe, ainsi que celle du musée. Il fait s’interroger sur le passage du temps, la postérité des œuvres, leur réception et sur le rapport entre art russe et art européen grâce à un duo de personnages, un réalisateur invisible, en voix off, et un narrateur diplomate français du 18ème : « tout le monde connait le futur mais personne ne connait le passé ».

Le barrage / Ali Cherri (2022)
Cette œuvre de plasticien met en scène l’acte de création, physique et métaphorique. Au milieu des étendues désertiques du Soudan, près d’une briqueterie alimentée par l’eau du Nil, un homme moule de ses mains une construction d’argile. Ce lieu à valeur universelle, remet, par son immensité, l’homme à sa juste place. Le fleuve charrie depuis des millénaires l’histoire des pays qu’il traverse. La rumeur du monde parvient, lointaine, depuis la radio ou les téléphones portables : une révolution est en marche. Le barrage, métaphore du régime autoritaire en train de vaciller, matérialise la volonté de maitriser la nature. Mais la vie continue, comme ancrée dans une autre temporalité, celle des gestes immémoriaux accomplis par ces briquetiers, et des mythes sur la création de l’humanité qui hantent le film : le déluge, l’épopée de Gilgamesh, la création d’Adam. Le film suit la logique du rêve, que chacun peut interpréter à sa manière. L’imagination est source de tous les possibles.