Sélection Petits éditeurs septembre 2013

Petits éditeurs BiB92 – Sélection septembre 2013

Retrouvez la séleciton de la commission petits éditeurs BiB92

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Altun, Selçuk. - Le sultan de Byzance. - Galaade. - Traduit du turc. - 374 p. - 22 €
Né en 1950, SelçukAltun a travaillé dans la finance et dirigé une importante maison d’édition. Il est devenu écrivain, très apprécié à l’étranger. Le sultan de Byzance est son premier roman traduit en français.
Asil, jeune professeur d'université, parle cinq langues. Il rencontre Nikos Askaris, membre de la mystérieuse organisation du Nomo, qui protège le testament de Constantin XI depuis plusieurs siècles. Cet homme prétend qu’Asil est le descendant de Constantin XI le Paléologue (1404-1453 ?), dernier empereur de Byzance, attendu depuis 555 ans et devrait être couronné comme Constantin XV. Mr Askaris confie à la prochaine majesté une série de six épreuves : Asil doit réaliser la dernière clause du testament de Constantin XI. D’abord, aller au Musée d’Antioche à la recherche d’un petit morceau de métal dissimulé dans une œuvre afin de récupérer le premier indice du puzzle pour résoudre l’énigme… Il a un an d’apprentissage pour réussir ces épreuves et devenir le maître d’une « fortune incommensurable ».
Parallèlement, Asil part aux Etats-Unis, sur la trace de Paul Hackett, ce père américain «indigne » qui les a abandonnés, sa mère et lui.
Le narrateur se -et nous- plonge dans l’histoire de sa ville adorée Constantinople, vrai personnage du récit. Il étudie toute la chronologie de son pays, découvre qui fut son ancêtre. Bien que le livre ne soit pas un roman classique avec une vraie intrigue et des personnages, on est captivé. C’est un roman initiatique plaisant, un cours d’histoire intéressant, dépaysant et jamais ennuyeux.

Dickey, James. - Délivrance. - Gallmeister. - Traduit de l'américain. -274 p. - 23€
Réédité avec une nouvelle traduction de Jacques Mailhos, Délivrance a été publié en 1970, obtenu le Prix Médicis étranger en 1972, et a été adapté la même année par le réalisateur John Boorman.
Quatre citadins, Ed, Lewis, Bobbie et Drew, décident, malgré leur inexpérience, de descendre en canoë, le temps d'un week-end, la rivière qui traverse une vallée qu'un lac artificiel doit bientôt immerger. L'expédition vire au cauchemar quand ils rencontrent deux hommes dans la forêt.
Dans ce récit, règne une tension dramatique inouïe, qui atteint son paroxysme lorsqu’Ed part seul, de nuit, retrouver l'un des deux hommes qui les ont agressés. Le dénouement semble si paisible -alors que trois hommes sont morts et que l'un est grièvement blessé- qu'il en est presque brutal.
James Dickey« filme » la tragique randonnée caméra au poing, s'attardant sur la moindre aspérité de la montagne, le moindre souffle de vent, pour souligner la beauté et la puissance de la nature, décomposant les mouvements et les pensées en plans rapprochés. Le récit est violent et éprouvant, l'écriture somptueuse.

Dietrich, Pascale. - Le homard. - In8. - 92 p. - 12 €
Habituée des tombolas bretonnes dans lesquelles elle revend des objets insolites, Camille a gagné cette fois-ci un homard. Ebouillanter la bête ? : impossible ! Camille s’ennuie aux côtés de son mari et décide donc de faire du crustacé un véritable animal domestique et confident.
A cause d’une vis coincée dans la tête après un accident de moto, Pierre est devenu taciturne, solitaire et distant. Obsédé par les lignes droites et les constructions ordonnées, son souhait serait d’acheter une maison exempte d’anglesen bord de mer. Mais contrairement aux Anglais et aux parisiens, Pierre n’a pas les moyens de s’offrir une telle habitation…
Parallèlement à cela, un inspecteur enquête sur plusieurs assassinats dans les environs, dont celui d’un Anglais…
Un premier et petit roman agréable à lire, qui mêle roman noir et humour avec justesse.

Ernaux, Annie. - Retour à Yvetot. - Mauconduit. - 80 p. - 9 €
Annie Ernaux se raconte. Elle revient à Yvetot, et témoigne de son expérience d’auteur, de l’influence de son enfance et de son adolescence à Yvetot. Elle partage les anecdotes les plus touchantes et les plus marquantes qui ont fait d’elle l’écrivain accomplie qu’elle est aujourd’hui.
Le livre, très court, est agréable à lire. D’une part, pour son écriture, d’autre part, pour les photographies qui complètent les mémoires de l’auteur.
Une traversée du XXe siècle amusante et émouvante.

Farooki, Roopa. - Les choses comme je les vois. - Gaïa. - Traduit de l'anglais (Inde). -312 p. - 22 €
Yasmine est atteinte du syndrome d’Asperger, une sorte d’autisme. Son frère Asif et sa sœur Lila supportent cet handicap depuis la mort de leur mère quelques années plus tôt. Toute leur enfance a été phagocytée par les soins et précautions qu’on devait prendre pour Yasmine. Aller au restaurant ou à la piscine leur était impossible. Une bonne partie des choses que ne pouvait/voulait pas faire Yasmine leur était également interdite.
Ce roman à trois voix, sur la fratrie, le handicap, le passage à l’âge adulte et la rédemption, est particulièrement réussi. Il est intéressant de se mettre à la place d’un « Asperger » et finalement par certains côtés, de s’en sentir proche !

Funder, Anna. - Tout ce que je suis. - H. d'Ormesson. - Traduit de l'anglais (Australie). -491 p. - 23 €
Cette Australienne a publié en 2008 une remarquable enquête sur la Stasi en allant à la rencontre des victimes et des indicateurs de la police politique allemande.
Dans ce roman bien documenté, inspiré d'une histoire vraie, elle évoque à travers les destins de quatre amis, la montée du régime nazi, la persécution des intellectuels et des militants de gauche des années 1920 à 1940.
Les voix et les époques s'entremêlent : celles de Ruth à la fin du XXe siècle, et celle d’Ernst en 1939. Tous deux racontent comment l'avènement d'Hitler a bouleversé leur vie. Persécutés après l'incendie du Reichstag, ils émigrent en Angleterre, où ils n'ont de cesse d'alerter le monde sur les desseins du IIIe Reich. Mais leur statut de réfugié les oblige à la clandestinité, et comme l'Angleterre n'a pas encore compris le péril représenté par l'Allemagne d'Hitler, leur parole est mise en doute.
Anna Funder a voulu rendre hommage à leur courage, et dresse un portrait émouvant et fort de ses héros, dans le sacrifice comme dans la trahison.

Garat, Anne-Marie. - Tranquilles. - Alter Ego. - 72 p. -11,50€
Un soir d’automne, le narrateur va retrouver son père qui vit, solitaire, dans les bois. Le vieux Taiseux l’accueille avec sa carabine. Le fils ne sait pas comment lui dire l’indicible… Comment renouer des relations distendues depuis longtemps ?
Un texte court mais percutant ! Un roman à lire avec le cœur, à voix haute, il y a de la poésie dans cette plume! Ce récit, brut, est un véritable hymne à l’amour universel: celui de la nature, omniprésente, belle et cruelle à la fois, d’une beauté à couper le souffle que les mots ne peuvent exprimer. Amour filial aussi, ce père taiseux et brusque, ce fils citadin qui souffre encore, à l’âge adulte, de son absence, comme un orphelin saigne de plaies toujours ouvertes… Amour du vieil ours solitaire qui cache, au fond de son portefeuille, la photo de la seule femme qu’il ait aimée, alors qu’il exhibe les posters de stars des années 50!
Le récit, magistral et envoûtant, demeure longtemps dans l’esprit du lecteur. Il faut ajouter que l’auteur est également photographe, d’où son style « visuel ». Elle enseigne, en outre, le cinéma : ce petit roman ferait un synopsis excellent !
En attendant, c’est un livre parfait ! Çà fait du bien en ces périodes d’écriture « commerciale ».

Hamelin, Simon-Pierre. - 101 rue Condorcet à Clamart. - La différence. - 94 p. - 12€
En lisant une bibliographie de Marina Tsvetaeva, l’auteur a découvert qu’enfant,ila habité à Clamart en face du 101 Condorcet, là où la poétesse a vécu 20 ans avec son mari et leurs deux enfants.
Le roman s’articule autour de l’attente d’un huissier, ce qui permet à l’auteur de décrire la vie misérable de cette famille et leurs rêves.
Bien construit, agréable à lire ce court roman intéressera les lecteurs qui sont sensibles à la culture russe, à cette poétesse et aux conditions de vie en France.

Heyns, Michiel. - Un passé en noir et blanc. -P. Rey. - Traduit de l’anglais (Afrique du Sud). - 317 p. - 20 €
Auteur d'un premier roman remarqué, et de La dactylographe de Mr James, lauréat de plusieurs prix, Michiel Heyns se place au premier rang des écrivains sud-africains.
Peter Jacobs, écrivain et journaliste sud-africain installé à Londres, revient en 2010 dans sa ville natale, pour écrire sur l'assassinat de sa cousine Désirée, mariée au chef de la police locale. Désirée a fait scandale en épousant un officier de police noir, devenu le suspect de son assassinat. C'est ce qu'affirment la police et la population blanche. La jalousie est-elle le mobile ?
Très vite, les souvenirs de Peter affluent... Dans une atmosphère où le racisme n'a pas disparu, il tente de comprendre ce qui s'est passé. Au fil des rencontres, il retrouve son meilleur ami, Bennie, issu de milieu défavorisé, devenu flic chargé de l'enquête. Il constate avec surprise que Bennie l’idolâtrait, et tient toujours son avis en haute estime.
En bon journaliste, Peter analyse ce fait divers à travers les récits de proches. Personne n'a accepté le mariage entre un flic noir Hector Williams et une belle femme blanche. Pendant dix jours, il rencontre les différents protagonistes afin de vérifier son hypothèse. Tout au long du récit, nous nous demandons qui a commis ce crime, et le dénouement sera stupéfiant.
Peter, qui venait en spectateur, affronte le passé, se retrouve pris au piège, et ne ressort pas indemne. C'est le côté universel de l'introspection pour qui se retrouve face à son passé. Qui avons-nous vraiment été l’un pour l'autre ? Quelles influences avons-nous eues sur l'autre ? Qui serais-je devenu si j'étais resté ? Mes sentiments actuels sont-ils les mêmes ? Nonyameko, jeune psychologue noire rencontrée par hasard, avec qui il va nouer de vrais liens, l'aide à s’en sortir.
Un passé en noir et blanc est le difficile cheminement d'un homme de retour dans son pays, qui a du mal à s’assumer et cache son homosexualité. Un livre poignant.

Jacq, Christian. - Champollion l’Egyptien. - J Editions. - 442 p. - 21€
En 1828, sous la Restauration, Jean-François Champollion, qui a déjà réussi à déchiffrer les hiéroglyphes de la pierre de Rosette, obtient enfin la possibilité de découvrir l’Egypte en montant une expédition avec deux savants italiens. Dans cette biographie romancée, il raconte son voyage à sa fille sur son lit de mort, en 1832 à 41 ans.
Comme dans un conte, il doit subir de nombreuses épreuves de gens qui ne veulent pas de sa présence en Egypte : les trafiquants d’œuvre d’art qui pillent les sites, les jalousies des égyptologues, les politiques égyptiens qui le tracasseront pendant les 17 mois de l’expédition.
La superbe fille de son rival scientifique anglais fait aussi partie de son expédition et tentera de le séduire en vain.
Nous embarquons sur le Nil pour une aventure étonnante et qui a dû être fascinante pour les protagonistes émerveillés par les paysages hiératiques et l’attente de découvertes dans leurs fouilles. On ne peut qu’admirer la personnalité de Champollion et son acharnement à sauver, découvrir et communier avec l’Egypte ancienne.
L’intérêt littéraire est limité, C. Jacq passe d’un langage romantique à un langage efficace en permanence. On n’apprend rien de nouveau dans le roman, mais on a la vision de l’époque, la découverte des sites et la façon dont l’expédition était organisée et financée. Sur la vie du héros, on n’apprend pas grand-chose de la période antérieure à l’expédition. Mais il y a une admiration pour le personnage et un souffle d’amour pour le pays qui est touchant, même s’il est un peu trop exalté.
Le roman a déjà été publié en 1987 et existe en poche.

Jaumann, Bernhard. - L’heure du chacal. -Masque. - Traduit de l’allemand. - 280 p. - 21 €
Né en 1957 en Allemagne, cet ancien professeur d’histoire et d’italien vit en Namibie. Il a publié de nombreux romans policiers, dont certains ont été couronnés de prestigieux prix. L'heure du chacal est son premier roman édité en France. Il a reçu le Prix du meilleur roman policier en Allemagne en 2011.
L’intrigue se déroule en Namibie, ex-colonie allemande, une vingtaine d’années après l’Indépendance. Dans ce pays marqué par l’apartheid et l’occupation sud-africaine, l’assassinat politique non élucidé d’Anton Lubowski ressurgit à mesure que les anciens suspects, liés aux services secrets sud-africains, sont exécutés à la kalachnikov par un tueur insaisissable.
En 2009, en Namibie, Abraham van Zyl, un blanc, surnommé Slang, le serpent est abattu chez lui à l’AK-47. C'est le premier meurtre d’une série sans doute en rapport avec l'assassinat d'Anton Lubowski, avocat issu de la bourgeoisie blanche, qui luttait pour l’indépendance et la fin de la discrimination raciale, survenu vingt ans plus tôt. Son milieu le considérait comme un traître.
Ensuite,ChappiesMaree, un vieil ami de van Zyl, est tué par la même arme, puis un autre homme se fait abattre. Qui décide de venger Lubowski, et pourquoi maintenant ?
ClemenciaGarises, jeune inspectrice de police noire « surdiplomée » enquête, aidée de Claus Tiedtke, séduisant journaliste. Elle vit dans un township, et doit cohabiter avec sa famille de dix personnes. Ce personnage est attachant, et sait faire preuve d’opiniâtreté.
On suit tantôt l’enquête de Clemencia, tantôt les pas du tueur anonyme qui poursuit sa tâche, tantôt des extraits du dossier Lubowski, une affaire réelle non résolue.
Un auteur digne de faire concurrence à Deon Meyer.Un roman classique, mais intéressant par son contexte.

Jensen, Flemming. - Maurice et Mahmoud. - Gaïa. - Traduit du danois. - 204 p.-19 €
Flemming Jensen est né en 1948 au Danemark. Il est connu pour ses one-man-shows et ses sketches radio ou télé.
Maurice est un comptable d'une cinquantaine d'années. Il est aussi en pleine procédure de divorce. Mahmoud, jeune geek romantique et idéaliste, est son assistant. Maurice va vivre chez Mahmoud, après avoir été mis à la porte par sa femme. La cohabitation se révèle vite originale, drôle, et parfois tendre entre ces deux personnalités si différentes.
L'auteur souligne avec un humour décapant les préjugés que les uns ont envers les autres, à travers des situations mettant en avant les différences culturelles, religieuses et générationnelles. Et au final, les deux hommes s'entraident et deviennent amis.
Avec Maurice et Mahmoud, l'auteur trouve un nouvel espace pour exprimer son humour avec talent dans des situations frôlant l'absurde.
Une lecture qui fait du bien en ces temps un peu ternes.

Legrand, Dominique. - Le sang du goanna. - Bruit Blanc. - 558 p. - 14€
Le goanna est un lézard d’Australie,totem des Aborigènes, mais ce thriller n’est pas qu’australien. Plusieurs crashs et disparitions en différents points du monde font démarrer l’intrigue sur les chapeaux de roues. Tous les témoins sont assassinés. Au départ, on est en face de deux affaires : des crashs d’avions et des disparitions de mères et de leur enfant à Paris et à Venise. Enquêtent à Paris, David le mari, et aux USA, Michael devenu spécialiste de ce type de recherches dont l’amie est morte dans un crash, il y a plusieurs années. Aux Pays-Bas, un trio de tueurs, appartenant à l’Organisation liée à la CIA, met le feu à une discothèque. Pourquoi? Dans le désert d’Alice Spring, un homme voit des gouttes de sang tomber du vide.
Petit à petit, l’intrigue se ramifie ; les protagonistes se rencontrent et confrontant les résultats de leurs investigations, commencent à élaborer une histoire qui relie tous les éléments. On voyage en Italie, au Maroc, aux Etats-Unis et tous se retrouvent à Alice Spring, enquêteurs, journalistes engagés dans l’histoire et le trio infernal.
A ce moment, on entre un peu dans l’anticipation avec l’existence d’un laboratoire très particulier et très secret, financé par la CIA.
C’est un thriller que l’on ne peut pas lâcher malgré les 550 pages ! Le tricotage des différents éléments est remarquable et tient vraiment la route. Les personnages sont intéressants et de tous horizons. Les relations sont très humaines, et on s’attache au devenir de tous. La fin en forme d’anticipation m’a un peu déçue, face à la rigueur réaliste du roman, mais c’est un superbe thriller.

Lennox, Judith. - Mes sœurs et moi. - L’archipel. - Traduit de l’anglais. - 518 p. - 24 €
Dans la famille Maclise, le père est un industriel parti de rien, la mère est dépressive depuis la naissance de son septième enfant, il y a dix ans et les sept enfants dont quatre jeunes femmes nées avant la Première Guerre mondiale : Iris est belle, elle le sait, et mène ses prétendants  par le bout du nez ; Marianne, la si jolie, si douce, si passionnée et si discrète ; Eva, l’artiste, et Clémence, la dévouée. Autour d’elles, il faut également compter leurs parents et les trois frères. Quand les ainées partent à Londres pour devenir infirmière (Iris), se marier (Marianne) ou entrer aux Beaux-arts (Eva), Clémence prend en charge la vie de la maison. C’est tout leur devenir, leurs préoccupations, leurs amours et leurs questionnements qui vont nourrir le livre.
Ce roman sensible, charmant, jamais mièvre, avec des personnages attachants bien campés, qui grandissent sous nos yeux, est un bon moment de lecture, qui tient la route du début à la fin. Je n’ai pas lâché ces quatre sœurs!

Ley, Rosanna. - La villa des secrets. - City. - Traduit de l’anglais. - 477 p. - 21 €
Auteur de romans mettant en scène des familles et leurs secrets. Elle est traduite dans une dizaine de pays.
Tess reçoit une mystérieuse lettre l’informant qu'elle hérite de la Villa Sirena, propriété d’un certain Edward Westerman en Sicile, à condition d’aller la visiter. Cet Anglais, poète homosexuel exilé, n’est pas un inconnu pour sa mère ; Flavia est ébranlée par la nouvelle, mais refuse toujours de parler du passé. Tess veut comprendre le lien entre sa famille et la maison.
Elle découvre une villa somptueuse, avec une vue sur mer à couper le souffle. Elle est escortée par Giovanni, très intéressé par la jeune femme, la maison et son trésor... Tonino, le mosaïste beau ténébreux, aurait volé sa famille. Evidemment, les deux hommes souhaitent conquérir le cœur de l’étrangère, tandis que leurs familles se vouent une haine féroce depuis la guerre.
Lors des retours dans le passé (en italique), le lecteur apprend quel fut le rôle d’Edward Westerman dans la vie de Flavia, et les raisons de son départ pour l’Angleterre.
Un roman grand public tout à fait agréable, plein de couleurs et de saveurs siciliennes, pour prolonger les vacances.

Mac Kinley, Tamara. -Les pionniers du bout du monde. -L’archipel. - Traduit de l’anglais (Australie). - 458 p. - 22 €
Sydney, fin du XVIIIe siècle : George Collinson, fringant marin, mais aussi entrepreneur avisé, tombe amoureux de la douce Eloïse, une femme mariée. C’est le coup de foudre. Hélas, le mari de cette dernière, Edward Cadwallader-un militaire qui a du sang sur les mains- est un homme violent et sans scrupules. Ils ont trois enfants, et bien qu’elle soit très malheureuse en ménage, Eloïse a peur de quitter Edward. Les deux amants parviendront-ils à se retrouver?
Dans le même temps, de nombreux pionniers, souvent venus d’Angleterre comme la courageuse Alice, luttent pour acquérir ou sauvegarder des terres, et parfois en chasser les Aborigènes…
Cette saga foisonnante raconte la vie (et les rêves) des premiers colons australiens d’une manière très romancée, mais pas forcément très nuancée. Ce livre a tout à fait sa place dans une bibliothèque municipale et devrait ravir les amateurs de romans sentimentaux.

Mac Veigt, Jennifer. -La route du Cap. -Les Deux terres. - Traduit de l’anglais. - 414 p. - 20 €
Dans l’Angleterre du XIXe siècle, Frances a grandi, choyée par son père. Quand ce dernier meurt, couvert de dettes, sa vie bascule ; elle doit partir en Afrique du Sud épouser un cousin médecin, Edwin. Lors du long voyage en bateau, elle est séduite par un élégantjeune homme qui lui fait miroiter une belle vie. Sur le point de renoncer au mariage, elle voit son amoureux avec une autre, plus riche…
Elle part rejoindre Edwin dans la campagne, pour une vie à laquelle son éducation bourgeoise ne l’a absolument pas préparée. Peu à peu, elle s’y habitue et, même, se découvre de l’amitié pour Edwin qui n’est pas un mari exigeant. Seulement, ce dernier se préoccupe d’une épidémie de variole qui ferait échouer la vente de parcelles aux chercheurs d’or et de pierres précieuses et ferait fuir les ouvriers qui les extraient. Edwin s’oppose aux hommes qui en détiennent le marché, et parmi eux, se trouve William qu’elle ne peut oublier. Elle finit par quitter Edwin pour lui, et se retrouve dans une situation dramatique puis elle attrape la variole. Elle s’en sort, et cherche une rédemption en travaillant courageusement dans une ferme. Tout se termine bien, car Edwin veillait de loin sur elle…
C’est un bon roman sentimental avec tous les ingrédients et, en plus, un aperçu de la vie en Afrique du sud, de la cohabitation entre les boers et les Anglais, du mirage que l’or représentait et qui attiraient des personnes sans scrupules. Le trajet en paquebot occupe une grande place du récit ; les rencontres, les liens qui s’y nouent ; les différentes classes sont très romanesques. Les personnages secondaires ont de la consistance, les amies rencontrées durant la traversée sont retrouvées dans leur nouvelle vie. Frances, malgré son obstination à ne pas voir la réalité, est attachante et son évolution crédible. Un bon roman sentimental !

Maurice-Kerimer, Hélène. - Le roman de Charlotte Corday. - Rocher. -264 p. - 21€
Plus qu’une biographie romancée sur l’assassinat de Marat, ce roman est le journal imaginaire d’une jeune normande à l’époque révolutionnaire dans un milieu de petite noblesse de province.
Charlotte de Corday d’Armont est l’arrière-petite-fille de Corneille,dont un vers différent d’une de ses pièces est mis en exergue de chacun des chapitres. Son père, cadet, se retrouve à faire vivre chichement sa famille en raison du droit d’aîné qu’il combattra toute sa vie. Charlotte a eu une bonne éducation, a passé un an, encore très jeune chez son oncle curé de campagne qui lui a beaucoup appris. Puis, la famille s’est installée à Caen. Charlotte est entrée au couvent où elle finit par obtenir des responsabilités « administratives et comptables » en raison de ses compétences. Grâce à ses visites à son père, devenu veuf et toujours dans ses livres de droit, elle découvre Montesquieu et Rousseau. Elle suit l’actualité : la prise de la Bastille, les Etats généraux, dont son père fait partie. Puis, elle vit la fermeture de son couvent et les atrocités des ultras. Trop indépendante à 25 ans pour retourner chez son père, elle s’installe chez une vieille cousine en ville. Ses frères, ayant choisi l’armée, s’exilent.
Elle est affreusement déçue par l’évolution politique du pays et, surtout, par l’exécution de la famille royale, bien qu’elle reconnaisse les insuffisances du roi.Sa décision est prise : pour elle, la mort de Marat renversera le cours de la Révolution. Elle prend la diligence pour Paris…
Le mécanisme du choix de Marat n’est pas vraiment explicité, mais l’est-il ? Egalement, Charlotte ne saisit pas que cela ne suffira pas, mais elle sait qu’elle ira à l’échafaud.
C’est un roman historique très intéressant dans son témoignage sur la vie provinciale de Normandie, sur la prise de conscience et l’éveil aux idées nouvelles. Il est aussi intéressant de voir l’éducation des filles de famille et comment elles pouvaient être au courant des événements politiques et se forger une opinion par elles-mêmes. C’est, aussi, grâce à sa personnalité forte, curieuse et indépendante que Charlotte Corday a eu ce destin.

Razumovsky, Dorothea. - Les biscuits du bonheur. - Buchet Chastel. - Traduit de l’allemand. - 188 p. - 18 €
Maria est octogénaire. Elle décide de quitter sa maison de retraite en Allemagne pour partir dans l'Altaï rejoindre Vova son petit-fils de cœur, rencontré alors qu'il vivait en Allemagne. Elle reste auprès de lui dans l'idée de lui assurer un avenir, agissant ainsi comme Baboulia, la grand-mère disparue du jeune homme. Maria va alors découvrir l'histoire de Baboulia et sa recette particulière des biscuits du bonheur.
Livre fantasque et tendre, abordant la relation entre un jeune homme un peu perdu et démuni, et une vieille dame pleine de ressources et de vitalité.
En découvrant cet ouvrage, le lecteur pense aussitôt au Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversairedeJonas Jonasson, et prend plaisir à suivre les aventures rocambolesques de cette Maria au fin fond de la Sibérie.
Livre plaisant à lire, abordant avec intérêt tout un pan de l'histoire de la communauté allemande de Russie.

Renault, Murielle. - A qui le tour ?. - Le Dilettante. - 150 p. - 19 €
Cinq grands gagnants du loto voient leur vie basculer du jour au lendemain. L'argent ne fait pas le bonheur mais y contribue ? Pas si sûr…
La Française des Jeux a appelé ses millionnaires pour qu'ils échangent régulièrement leurs expériences... Comme dans une grande famille, ils se rencontrent pour passer du temps ensemble et mieux se connaître. Sauf que la liste des heureux élus devient maudite car la richesse les rend malheureux. Chantal, pensant acheter l'amitié et l'amour de sa famille, est abandonnée par tout le monde, Roger sombre dans la maladie d'Alzheimer sans avoir vraiment profité des gains, la nouvelle situation très prometteuse de Bruno n'impressionne ni sa fille ni son ex-femme, Tony, de plus en plus violent, termine en prison, Capucine fuit la France et... c'est encore elle qui s'attache le moins à l'argent qui s'en sort le mieux de tous.
Une belle leçon de morale sur le sens du bonheur, sur la solitude, sur l'ironie d'être riche.
Ce roman rapide, à plusieurs voix, nous fait passer du rire aux larmes.

Robinson, Roxana. - Sweetwater. - Buchet Chastel. - Traduit de l’américain. - 510 p. - 24 €
Née en 1946 dans le Kentucky, Roxana Robinson a étudié la littérature. Romancière, nouvelliste, journaliste, essayiste et biographe (livre sur Georgia O’Keeffe considéré comme une référence) (Jours toxiques, recommandé par la LGL) et professeur d’écriture à New York. Elle écrit aussi sur les jardins et rédige des chroniques sur les livres.
Sweetwater se déroule dans les forêts et lacs de l’Adirondack dans l’Etat de New York. Lors des vacances estivales, Isabel découvreSweetwater, le chalet familial de son mari Paul Simmons, la cinquantaine, qu’elle vient d’épouser.
Elle met tous ses espoirs dans ce mariage après deux ans de deuil éprouvant, mais elle a du mal à entamer une nouvelle relation. Le temps des amours folles est passé, elle préfère rechercher l’affection, « çà marchera peut-être », tel est son refrain… Isabel travaille dans l’écologie, d’où de nombreuses descriptions consacrées à la nature.
Le pavillon a une vue magnifique sur le lac ; la maison d’origine date des années 1890, lui ont été ajoutés trois chalets pour les enfants. Paul a un frère Whitney, qui vient les rejoindre. Une tension existe entre eux depuis des années ; même les parents ignorent ce qui s’est vraiment passé. Ce cadre bucolique propice au repos va se transformer en prison d'où personne ne sortira indemne, où les rancœurs et non-dits vont exploser, tout comme la nature qui va se rebeller dans une scène finale grandiose.
Alternant entre présent et passé, c'est l'histoire de ce couple recomposé et de la rivalité des deux frères, qui défilent devant nous. Un roman à la fois apaisant et puissant.

Samartin, Cécilia. - Rosa et son secret. - L’archipel. - Traduit del’américain. - 534 p. - 24 €
Suite de La belle imparfaite.
Dans l’Espagne paysanne de la Mancha, une famille subit le mauvais œil. En effet, Rosa, la plus jeune des trois filles, a une horrible marque sur le dos qu’elle essaie de cacher, mauvais sort jeté in utero par une gitane. Suite à un épisode de découverte violente et publique de cette marque, elle s’enfuit et se réfugie chez des gitans. Pour eux, cette marque est une bénédiction, la source de pouvoirs précieux. Après des péripéties, elle se retrouve sur le chemin de Compostelle, où elle rencontre Antonio, El Pélégrino, son alter égo, promis par les légendes gitanes. Hélas, la perfidie humaine en la personne d’une belle créature jalouse, Jenny, et d’un homme qui la veut, les sépare.
En parallèle, environ quarante ans plus tard, l’action se situe en Californie. Nous retrouvons El Pélégrino et une jeune fille, Jamilet, qu’il considère comme sa petite-fille. Jenny et Antonio se sont mariés,puis séparés. Rosa a élevé l’enfant d’Antonio toute seule, et Jenny a continué ses actions malfaisantes, sous le nom de madame B. Tous se retrouveront de nouveau dans la Mancha pour un dénouement assez extraordinaire et onirique.
C’est facile, il y a tous les ingrédients pour séduire le lecteur : de belles jeunes femmes à fort tempérament, émotion, suspense et rebondissements en font un bon roman sentimental touffu, mais qu’on ne lâche pas. Ce que j’ai moins aimé, c’est un coté « Coelho », paroles de sagesse, le mystère des gitans etc…

Selek, Pinar. - La maison du Bosphore. - L. Levi. - Traduit du turc. - 318 p. - 21 €
Il nous reste un demi-espoir….Quatre jeunes turcs se débrouillent comme ils peuvent après le coup d’Etat de 1980. Tous originaires d’un des plus anciens quartiers d’Istanbul, ils gèrent comme ils peuvent leurs amours naissantes, leurs peurs, notamment quand les parents ont été tués et torturés par la junte, leurs choix professionnels, la condition des femmes, l’oppression politique…..
Ce premier roman décrit avec finesse et précision les interrogations d’une jeunesse écartelée entre le désir de liberté et les conditions sociales. Ces jeunes doivent faire des choix, vivre et survivre, étudier, voyager ou devenir révolutionnaire, dans un contexte très difficile.
L’auteur réussit à nous plonger dans Istanbul, ses méandres, ses vies et son quotidien. Au fur et à mesure de la lecture j’ai été happée par ces jeunes gens, par leur histoire et leur devenir. Et malgré les prénoms qui se mélangent parfois, la curiosité, la qualité de l’écriture et l’ambiance d’Istanbul bien décrite rendent ce livre tout à fait agréable.

Selmi, Habib. - Souriez, vous êtes en Tunisie !. - Actes Sud, Sindbad. - Traduit de l’arabe. - 170 p. - 20 €
« Souriez, vous êtes en Tunisie ! »est un slogan publicitaire, proclamé par un enfant souriant qui offre un bouquet de jasmin à tous ceux qui le regardent. On ne peut le manquer, puisqu’il figure sur des affiches géantes qui appellent le touriste à venir visiter le paradis Benali ! Parfait résumé pour ce livre percutant : ce slogan apparaît, sous le stylo-scalpel de l’auteur, journaliste, bien mensonger.
Le narrateur vit en France depuis des années. Enseignant, marié à une Française, bien installé dans un monde démocratique et occidental, le voici, « touriste » dans le pays de ses ancêtres. Absent depuis cinq ans, il a fui sapatrie pour étudier en toute quiétude, celle que ne garantissait pas le régime de la famille Benali…
La Tunisie qu’il retrouve n’est plus celle qu’il a connue : Tunis ? Il ne la reconnaît pas. Son frère aîné, opposant hier, est aujourd’hui chef d’entreprise affilié au parti au pouvoir. Le frère qui l’héberge est devenu croyant; sa femme, autrefois jeune et insouciante, porte le voile et impose des règles de vie strictes. Attention aux voisines: il ne faut pas regarder les femmes seules que l’on croise dans l’escalier.
L’auteur décrit la Tunisie d’avant la Révolution: un État policier, où tout le monde surveille tout le monde, la corruption étatisée, une misère visible, l’hypocrisie générée par la peur… L’atmosphère est lourde de silences, de frustrations, de manque de liberté, mais, surtout, d’absence totale d’espoir… Fidèle témoignage d’une Tunisie à bout, il faut lire cet ouvrage sans plus tarder.Il rend plus humain et plus intelligent !

Thuy, Kim. - Man. - L. Lévi. - 143 p. - 14,50 €
Après le succès de Ru, Kim Thuy, revient avec un petit roman plein de saveurs et d’aigreur.
Il s’agit du destin d’une femme vietnamienne, qui a immigré au Québec pour rejoindre son mari restaurateur.
Ce n’est pas tant l’histoire qui marque, mais surtout la finesse avec laquelle elle est narrée. L’écriture, elliptique, poétique et pudique adoucie le quotidien banal de cette femme.
Un roman très doux sur l’identité et l’amour.