Commission Petits éditeurs de juillet 2025

Commission Petits éditeurs BiB92 - Sélection mars 2025

Sélection de juillet 2025 téléchargeable sur le site : cliquez ici

Accès direct aux critiques ci-dessous

Enfants de banlieue des années 1990, Layla, Elias et le narrateur sont inséparables. En grandissant, les liens se distendent : le narrateur, fou amoureux de Layla, espère avoir, un jour « les jolis mots » pour lui parler. En attendant, il fume des joints, danse avec son ami Elias et consulte le dictionnaire. Seul avec sa mère, dépressive et boiteuse, il sent monter en lui « la mauvaise graine », qu’il suppose venir de son père libanais, violent, depuis toujours absent. Il tente de la maîtriser tant bien que mal, guette pour les dealers de la cité H.L.M. et cherche le juste équilibre dans ses résultats scolaires entre de bonnes notes pour faire plaisir à sa mère, mais pas trop pour ne pas se faire remarquer par les autres gars du quartier. Sans cesse sur le fil, il écrit sa rage dans des carnets. Ce récit est écrit sous la forme d’un monologue intérieur. Il s’agit d'un roman d’apprentissage, à la poésie à la fois lumineuse et sombre, où la quête identitaire du héros est liée au poids trop lourd des non-dits, de l’héritage familial et d’une responsabilité excessive pour son âge. J’ai aimé ce roman fort et prenant où les personnages sont tous attachants, en particulier la mère du narrateur, qui fait ce qu’elle peut, et madame Hind, chez qui il loge à Beyrouth. L’écriture poétique, parsemée de silences plus explicites encore que les mots, m’a beaucoup touchée.
Abdallah, Dima. - D’une rive l’autre. - S. Wespieser. - 232 p. - 21 €

Je m’attendais à lire un livre sur le bonheur d’exister, doux et mélodieux comme les derniers livres de Jean-François Beauchemin déjà parus. Quelle ne fut pas ma surprise de plonger dans un récit sauvage et brutal, baroque et violent dans une langue envoûtante et primitive. Ce livre fait partie de la première période de l’auteur, ses romans écrits dans les années 2000. Entre ténèbres et lumière, loin du monde civilisé, au cœur d’une forêt pleine de symboles (lune, feu, glace, bêtes, fantômes...), le père Courge et son fils habitent une cabane, tel des ermites, ou plutôt comme des bêtes à moitié sauvages, guidés par leurs instincts et leurs besoins vitaux. Le livre débute par la naissance mythique du fils Courge, le décès de sa mère en couches et la chute dans la folie du père, qui se voit « colonisé » par des gens dans sa tête. La figure du père, colosse et ogre de la forêt, personnage entre Don Quichotte et Gargantua, forme avec son fils un duo littéraire. Le récit est mené par le fils qui s’adresse mystérieusement à un « juge » : le lecteur comprendra pourquoi dans les dernières pages. Les chapitres sont rythmés par les accès de folie paternels, entrecoupés de moments plus calmes où il retrouve la raison et par les châtiments qu’il fait subir à son fils, toujours plus atroces et plus morbides. Le fils a la capacité de voir les morts, notamment sa mère, qui le visitent dans les moments difficiles, conférant au récit une dimension magique et mythologique. Il continue à aimer son père malgré tous les tourments qu’il lui fait subir et à espérer, un jour, recevoir de l’amour de sa part. Dès lors, ce récit devient une quête de l’amour et de l’humain dans cet univers bestial et cet environnement sauvage qui en est dépourvu. La langue épouse les aspects de cette vie dans la forêt : une langue rustique et foisonnante, comme empruntée au Moyen Age, imaginative, imagée et vivante, qui rappelle l’ancien français d’un Rabelais, primitive. Elle traduit l’absence de vocabulaire de cet enfant qui n’a jamais connu la « civilisation ». Elle s’apparenterait aussi à une langue de l’au-delà. « Heureux les parleurs ! » : à la fois récit d’apprentissage, fable philosophique et plaidoirie, ce livre est finalement un hymne au pouvoir de la parole et des mots qui permettent de dire les sentiments et de se défendre.
Beauchemin, Jean-François. - Le jour des corneilles. - Québec Amérique 216 p. - 18 €

Premier roman de l’auteur sous son nom, il en a publié d’autres sous un pseudonyme. De nos jours à Lisbonne, Madelena décide d’acheter un vieil immeuble pour le transformer en hôtel, un projet de reconversion titanesque qui l’effraie par son ampleur. Lors des travaux, elle découvre un journal d’une certaine Maria, arrivée en 1907 à la capitale pour s’occuper de l’éducation des enfants de la riche famille qui occupait l’immeuble ; un grand changement pour elle qui vivait jusqu’alors à la campagne avec ses parents. Le récit alterne entre l’avancée des travaux de nos jours et la plongée dans un Lisbonne en pleine mutation au début du XXe siècle. Par le biais du père de famille, Maria se retrouve à parler avec la reine, par celui de son amoureux, elle côtoie le milieu anarchiste et découvre le fado. Les lieux, aussi bien les ruelles de Lisbonne que le palais de Pena sont décrits avec minutie. Pourtant, malgré une plume agréable à lire, l’histoire de Maria m’a semblé peu crédible, comme si l’auteur voulait cocher des cases, en mélangeant différents ingrédients, une envie d’ailleurs, de soleil et d’Histoire, afin de s’assurer le succès. La couverture attire l’œil, le résumé est prometteur, mais je me suis retrouvée à lire la fin en diagonale.
2eme avis :
La narratrice vient d'hériter d'un grand immeuble à Lisbonne qu'elle entreprend de restaurer pour en faire un hôtel, mais la tâche est immense… Elle y trouve caché le carnet de Maria et le lit. Parallèlement, on découvre donc en 1907, Maria, 17 ans, qui est embauchée dans une grande famille pour s'occuper de tous les enfants, y compris d'un garçon handicapé, très isolé et malheureux. Maria se bat pour lui donner le sourire, avoir des activités et lui permettre de sortir. Leurs relations sont très bonnes, c'est presque une seconde famille, mais la jeune fille semble un peu trop mûre pour son âge. Elle tombe amoureuse d'un artisan spécialiste des azulejos. Mais la famille connaîtra un destin tragique. Des pers attachants et surtout une agréable balade à Lisbonne et même à Sintra, on peut presque lire le roman avec un plan ! Livre très sympa pour les vacances, même si ce n'est pas original. On passe un bon moment, qui nous rappelle les lieux ou invite à s’y rendre. NB Nouvel éditeur parisien qui publie « des livres divertissants et de qualité, une littérature populaire pour voyager, vibrer, s’évader, rêver… »
Blancard, Gabriel. - Les héritiers de Lisbonne. - Maison Pop, Voyages, voyages. - 416 p. - 20 €

Ce roman nous plonge dans le quotidien d’une jeune fille hollandaise de 12 ans dans les années 40, séparée de ses parents et contrainte à vivre clandestinement parce qu’elle est juive. L’histoire est racontée à la première personne, ce qui apporte une touche très singulière au récit. Le regard d’enfant de la protagoniste, empreint d’une certaine lucidité quant au sort réservé aux juifs, ne manque pas de nous émouvoir. Elle cherche à trouver un sens, une raison de vivre dans un monde instable et dangereux et se retrouve confrontée à l’injustice, la violence des hommes et le sort réservé aux femmes à l’époque. Il est d’ailleurs question du rapport à soi et au genre puisqu’à plusieurs reprises l’héroïne exprime son désir d’être un garçon et de ne pas suivre le chemin auquel se destinent les jeunes femmes de son âge. L’écriture est intime, drôle et sans détours. Les questions de genre et d’homosexualité sont posées sans tabou, ce qui est assez novateur pour l’époque et fait de ce roman un livre important aux Pays-Bas. La forme est originale car la chronologie est dans le désordre, mais sans nous perdre pour autant. Chaque chapitre correspond à un moment de la vie de Simone, dans une nouvelle famille d’accueil.Ce livre apporte un regard et un témoignage original car l’auteure parvient à nous émouvoir, nous faire rire et nous questionner, tout dressant un portrait très réaliste de l’occupation nazie en Europe. Le tout à travers le point de vue d’une jeune fille qui entre dans l’adolescence. « J’essaie d’imaginer ce que c’est quand on nait tout de suite garçon. On ne se pose pas de question je suppose. Il ne fait aucun doute que côté corps, tout va bien. On peut jouer au foot, se promener le soir en ville, accoster les filles, nager à l’heure des garçons, choisir son métier et continuer à l’exercer, même quand on est marié et qu’on a des enfants. On n’est pas obligé d’accomplir des tâches stupides comme coudre ou mettre la table. On appartient à cette moitié de l’humanité qui réalise de grandes choses (…) ».
Burnier, Andreas. - L’heure des garçons. - Typhon. - Traduit du néerlandais. - 142 p. - 20 €

Une histoire à la fois lumineuse et sensible, où s'entremêlent les fils de la vie de Rose, 92 ans, couturière parisienne, et ceux de sa petite-fille Constance étudiante aux Beaux-arts. Unies par une relation fusionnelle. Elles vont connaître chacune à leur époque un fort attachement à Palerme, capitale de la Sicile. Tout commence par une promesse faite par la jeune femme à son aïeule, dont la mémoire vacille : l’aider à retrouver ses souvenirs en Sicile et demander pardon en son nom. A qui? Pourquoi? Deux questions qui animent Constance tout au long de ses déambulations dans les rues de Palerme et de ses rencontres fortuites. Le lecteur se retrouve en pleine immersion italienne, les sens en éveil. Les détails des lieux, les odeurs des agrumes, les saveurs de la cuisine sicilienne, la chaleur du soleil sur la peau, les sons de la ville sont décrits avec précision. L’autrice nous parle ici d'amitié, d'amour, de musique, de mode, de cinéma, de mémoire, de culpabilité, de non-dits et de réconciliation. La lecture est rendue fluide et les personnages attachants.Je regrette toutefois l'usage, un peu excessif, du champ lexical de la couture pour décrire Palerme en début de roman, ainsi que la grande facilité avec laquelle Constance parvient à réunir les morceaux du puzzle et découvrir le secret de Rose.
2eme avis :
La narratrice part à Palerme, sur le tournage du Guépard en tant que couturière. Elle veut aussi retracer l'histoire de sa grand-mère qui a connu un drame. Elle tombe amoureuse de la ville : Palerme est un des personnages du roman. Il ne se passe pas grand-chose, mais on suit cette histoire qui sent bon la Méditerranée avec plaisir.
Discours, Magali. - Revoir Palerme. - Maison Pop, Voyages, voyages. - 255 p. - 20 €

J. Echenoz choisit pour personnage principal un réalisateur raté, Bristol, qui part tourner certaines scènes en Afrique. S’inspirant de quelques codes du roman policier, c’est surtout au cinéma qu’il emprunte sa technique romanesque : zooms, travellings, gros plans, montage… le style d’Echenoz n’a jamais autant épousé les procédés cinématographiques ! Avec un humour plein d’incongruités et d’inventions langagières, il plonge le lecteur au cœur des coulisses d’un cinéma « à petit budget ». Il s’amuse à briser les conventions du roman traditionnel et prend pour dynamique narrative celle de l’échec.
Echenoz, Jean. - Bristol. - Minuit. - 208 p. - 19 €

Ce roman est un voyage à travers les rêves d’un petit garçon recueilli par un vieil homme, qui se réfugient dans un bus incendié et abandonné en peine brousse. Un double voyage spatio-temporel, à travers le Mozambique déchiré, ses terres ravagées par la guerre d’indépendance puis la guerre civile, ses habitants réduits à l’errance, espoir et désespoir. Un voyage à travers les récits multiples qui se déploient et s’enchâssent, en particulier celui de Kindzu, le « double » du narrateur, dont ce dernier lit, chaque soir, les cahiers découverts dans le bus. Un voyage à travers une langue féconde, sans cesse renouvelée et créative, tissée de néologismes et métissée de termes portugais et mozambicains, dans une nouvelle traduction, où les noms communs peuvent faire office de verbe. Un voyage, enfin, qui révèle les pouvoirs des récits oraux et littéraires et leur capacité à changer nos vies à travers le temps. Un voyage initiatique, onirique et magique, entre tradition africaine et lusophone. C’est un rêve qu’on traverse éveillé, comme « rêvambulant ».
Couto, Mia. - Terre somnambule. - Métailié, Bibliothèque portugaise. - Traduit du portugais. - 247 p. - 21 €

Valentino revient après 40 ans d’absence dans sa Calabre natale (Italie du Sud) à l’occasion du décès d’une de ses tantes. C’est l’occasion pour lui de retracer l’histoire de sa famille née de l’alliance de deux clans (le côté paternel : la famille du Notaire et le côté maternel : la famille du Pharmacien et également les familles de leurs domestiques respectifs). La petite histoire est mêlée à l’Histoire de l’Italie tout au long du XXe siècle. L’auteur offre ici une grande saga familiale qui demande au départ de bien s’accrocher aux quatre arbres généalogiques des premières pages. La difficulté d’identifier chacun est renforcée par la division des chapitres en courtes parties (avec des titres qui font un peu effet d’annonce) qui décrivent progressivement chaque personnage, mais plutôt sur un mode anecdotique et sans dialogue. Cette forme a tendance à un peu casser/couper la lecture et à nous laisser assez loin des personnages. Cependant, au fur et à mesure qu’on entre dans le roman, on finit par intégrer les codes de l’auteur et l’histoire de ces familles permet une analyse fine des situations politiques et sociales de l’époque.
Fortunato, Mario. - Sud. - P. Rey. - Traduit de l’italien. - 332 p. - 22 €

Lucas, Maguy, Mia et Paul ne se connaissent pas. Ils prennent le même TGV entre Paris et Quimper, mais ne descendent pas à leur arrêt. Par un curieux hasard, ils se retrouvent à partager une maison sur l’île de Groix pendant quelques jours. Aller simple pour la joie est un roman choral qui coche toutes les cases d’un bon feel-good book. Quatre inconnus et un chien, réunis sur une île, réapprennent ensemble l’entraide, l’imprévu, et les plaisirs simples de la vie. Un roman doux et lumineux, qui redonne le sourire… et l’envie de sauter dans un train sans trop réfléchir. Une belle lecture, été comme hiver.
Fouchet, Lorraine. - Aller simple pour la joie. - H. d’Ormesson. - 236 p. - 21 €

En 1957, Christian doit tout quitter pour la caserne d'un village algérien. Tout est nouveau pour le jeune homme appelé au front sur une terre inconnue : le pays, le climat et le rythme militaire. En toile de fond, on suit la naissance d'une passion entre le militaire et Jeanne, une jeune fille aisée d’un petit village. Mais pourront-ils poursuivre leur histoire ? « Ce qui est arrivé à Christian en Algérie en 1957 a été la pierre angulaire de nos tourments. » (p 9). Ce livre remarquable décrit les difficultés du « malgré lui » catapulté dans un territoire qui sombre dans la violence et la barbarie, pour faire une guerre qu’il n’a pas voulue, dans un pays qui ne représente rien pour lui. Les questionnements du héros sur sa présence en Algérie et sa participation à cette guerre sont marquants. L’écriture est subtile, les descriptions des paysages sont colorées. Un récit à deux voix à trente ans d'intervalle sur deux périodes-clé : les années 50-60 et 90 avant les premières élections. Il alterne les points de vue : celui de Christian, et celui de Jeanne 30 ans après, en France avec la découverte du cahier de son fiancé, et qui a dû reconstruire sa vie. L'auteur décrit parfaitement les sentiments, les dilemmes, les tensions, l'impossibilité de rester impassible devant la violence. L'intrigue de cette histoire d'amour impossible dans le contexte très douloureux de la Guerre d'Algérie nous captive jusqu'au bout. L’ensemble est bien documenté. Premier roman prometteur, aussi touchant que réussi. Un roman très actuel et passionnant. Une très belle découverte ! J'attends le prochain avec impatience.
Germain, Frédéric. - Nos vies volées. - Les Escales. - 329 p. - 21 €

Trois voix de femmes et trois temporalités : Mary en 1800, Jess en 1999, Lucy en 2019. Lucy fuit un événement traumatique et décide de trouver refuge vers Jess, sa grande sœur, qui vit dans une maison reculée, presque en équilibre sur une falaise au pied de laquelle rugit l’océan. Seulement, lorsqu’elle arrive, Jess est absente et Lucy doit commencer son enquête sur les traces à la fois de sa sœur et de sa propre histoire. En parallèle, le lecteur suit en 1800 le douloureux voyage de Mary et de sa sœur, condamnées à l’exil et enchaînées dans la cale d’un bateau qui les emmène, avec d’autres condamnées de l’Irlande vers l’Australie. Que vient faire la sirène là-dedans ? Comme un puzzle, le corps de la sirène prend forme et texture au fil de l’histoire. L’écriture est féministe, plein de mystères et touche au folklore. La mer est évidemment très présente, sauvage et sombre, à la fois menace et refuge. Roman prenant, je n’ai pas été parfaitement convaincue par l’écriture, mais l’histoire et ses personnages sont intéressants, on y repense une fois le livre refermé. C’est une réappropriation intelligente (et pour une fois pas kitsch) du mythe de la sirène. Par l’auteur de l’inoubliable Maison aux sortilèges.
Hart, Emilia. - Les sirènes. - Les Escales. - Traduit de l’anglais. - 439 p. - 23 €

Si l’on avait dit à Madame Yeom, avant qu’elle ne perde sa pochette, qu’elle embaucherait un sans-abri pour assurer l’ouverture de nuit de sa supérette, elle ne l’aurait pas cru, et pourtant ! Elle fait la rencontre de Dog-ko lorsque celui-ci lui restitue ses biens (non sans quelques complications) à la gare de Séoul. Comprenant qu’elle a affaire à un homme au grand cœur, elle lui offre la possibilité de sortir de sa situation. Mais forcément, avec les séquelles de sa misère (amnésique, bégayant…) le bonhomme ne passe pas inaperçu auprès de ses collègues, puis des clients. Il saura toutefois briser les a priori, aidant ces rencontres dans leur vie personnelle. Ce roman feel good devenu best-seller dans son pays pourra être recommandé à n’importe quel lecteur, tant il est plaisant de lire les aventures (et de découvrir les secrets) de ce personnage très attachant. À chaque chapitre, il est confronté à des gens très différents (une étudiante, un détective, une mère désespérée…), mais il parvient toujours à leur prodiguer un conseil : les années de galère l’ont rendu simple et humble. Drôle de situation, donc, quand un nouveau client interprète sa nonchalance, ses moindres faits et gestes comme la condescendance d’un patron de commerce un peu grippe-sou ! Notre héros lui n’en saura jamais rien, mais aidera cet homme un peu envahi par le travail. Le dernier chapitre lèvera le voile sur un passé surprenant et nous laissera sur une fin touchante. Un très bon feel good book !
Kim, Ho-Yeon. - Le vagabond de Séoul. - Picquier. - Traduit du coréen. - 315 p. - 22 €

« Je sentis s’insinuer dans mon corps, et même, dans mes nerfs, dans mes muscles et jusque dans ma respiration, une agitation nouvelle, une rancœur, une antipathie que j’imaginais ne pouvoir épancher qu’en la déversant sur Mario Fastréda. Ce dernier rayonnait déjà dans mes pensées comme le premier et le pire des ennemis ». Le Comte de Cimamonte (jamais nommé, mais abusivement qualifié de Duc), jusqu’ici assez peu regardant de son propre héritage, se retrouve au centre de l’attention lorsque le charismatique Mario Fastréda se met à déboiser une partie de la montagne qui appartient à la noble famille. Commence alors le bras de fer entre ce jeune héritier et le vieil homme qui a fait fortune à l’étranger on ne sait trop comment. Les amis du Duc n’ont de cesse de le mettre en garde : à vouloir s’entêter, il pourrait y perdre bien plus que ses quelques six cents quintaux de bois. Assez vite, les rumeurs sur son compte commencent à se multiplier…Quelle histoire palpitante ! Chaque péripétie change la bascule de l’affrontement. L’auteur, déjà doté d’une plume splendide, ne manque jamais d’annoncer à demi-mot ce qui va suivre à la page suivante. On se retrouve donc à dévorer rapidement les chapitres de ce pavé sans vraiment s’en rendre compte. Tour à tour, les drames, le nature writing et le récit de cette famille mystérieuse tissent une œuvre dense et très réussie.
2eme avis :
Un roman aussi envoûtant que sa couverture, qui fait penser à Yellowstone, par ses paysages somptueux et sa lutte pour des terres entre deux clans opposés. On ne le lâche pas et on regrette de le refermer !
Melchiorre, Matteo. - Le Duc. - Métailié. - Traduit de l’italien. - 485 p. - 23,50 €

Le roman commence en 1960 avec William, élevé sans amour par ses parents, suite à la mort de sa sœur ainée alors qu’il n’avait que quelques jours. Il avance tant bien que mal dans la vie, jusqu’à sa rencontre à l’université avec Julia, dont il tombe amoureux. Grâce à elle, et aux relations qu’elle entretient avec ses proches, il découvre enfin ce qu’est l’amour au sein d’une famille, particulièrement à travers les relations fusionnelles entretenues par les quatre sœurs. Chaque chapitre adopte le point de vue d’un personnage sur une période de quelques mois à plusieurs années, jusqu’en 2008. Ce principe de focalisation permet d’accéder aux pensées intimes et de comprendre le caractère des personnages. La famille traverse des drames et des moments de joie, et on ressent l’amour que les membres de la famille se portent. Un roman touchant, avec des personnages attachants, décrits dans toute leur complexité et leurs contradictions, qu’on voit évoluer au fil des décennies, comme si on était l’un des leurs.
Napolitano, Ana. - Les bien aimés. - Les Escales. - Traduit de l’américain. - 426 p. - 24 €

La cinquième enquête d’Eva, Mara et Strega, les héros désormais fameux de Piergiorgio Pulixi, auteur phare du polar italien, met en scène un quartier populaire au sud de Cagliari (Sardaigne) et Stella, une jeune fille de dix-sept ans dont on retrouve le cadavre défiguré sur une plage. D’une beauté exceptionnelle, elle attirait tous les regards et les suspects sont nombreux : le père sorti de prison depuis quelques années condamné pour des agressions sexuelles sur sa fille, le petit ami dealer et caïd du quartier, une mère alcoolique et jalouse de sa propre fille, membre d'une secte catholique, un professeur avec qui elle entretient une relation particulière... Plus le récit avance, plus les pistes se multiplient. Et le mystère de la mort de Stella est constamment relancé, jusqu’au dénouement, aussi surprenant qu’accablant. L’enquête n’est pas facile, mais le fameux Strega, criminologue réputé est là pour déjouer les explications trop évidentes. Il est une énigme à lui tout seul avec un passé obscur que le lecteur découvre parallèlement à l’enquête policière. D’ailleurs il est lui-même espionné. A la fin du livre le mystère reste entier sur ce personnage mystérieux et malveillant : ce qui nous donne envie de lire sa prochaine enquête ! L’introduction d’expressions sardes, vénitiennes ou toscanes est particulièrement réjouissante. Bref, ce roman policier est captivant et bien qu’assez long se lit d’une traite.
Pulixi, Piergiorgio. - Stella. - Gallmeister. - Traduit de l'italien. - 554 p. - 26 €

Ce thriller, dans lequel on retrouve le couple de flics Frank Sharko, Lucie Hennebelle et leur collègue Nicolas Bellanger, se déroule dans une unité pour malades difficiles (UMD). Une femme n’est jamais rentrée de la piscine, un homme est retrouvé mort chez lui, sans empreinte digitales et un schizophrène est admis à l'hôpital. Eléonore, psychiatre, accueille cet homme en crise qui tient des propos incohérents sur une histoire de vers. Ces trois histoires sont-elles liées ? La psychologie des personnages est travaillée : on ressent leurs angoisses, douleurs et interrogations. L'atmosphère terrifiante et glauque est parfaitement rendue. Un polar qui vous perdra dans les méandres de la folie et précisément de la schizophrénie. L'auteur aborde ce sujet sensible maîtrisé et très documenté. Comme toujours chez Franck Thilliez, la science tient une place prépondérante. Il a enquêté sur les maladies mentales et les meurtres commis par des schizophrènes. L'intrigue est complexe et tortueuse, certaines scènes sont très violentes. Des hommes ordinaires se retrouvent schizophrènes sans raison, devenant des monstres abominables. L’UMD est réservée aux malades les plus incontrôlables ; même gavés de médicaments, ils restent des bêtes sauvages difficiles à maitriser. L'auteur tisse sa toile, et tout s'assemble tel un puzzle ! L’écriture fluide et incisive colle à l'atmosphère psychotique du récit. Cette immersion dans la maladie mentale permet au lecteur de découvrir la vie de ces patients. Un livre glaçant !
Thilliez, Franck. - A retardement. - Fleuve noir. - 456 p. - 23 €