Les coups de coeur de la Commission musique et cinéma - 4


pellicule

 

 Notes de musique

Films présentés par Sabine de Puteaux :

All about Eve de Joseph Leo Mankiewicz
Ce film tourné dans l’Amérique des années 50, nous introduit dans un univers assez littéraire, au scénario habilement complexe avec une narration en flash-back, l’utilisation de narrateurs en voix off qui décrivent le déroulé des événements et présentent les personnages, dans une scène figée, avec des plans qui sont comme des portraits. Le ton est donné : humour grinçant, parfois noir, ou satirique et dialogues redoutables. Les personnages assistent à une remise de prix qui s’apparente à un enterrement… Mankiewicz choisit le monde du théâtre pour mettre en scène un personnage double, talentueuse mais surtout très ambitieuse qui joue un rôle étudié du début à la fin. La comédie jouée à la perfection par cette actrice sans défaut permet notamment une réflexion sur la place de la vérité dans nos rapports sociaux, celle de la tromperie pour faire carrière et la sincérité d’un acteur sur les planches, qui joue déjà si bien dans la vie. Le spectateur ne comprend qu’à la fin, lorsque son masque tombe, le mécanisme du personnage.

Le septième sceau d'Ingmar Bergman
Inspiré d’un épisode biblique, film métaphysique et philosophique dont l’action se situe au XIVème siècle, La septième sceau aborde de manière frontale la question de la mort. Celle-ci est incarnée par un personnage masculin, glaçant, drapé dans un suaire d’un noir d’encre, laissant paraitre un visage blanc et rond, lunaire et inquiétant, au rictus cruel. Une partie d’échecs s’engage entre lui et l’un des personnages. Mais qui peut gagner contre la Mort en personne... ? Ce chevalier de retour de croisade se pose des questions existentielles sur Dieu, la vie après la mort, le bonheur ici-bas… Tandis que la peste noire sévit, et que l’on brûle des sorcières responsables, chacun des personnages croisés incarne une vision de la vie et de la mort, de la peur viscérale à l’insouciance, de la flagellation aux plaisirs simples du présent. Le film nous plonge dans une ambiance souvent sinistre et effrayante. Mais Bergman se plait aussi à filmer le bord de mer comme il aime, les vagues écumeuses qui roulent sur une rive rocailleuse et à l’arrière, des étendues d’herbe que nos rétines perçoivent vertes bien qu’en noir et blanc, sur laquelle avancent les chevaliers philosophant. Bergman met en scène des idées à travers des personnages. On retrouve aussi son goût pour les visages, souvent filmés de très près, en particulier les fragiles visages féminins, jeunes et innocents, l’air apeuré, les yeux fixes, terrifiés, d’une fixité qui semble pourtant vouloir fuir le danger. Les femmes se voient soumises à la dureté voire à la violence des hommes et à leur volonté. Enfin, le bébé, qui évoque l’enfant Jésus, symbolise la fraicheur de l’ignorance.

Diamant sur canapé de Blake Edwards
Il semble que la folie fasse partie de la vie dans cette comédie dramatique qui met en scène une Audrey Hepburn au sommet de son art. Son personnage de femme qui cherche à se faire entretenir, s’amuse à brouiller sans cesse la frontière entre le vrai et le faux et à changer d’identité. Lorsqu’elle fait glisser ses lunettes noires et qu’apparaît son regard perplexe et circonspect, elle concentre en quelques secondes le charme, la drôlerie espiègle et tendre du film qui sait aussi se rendre poignant dans le même mouvement. Belle, sauvage et névrosée, distinguée dans ses tenues toutes plus chics les unes que les autres, elle incarne une élégance dénuée de prétention qui cherche à faire oublier ses origines modestes. Comme elle, le film a naturellement la classe ! La vie mondaine est un modèle envié de luxe superflu et surtout un réservoir inépuisable d’outils comiques. Les diamants fascinent et font luire un avenir rêvé, imaginaire. L’argent fait miroiter de possibles bonheurs dont le caractère frivole et insensé finit par être source de déconfiture. La fête noie les soucis et les passions dans l’alcool. Même la bibliothèque publique sert sa quête frénétique d’une situation, d’un mari fortuné. Les réveils sont toujours difficiles, qu’ils soient matinaux ou imprévus en plein milieu de la nuit. Un chat roux anonyme joue un rôle de premier plan. Edwards joue sur la répétition, l’outrance et les entrées et les sorties des personnages dans un immeuble animé. Les fenêtres prennent souvent la fonction de portes… Il mélange le burlesque et le romantique, la caricature et le drame avec dextérité pour que le film touche toutes les cordes de la sensibilité. La musique d’Henry Mancini accompagne les passages où l’on éclate de rire, les scènes d’amour et les moments où le film s’apparente au genre policier. Enfin, notons que les personnages s’affublent de masques autrement plus réjouissants que ceux que l’on porte aujourd’hui.