Sélection Petits éditeurs - mai 2018

BiB92 - Commission Petits éditeurs Mai 2018

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Le commissaire Paul Galapou est chargé d’enquêter sur le meurtre de Jean Léon Cavota, avocat spécialiste d’affaires délicates et passionné de tulipes. Est-ce une vengeance liée à une ancienne affaire ou un règlement de comptes entre collectionneurs ?
Paul part avec le lieutenant surnommé Botanicus au Jardin de Lalé, propriété de Cavota. La tulipe est appelée Lâléh en Turquie, dessinée sur les célèbres céramiques d’Iznik. On apprend au passage plein de choses sur ces fleurs. Les policiers interrogent le jardinier.
Les chapitres sont datés et précédés par une petite illustration de théière fleurie. Un joli petit roman carré, cousu, aux grandes marges, magnifiquement illustré par l’auteur.
Seconde aventure botanique hors du temps, surannée, on plonge avec délices dans ce jardin d’Eden. Un livre rafraîchissant et plein d’oxygène, une vraie lecture de printemps !
A lire d’urgence et à offrir à tous !
Allain, Marie-Thérèse. - Thé aux tulipes : une enquête au jardin de Lalé. - Petit Génie, Policier botanique (illustré), 2016. - 218p. - 14,50€

Liam Holm et son frère Roy Grist sortent de prison, sous liberté conditionnelle. Ils devraient se présenter au poste de police tous les jours à 18 h. Le sergent Moira, la fille de Liam, part à la recherche des deux frères quand ils ne se présentent pas au poste.
Les deux frères retrouvent les grandes étendues sauvages de Cairngorms, sur une île au nord de l’Ecosse. A plus de 70 ans, ils ont déjà mis au point leur prochain coup : récupérer l’argent qui leur revient. Eddie a envoyé son père en prison, son frère Johnny organise des combats de chiens avec l’aide d’une vétérinaire. Tous cherchent à se faire un maximum de blé, sans se soucier de la morale.
Plusieurs narrateurs racontent l’histoire au fur et à mesure : Liam, Roy, Moira, et son ex, Eddie. L'écriture est adaptée aux personnages bruts, c'est bien réalisé.
Un polar prenant, noir et âpre sur des règlements de compte entre parents et enfants.
« Sacré milieu de dégénérés, ce petit monde a été trié sur le volet et le casting est réussi. Les enfants sont aussi cinglés que les parents, violences, abus sexuels, domination, alcoolisme, magouilles en tous genres. » Babelio
Audru, Guillaume. - Les chiens des Caingorms. - Caïman. - 205p. - 13€

Nelly, jeune étudiante parisienne a deux secrets : la peur de prendre l’avion et un sérieux béguin pour son professeur de philosophie, avec lequel elle prépare son mémoire de fin d’études. Devenue son assistante, elle s’apprête à lui déclarer sa flamme, quand celui-ci annonce qu’il va se marier et briguer un poste à l’Université de Bologne.
Le sol se dérobe alors sous les pieds de Nelly. Cette dernière, qui croit au destin et aux signes, découvre, au même moment, dans un roman italien hérité de Claire, sa grand-mère, une phrase pour le moins obscure. Elle comprend que Claire aurait vécu un amour contrarié à Venise, soixante-trois ans plus tôt.
Voulant en savoir plus, la sage et réfléchie Nelly décide, sur un coup de tête, de prendre quatre semaines sabbatiques à Venise. Commencent alors pour la jeune femme, de longues semaines de vacances qui vont transformer sa vie.
Ce roman de détente fera voyager le lecteur dans l’espace et le temps. De la grisaille parisienne à la douceur vénitienne, vous découvrirez avec ravissement les rues secrètes de la Sérénissime, flânerez en compagnie de Nelly, sur la place Saint-Marc, pendant que Cupidon attendra tranquillement caché sur une gondole.
Une très jolie histoire d’amour, pleine d’optimiste.
Barreau, Nicolas. - Le café des petits miracles.- H. d’Ormesson. - Traduit de l’allemand. - 295p. - 18€

Le roman commence à la révolution qui a chassé le Shah d’Iran et à l’immense espoir qui fait battre le cœur des Iraniens. C’est un roman choral et nous commençons par le vécu du père. Il est très engagé dans ce qu’il attend de cette libération, mais déchante très vite. Ensuite, nous avons le vécu de la mère qui parle de leur exil en Allemagne, de son décalage avec la mentalité des Allemandes des années 1980-90 et de son mal à s’intégrer, malgré la gentillesse de leurs amis. Laleh, leur fille aînée a de vagues souvenirs de l’Iran, mais s’intègre bien et aide ses parents. Elle raconte un retour en Iran pour revoir leur famille, sauf Behsad, le père qui risquerait la prison. Bonheur de renouer, même instinctivement et brièvement, avec leurs racines. Morad, le fils, s’implique, en Allemagne, dans les manifestations étudiantes, tout en continuant à suivre la politique iranienne. La petite sœur, née en Allemagne, continue le combat en étant très activiste dans tous les groupes extrémistes de gauche.
C’est un roman dont les différents points de vue des personnages apportent plusieurs éclairages, mais il manque un liant et davantage d’interactions qui apporteraient de l’empathie. Certaines longueurs, aussi, nuisent un peu au récit. Mais cela reste une lecture intéressante.
Bazyar, Shida. - Les nuits sont calmes à Téhéran. - Slatkine et Cie. - Traduit de l’allemand. - 247p. - 21€

2013 : un amas de tôles froissées sur une route de l’île de Poel, une petite île de la mer Baltique. A bord du véhicule, deux sœurs, Sabina et Léa. Sabina meurt sur le coup, tandis que Léa, grièvement blessée, se réveille partiellement amnésique. De nombreuses questions assaillent Léa : pourquoi a-t-elle quitté l’Argentine, où elle vit depuis vingt-trois ans, pourquoi se trouvait-elle, avec sa sœur, sur cette île qu’elle avait quittée depuis tant d’années, juste après la réunification allemande ? Qu’est devenu Julian, son amour de jeunesse ? Pourquoi certains flashs la bouleversent-ils autant ?
Quatre mois après l’accident, Léa revient sur l’île pour tenter de reconstituer le fil de sa vie. Elle y retrouve ses amis d’enfance… Mais, lesquels sont encore ses amis ?
L’intrigue, maîtrisée, se construit autour de l’enquête de Sabina, venue enquêter quatre mois plus tôt sur la disparition de Julian, le fiancé de Léa, et l’enquête de Léa après son retour sur l’île.
Eric Berg livre, avec ce roman, un thriller psychologique très efficace. Il y a d’abord l’île, isolée, brumeuse, où tout le monde se connaît, où il y a tant de non-dits, de rancœurs inavouées. Les rebondissements sont nombreux, les personnages se dévoilent peu à peu et révèlent bien des surprises.
Un bon moment de lecture.
Berg, Eric. - La mémoire des morts. - Slatkine & Cie. - Traduit de l’allemand. - 380p. - 23€

Tout au long de sa vie, Marie-Hélène Coulanges, née à la campagne dans une famille pauvre, se sentira gênée par ses origines sociales, aussi bien dans ses relations personnelles, que dans son parcours professionnel. Marie-Hélène Coulanges, dite Marilène, vit sa vie d’enfant sans se poser de questions sur sa famille et sans savoir ce qu’être pauvre signifie.
A partir de son entrée à l’école, tout change. Dès lors, elle va se sentir différente et ressentir un malaise face au reste du monde, avec la sensation permanente de ne jamais pouvoir trouver sa place. Oscillant en permanence entre un désir d’ascension sociale, un sentiment d’illégitimité et celui de vraiment pouvoir choisir sa vie.
Stéphanie Chaillou signe un troisième roman d’une incroyable justesse et sensibilité. Son style concis et bref utilise la répétition à bon escient, servant à la perfection son sujet et son personnage.
CRITIQUE PAGE DES LIBRAIRES : AURÉLIE JANSSENS, Librairie Page et Plume, Limoges
«Marilène s’appelle en réalité Marie-Hélène Coulanges. Marie-Hélène est née dans une famille pauvre et dans les familles pauvres, on surnomme plus que l’on ne nomme réellement. Elle grandit au hameau de Brigneau. Quatre maisons dont la sienne, une demeure basse encadrée de deux pots de géraniums. La campagne. Un imaginaire surgit alors dans la tête du lecteur, entre Pagnol et Giono, les champs, les collines, une pauvreté en forme de quignon de pain dans la besace et d’eau fraîche dans le ruisseau, la liberté ! Pourtant, la pauvreté, sous la plume de Stéphanie Chaillou et dans la vie de Marie-Hélène, revêt un tout autre visage. Bien que présente dès sa naissance, elle n’arrive pas tout de suite dans sa vie. Lorsqu’elle quitte la maternité pour rentrer à Brigneau, Marilène a encore toute la vie devant elle, une vie à écrire, avec tous les possibles à envisager. Mais plus les jours avancent et plus son champ de vision, son champ d’action se rétrécissent. En grandissant, elle prend conscience du milieu dont elle est issue. Bien que brillante durant sa scolarité, elle comprend qu’elle n’a pas les mêmes armes que ses camarades. Pas les mêmes moyens dans tous les sens du terme. Elle devient alors étrangère, une intruse. L’envie lui prend de quitter sa famille pauvre, son milieu, son hameau, de se construire une vie, sa vie. Cette envie acceptée, elle n’appartient déjà plus vraiment à ce monde mais n’arrive toujours pas à entrer dans celui qu’elle convoite. Elle erre comme un fantôme dans cet entre deux mondes, comme une âme arrachée à la vie, à sa terre, qui n’aurait pas eu l’autorisation d’entrer au Paradis. Comme ces âmes, il lui reste une tâche à accomplir pour pouvoir partir en paix. Cette tâche, c’est sa vie, tout simplement. Ou plutôt un but, un sens à lui donner. Marilène va tâtonner, chercher, tomber, plusieurs fois, se relever. Stéphanie Chaillou déroule la vie de Marilène, une vie particulière qui trouve des échos dans de nombreuses existences. Précise comme une réalisatrice de documentaires à la Agnès Varda ou comme un peintre de vies à la Marie-Hélène Lafon, elle nous offre un roman d’une justesse incroyable, bouleversant, magnifique. »
Chaillou, Stéphanie. - Le bruit du monde. - Noir sur blanc. - 165p. - 14€

Premier roman agaçant, déconcertant, mais assez attachant, à l’image de son héroïne Camille, actrice en devenir. A la cinémathèque où elle est engagée le temps d’un contrat, elle rencontre Paul. Il rêve de tourner un film, énième version de l’Odyssée, mais centrée cette fois-ci sur l’attente de Pénelope, personnage principal de cette œuvre expérimentale. Une exposition consacrée à la chevelure au cinéma sera pour eux l’occasion de confronter leur vision du septième art et de la vie. Il la rêve brune, elle est blonde (d’où le titre). Tous deux sont mariés. Elle est amoureuse, lui est ébloui par sa beauté et sa personnalité, mais se refuse à franchir le pas. La fiction qui naît de leur rencontre se construit sous nos yeux. Ces deux cinéphiles avertis communiquent en saturant leurs échanges de citations et de références. C’est un peu énervant, mais finalement assez envoûtant. On se laisse prendre au jeu de cet amour fantasmé qui aiguise la créativité des deux protagonistes.
Danflous, Séverine. - Brune platine. - Marest. - 311p. - 19€

Le jeune narrateur, Juan de Figueras, qui se croit chrétien, est né à Séville, au XVIIe siècle. Son père l’envoie au collège du Saint-Sacrifice-de-la-Rédemption à Valence : Juan découvre un pensionnat misérable, un Padre cupide et méprisant, des condisciples cruels, une nourriture infâme, des punitions sévères courantes. De plus, l’abbé Fernandez est persuadé que l’enfant est un marrane. Ce statut est très peu enviable et Juan ignore qu’il est juif. Juan doit se débrouiller pour survivre. Le garçon s’enfuit, vêtu d’une soutane, et souhaite retourner dans sa famille, mais la route sera longue, parsemée d’embûches et de mauvaises rencontres. Devant toute cette méchanceté, il se détourne de Dieu et défend sa vie, par des façons peu recommandables : le jeune et naïf Juan s’endurcit et pratique désormais mensonge, fourberie, tricherie aux cartes, méfiance, mendicité, vols et arnaques en tout genre, usurpation d’identité de prêtre, ce qui lui attire des faveurs. Il traverse des lieux et des villes remplis de misère. Il cherche sans cesse de l’argent et de la nourriture. Partout, il faut cacher d’être un marrane pour ne pas se faire dénoncer. Portrait d’une humanité où ne règne aucune charité.
Dans cette suite d’aventures initiatiques, ou plutôt de mésaventures, à travers un pays étouffé par l’Inquisition, le héros est malmené, confronté à une nature humaine désespérante. En filigrane, cette épopée haletante raconte la difficulté d’être soi-même au sein de la société.
Roman découpé en sept livres et courts chapitres, sous titrés des principaux événements, comme dans tout bon roman picaresque. Lecture passionnante au style alerte et à la fin inattendue. On espère la suite de ces aventures à Salonique.
A recommander aussi aux ados.
Gattégno, Jean-Pierre. - Les aventures de l’infortuné marrane Juan de Figueras. - L’Antilope. - 442p. - 22€

Une confession pleine de verve et d'humour noir d'un jeune adulte qui a perdu sa mère à l'âge de sept ans et ne s'en remet pas. Ses propos sonnent comme un code de survie en milieu hostile, un appel à l'aide. Le narrateur, accro aux jeux, aux drogues, à l’alcool et à la pornographie se révèle voleur, manipulateur et violent.
Personnage affublé de théories fumeuses et féru de citations fantaisistes aux auteurs improbables, sociopathe limite psychopathe, complètement dingue ! Un vrai danger pour la société ! Antipathique et amoral à ce point c’est trop ! On ne fait pas mieux en termes d’anti-héros !
Roman hilarant et brillant. Vrai coup de cœur ; à lire absolument !
Goudreault, David. - La bête à sa mère. - P. Rey. - 235p. - 19€

Dans une ferme perdue entre des champs de lave et un rivage désolé, vivent une vieille femme travailleuse et courageuse, son mari, un bon à rien, son fils ne valant pas mieux et ses deux petites filles abandonnées par leurs deux mères, parties loin de cette solitude. Un jeune garçon fait le lien entre le village et la ferme. Nous sommes à la veille de la Seconde Guerre mondiale, puis en plein dedans.
Deux Anglais, venus en touristes, reviennent en soldats. Un Allemand en fuite se cache dans une grotte, faudra-t-il le dénoncer ? Le pays est occupé par les forces britanniques, puis américaines, place stratégique entre l’Est et l’Ouest, et le sera encore après, pendant la guerre froide.
C’est un texte âpre comme le pays, sec, pas de place pour la tendresse ; les personnages n’ont même pas de prénom. On voit le pays évoluer après la guerre, mais dans le sens de la déconstruction de ce qui restait de valeurs traditionnelles et d’un désir des jeunes d’acquérir ce qui leur parait le summum, à savoir les denrées et la façon de vivre américaine, même, travailler dans un abattoir à Chicago. Ce n’est pas réjouissant, mais, on est pris par l’Histoire et le charme noir de ces grands espaces sauvages.
Gudbergur Bergsson. - Il n’en revint que trois. - Métaillé. - Traduit de l’islandais. - 207p. - 18€

Elisabetta Shapiro est une vielle dame juive, qui vit seule dans sa grande maison, à Vienne. Sa famille, composée de ses parents et de Rahel et Judith, ses sœurs, tous sont morts à Auschwitz. Elle est la seule survivante.
Elisabetta passe ses journées dans son jardin, sous l’abricotier planté par son père. En compagnie des fantômes de ses sœurs, elle prépare des confitures, comme le faisait sa mère, pour se souvenir de son odeur et du temps où sa famille était heureuse. L’arrivée de Pola, une jeune danseuse allemande dans sa maison, sort Elisabetta de sa routine quotidienne. Pola fuit son passé. D’abord méfiante, la vielle dame va peu à peu apprendre à connaître la jeune fille et à l’apprécier. Au fur et à mesure, on comprendra qu’elles ont beaucoup plus en commun qu’on aurait pu l’imaginer...
Avec une écriture immersive, Beate Teresa Hanika plonge le lecteur, par intermittences, dans les pensées et les souvenirs d’Elisabetta et de Pola, faisant naître, sous sa plume, des couleurs, des odeurs et des saveurs. Au fil du livre, nous comprenons que Pola n’a pas non plus été épargnée par la vie. Passé, présent et mystères se mêlent sans cesse dans ce beau roman. La barbarie des hommes n’est jamais loin et peut renaître de ses cendres, tel est le message de ce livre. Les pages se tournent très vite : on a envie de connaître le lien existant entre les deux femmes, de percer le secret de Pola. C’est triste, c’est beau, c’est mélancolique.
A lire et à faire découvrir !
Hanika, Beate Teresa. - Le goût sucré des souvenirs. - Les Escales. - Traduit de l’allemand. - 262p. - 20€

Palestine – la source et le souvenir lointain et à la fois si proche. On aime y retourner, sentir le citron et la menthe, goûter des plats préparés en famille, respirer la nature ensoleillée.
Dans les trois nouvelles, les personnages vivant en Occident recréent leur patrie qu’ils gardent en eux. La langue est un lien avec le pays pour mieux exprimer le manque ressenti, Asma, « une sorcière d’Arabie » apportera de la magie sur l’île verte anglaise en se transformant en Shéhérazade. Le choc des civilisations est perceptible dans tout le recueil.
De très beaux textes, poétiques sur l’exil.
« Il lui a proposé d’aller à l’autre bout du monde pour comprendre pourquoi, quand elle était assise sous le figuier, le jardin et la maison lui manquaient comme s’ils n’existaient déjà plus. »
« Nous, oiseaux migrateurs, ne pouvons nous permettre d’oublier notre chemin, quand bien même nous ne l’emprunterions plus jamais. C’est notre seule chance de survivre. »
Kattan, Karim. - Préliminaires pour un verger futur. - Elyzad. - 128p. - 15€

Randolph Tiefenthaler vit à Berlin avec sa femme et leurs deux enfants. Sa vie bascule lorsqu'il rencontre son voisin Dieter Tiberius, un homme au comportement inquiétant qui le harcèle. Randolph réalise alors qu'il est prêt à tout pour protéger sa famille.
Ce roman fait entrer crescendo le lecteur dans une atmosphère pesante, angoissante. Il s’agit de harcèlement, et c’est de plus en plus lourd. Le titre « Peur » se justifie pleinement. Le narrateur parle à la première personne et l’on sent dès le début que tout cela va mal finir… Un suspense à la Hitchcock en somme !
Ce n’est pas un livre facile à conseiller : il est tellement bien composé que l’on se sent bientôt oppressé. Cardiaques s’abstenir, d’autant qu’il y a une surprise à la fin… Si vous ne me croyez pas, lisez ce livre !
Kurbjuweit, Dirk. - Peur. - Delcourt. - Traduit de l'allemand. - 237p. - 20€

Le temps des hyènes est le troisième volet de la série des polars coloniaux de Carlo Lucarelli, commencée désormais il y a plus de sept ans avec La huitième vibration. Les romans peuvent se lire indépendamment les uns des autres.
Après quelques pages, voilà en effet réapparaître le capitaine Colaprico et son adjoint Ogbà, le futé zaptiè (carabinier indigène), ainsi que la même atmosphère étouffante, asphyxiante des deux précédents volumes. Nous sommes en Érythrée, colonie italienne, dans les environs de la ville de Massaoua, au début du XXe siècle.
Un, puis deux, puis trois fermiers abyssins sont retrouvés pendus à l'arbre magique (un sycomore) du village d'Afelba. Le sort des indigènes inquiète peu leurs propriétaires et encore moins la garnison italienne installée tout près. Mais, lorsque c'est le corps du marquis Sperandio, le propriétaire des terres, qui est retrouvé pendu, une enquête est lancée. Le capitaine des carabiniers royaux, Colaprico et son fidèle assistant, Ogbà, son "Sherlock Holmes (et parfois Dr Watson) arrivent dans un piteux état, après des heures passées à dos de mulet…
Ce très bon polar nous tient en haleine tout du long. Il est mené tambour battant par nos deux enquêteurs hors normes, dans un décor original, avec une bonne dose d’humour !
Lucarelli, Carlo. - Le temps des hyènes. - Métailié. - Traduit de l'italien. - 189p. - 18€

A l’hôpital psychiatrique de Liège, « ville sans gouvernement depuis un an », Czesław Przęśnicki vient d’être interné. Ecrivain d’expression antarctique et ressortissant polonais, il écrit son deuxième roman « râté (d’avance ?) », dans la salle de bain de sa chambre qu’il partage avec un prêtre polonais, obsédé par la mort de son canari. Notre pauvre Czeslaw croise des patients dénommés Nabokov, Beckett, Ionesco, Cioran ou encore Conrad et Karen Blixen. Tout ce beau monde a en commun de suivre la « thérapie bartlebienne » imposée par la psychiatre de l’hôpital, afin qu’ils écrivent enfin dans « leur langue maternelle ».
J’ai beaucoup ri ; l’auteur joue sur le comique de répétition, le burlesque et l’absurde.
En 130 pages, ce premier roman est un clin d’œil à la littérature, et propose aussi un regard sur l’histoire contemporaine de l’Europe. Il nous renvoie à la question actuelle de l’identité et de la langue chez les migrants (écrivains natifs d’Europe de l’Est ou pas) !
Lun, Aleksandra. - Les palimpsestes. - Sous-sol. - Traduit de l’espagnol (Pologne). - 125p. - 15€

Dans la postface de son roman, l’auteur précise : "J'ai écrit ce roman en hommage à tous ceux qui sont obligés de quitter leur maison et de redémarrer à zéro".
En effet, les protagonistes, Afsana, ses parents et ses cinq frères et sœurs, fuient Kaboul sous les bombes, à bord d’un camion et du train, pour rejoindre la maison troglodyte des grands-parents, à l’autre bout de l’Afghanistan. Afsana, qui est une adolescente de 15 ans, raconte la tragique destinée familiale et sa décision de partir en Russie pour se reconstruire. L’action se situe en 1990, à l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir, la Russie semble devenir un pays plus libre et plus riche, donnant aux Afghans une perspective de réaliser leurs rêves. La jeune fille sait que la liberté n’est jamais gratuite et qu’il faudra des sacrifices pour l’obtenir. Elle voyagera seule, cachée sous la banquette du Transsibérien, sans billet, sans visa, sans bagages.
A travers ce roman, nous découvrons l’Afghanistan libre (souvenirs de la mère), envahi successivement par des communistes et par des talibans. Afsana raconte l’horreur qu’elle a vécue et qu’elle fuit. La maison bleue avec l’arbre de Judée qu’elle porte dans son cœur resteront ses repères et dévoileront un jour les secrets indispensables pour continuer à vivre.
Un roman d’apprentissage, sur l’exil, sur le sens de la vie.
Mac Veigh, Laura. - Sous les étoiles silencieuses. - Fleuve. - Traduit de l’anglais. - 333p. - 19,50€

Un roman fait en deux parties, pour deux époques : la Seconde Guerre mondiale, et la nôtre, marquée néanmoins par un événement imaginaire : une guerre civile provoquée par une loi interdisant toute boisson de plus de 9 degrés !) avec comme cadre principal la Bretagne.
Beaucoup de thèmes historiques liés à l’Occupation sont abordés dans la première partie : les Lebensborn, la résistance et les FFI, les femmes tondues, mais également la famille et ses secrets. Les vies de Perrine, Marcel, Marthe, Pierre vont finir par se mêler et dans la seconde partie, on retrouve les générations suivantes (et notamment Marc, Matthieu, Eve…) encore marquées par l’histoire de leurs grands-parents ou arrière grands-parents, avec, en prime, un nouveau combat à mener : celui contre la Prohibition en France ! Qui seront les nouveaux héros ?
Histoire émouvante, riche, de par la nature et la force des liens entre les différents personnages. La partie de la guerre civile m’a laissée perplexe (petite pointe d’anticipation surprenante), mais ne retire rien à l’humanité et à la tendresse de ce chouette petit roman.
Nicolas, Grégory. - Des histoires pour cent ans. - Rue des Promenades. - 275p. - 19€

Louise, jeune institutrice, apprend la mort dans un accident d’avion d’Iris, une comédienne qu’elle a connue quinze ans auparavant. Louise se souvient comment la jeune femme était un jour apparue dans son village des Pyrénées. Elle avait pris sous son aile la petite fille et avait marqué tous les habitants en organisant des lectures de textes, surtout des histoires d’amour, dans la librairie locale.
Une jolie petite histoire qui se déroule selon deux trames : la trame présente où Louise adulte revient dans son village et se souvient, et la trame du passé où l’on découvre l’influence d’Iris sur les habitants et quelles lectures elle a choisi.
Le récit est prétexte à des tournures de style travaillées, qui pourraient gêner un lecteur plus avide de péripéties. Malgré tout, l’histoire a une ambiance tendre, lumineuse et charmante et est un bel hommage aux livres.
Schréder, Ariane. - Et mon luth constellé. - H. d’Ormesson. - 252p. - 18€

Un jeudi, alors que le lieutenant Dapper enquête sur la disparition de deux garçons, sa femme lui apprend que Théo, son propre fils, n'est pas rentré de l'école. Quelque temps auparavant, tous les animaux d'un cirque installé pour Noël ont été décimés à la hache. Pour retrouver les enfants disparus, le lieutenant suit la piste offerte par une lettre anonyme.
Dès les premières pages de ce roman à l’intrigue pour le moins retorse, l’auteur nous plonge dans l’univers oppressant des hôpitaux psychiatriques pour enfants. Le décor est posé et l’atmosphère pesante subsistera jusqu’à la dernière page. Les points de vue des principaux personnages alternent, décrivant une sorte de labyrinthe où le lecteur va peu à peu voir poindre le dénouement.
Ce roman assez bref n’en demeure pas moins un roman très abouti, au carrefour du polar et du thriller psychologique. Idéal pour tous ceux/celles que les « gros pavés » impressionnent ou rebutent !
Sebhan, Gilles. - Cirque mort. - Le Rouergue, Noir. - 147p. - 17,50 €

Etienne Augoyart, journaliste, et Monica Jaget, photographe, parcourent Lyon pour retracer l’histoire des « Mères » de la gastronomie lyonnaise. Eugénie Brazier, Marie-Thé Mora, Léa Bidaut, etc…, toutes nées en fin de siècle dans de modestes fermes ont bataillé par ouvrir et maintenir leurs restaurants, y compris pendant la guerre.
Le récit oscille entre l’enquête des deux protagonistes pour reconstituer la vie de ces femmes et des passages narratifs parfois à la première personne pour raconter le quotidien des cuisinières et l’histoire de la ville de Lyon. L’introduction est un peu longue, mais le sujet est vraiment original et intéressant. Ces cheffes ne sont que peu connues hors de Lyon et ce livre vaut bien un petit détour.
Simon, Catherine. - Mangées. - S. Wespieser. - 260p. - 21€

POUR
Un vendredi 13, le patron d'une multinationale tombe d'une tour du quartier de la Défense (d’où l’illustration de la couverture) et le tueur rentre chez lui. Le commissaire Jasper enquête sur ce faux suicide.
Cette histoire est abandonnée dès le second chapitre, pour faire place au narrateur marxiste, qui décrit au vitriol, son enfance pauvre élevé par sa mère, ses relations avec les adultes qui "abusent" de lui (cf l’épicier, sa prof de latin), s'invente des métiers. Il nous fait voyager dans les îles.
Dans la seconde partie, le vrai polar démarre ! Le commissaire réapparaît et enquête sur la mort suspecte d'Aguila. Sa femme ne croit pas au suicide. Il y a déjà eu six suicides dans l'entreprise, dont celui d’Alexandre Herzog, qui a refusé d'entrer dans les combines, corps découvert par Clément Amadieu (le narrateur de la première partie). Jasper est aidé par un informaticien, les badges sont-ils trafiqués ? Il interroge sa secrétaire. Clément a tué Aguila pour supprimer la cause des suicides. Le roman est entrecoupé d'autres petites histoires en italique, souvent de gens victimes ou disparus.
Bon roman, mais construction bizarre : la partie polar ne démarre qu’à la seconde partie.
CONTRE !
La citation en préambule est bien trouvée (« Il n’y a pas de suicides ; il n’y a que des meurtres », Elsa Triolet), comme la couverture assez graphique (chute vers l’abîme), mais le texte ne convainc pas. L’auteur mêle différents registres de langue : on constate un vrai plaisir d’écrire, une envie de faire des bons mots et de susciter l’enthousiasme, mais « la sauce ne prend pas » car, justement, il y a trop d’effets, trop de littérature mal placée.
L’histoire ?... Seul sur le toit de la tour dans laquelle il travaille, un homme plein d’ambition et sans scrupules est précipité dans le vide par un autre. Cette scène d’ouverture est suivie par le récit du parcours d’un homme depuis son enfance (on le soupçonne dès le départ d’être le mystérieux tueur). Il subit plusieurs injustices qu’il note dans un carnet dans un style auquel il est difficile de croire...
Pas du tout eu envie de poursuivre la lecture, même en diagonale. De bonnes pistes trop mal exploitées. Je ne vois pas à quels lecteurs proposer ce roman.
Stierlin, Philippe. - Les morts sont sans Défense. - Arcane 17. - 298p. -21€

Dominique Sylvain, ancienne journaliste, elle nous fait partager ses connaissances dans son dernier roman Les infidèles avec le personnage de Salomé Jolain, journaliste de TV24 qui est assassinée au cours de son dernier reportage. Deux enquêteurs sont chargés d’élucider cette histoire d’adultère et doivent prendre en considération tous les éléments permettant de résoudre le meurtre. C’est sans compter le lien entre Salomé Jolain et sa tante, Alice Kléber, créatrice d’un site extraconjugal.
Dans une intrigue mêlant originalité et suspense, l’auteur manie ses personnages à la perfection, en mettant en avant leurs difficultés et leurs erreurs.
Adepte de polar, c’est pour moi un livre à lire absolument, tant pour la qualité d’écriture que pour son intrigue.
Sylvain, Dominique. - Les infidèles. - V. Hamy. - 359p. - 19€

A quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un pistolet pour seuls compagnons. Elle trouve refuge sur les plages et les îlots rocheux qu'elle parcourt sur des kilomètres. Mais si le monde extérieur s'ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous la coupe d'un père charismatique et abusif. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaie de percer sa carapace. Jusqu'au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu'elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d'échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.
Quelle puissance ! Il y a de nombreux thèmes qui sont traités dans ce livre : l’inceste, la survie dans sa communauté et contre la nature, l’amour, l’adolescence, la maturité, la violence… Et c’est fait avec virtuosité. Le primoromancier écrit avec une précision littéraire et un art de la narration impressionnants, pour créer une tension et une atmosphère oppressantes et inquiétantes, à la fois dans une maison autarcique rongée par l’intelligence et la folie du père, survivaliste, écologiste pro-guns et aussi à travers des plongées magnifiques et terribles into the wild entre la forêt et la mer, aussi dangereuses. Entre la chute ou la rédemption, c’est sur cet abîme qu’est construit tout le roman. Turtle se débrouille bien comme elle peut en apprenant à gérer ses émois adolescents et à s’émanciper.
Incontournable et magnifique. Pour ceux qui ont aimé Sukkwan Island avec un peu plus d’espoir…
Tallent, Gabriel. - My absolute darling. - Gallmeister. - Traduit de l’américain. - 453p. - 24,50€

Le lieutenant Andreani est suspendu par sa hiérarchie nancéenne, suite à une bavure et est sur la pente de la dépression et de la boisson. Mais, pour sa fille Lisa, il veut se reprendre et être en état de lui souhaiter son anniversaire.
Lisa fait son service civique dans une maison de retraite et s’étonne qu’un homme décédé récemment ne possède pas de numéro de sécurité sociale. Elle informe son père qui y trouve une occupation dans son désœuvrement !
Discrètement, Andréani se renseigne, apprend du légiste que la victime a un curieux tatouage sur la nuque et que la mort n’était pas due à une mauvaise chute de son lit. Il découvre que cet homme, sans amis ni famille, avait sa pension réglée par une société. Une seconde mort curieuse, dans la même maison de retraite, l’engage à pousser plus loin ses investigations. Il met un collègue de bonne volonté sur l’affaire, et, au final, obtient du divisionnaire d’être sur le coup, à condition de terminer ses séances d’évaluation psychique avec une charmante psy.
Ses recherches l’amènent à un retour en arrière sordide sur la guerre d’Algérie et sur la montée et l’existence de groupuscules plus ou moins militaires, aux méthodes expéditives et inhumaines.
Passionnant, je n’ai pas pu lâcher l’histoire avec rebondissements, personnages attachants, un certain humour et beaucoup d’humanité, particulièrement celle du patron du bistro « le Grand sérieux », qui lâche des citations latines comme il sert son vin gouleyant !
Todenne, Eric. - Un travail à finir. - V. Hamy, Chemins nocturnes. - 277p. - 19€

Tout commence par la découverte de quatre corps carbonisés dans une ferme abandonnée dans une bourgade d’habitude très tranquille du Vermont. Aussitôt, l’enquête policière prend plusieurs orientations : réseau pédophile, tueur en série, histoire de sorcellerie avec la proximité de la ville de Salem au passé sulfureux ? Mais aucune de ces hypothèses ne colle. L’équipe formée par l’inspecteur de police et son ami légiste est réaliste et attachante. Ils nous amènent au plus près de leur enquête, pour retrouver la trace d’une survivante qui a mystérieusement disparu.
Ce premier roman est vraiment une réussite et beaucoup plus qu’un simple roman policier. C’est un mélange de Christophe Grangé pour l’épouvante et l’horreur des crimes commis, de Kathy Reichs pour les indices qui sont donnés par les corps calcinés, de Franck Thilliez pour les aspects scientifiques pris par l’affaire en cours de route. Egalement un soupçon de fantastique couronne le tout.
Les 500 pages passent à une allure folle… à conseiller sans retenue !
Tourville, Eric. - Chimaeris. - Slakine & Cie. - 480p. - 22€

Constantinople - 610 après J.-C. La capitale de l’Empire romain n’est plus Rome, mais Constantinople. L’Empereur Phocas gouverne d’une main de fer, mais son pouvoir vacille : le gouverneur Héraclius et le général Nicétas, son cousin, se sont rebellés. Alliés aux Perses, ils font marcher leurs armées sur Constantinople. Pendant ce temps, Prisque, le beau-fils de l’empereur complote contre ce dernier. Seule sa fille, Domentzia, lui serait encore fidèle. Phocas réfléchit à la situation. Une course de chars doit avoir lieu sur l’hippodrome. C’est un moment très attendu par le peuple, friand de spectacles. L’hippodrome est le poumon de Constantinople, l’exutoire du peuple, le lieu où il oublie tous ses problèmes. Deux factions rivales, les Verts et les Bleus, vont s’y affronter. Les paris sont lancés. Des sommes colossales sont en jeu. Les Verts et les Bleus peuvent faire et défaire les empereurs. Phocas est déterminé à saisir l’occasion pour restaurer son pouvoir. Tous les moyens seront bons.
Constantinople est un roman historique, construit sous la forme d’un thriller noir et palpitant. Baptiste Touverey nous plonge avec ce premier roman dans les arcanes du pouvoir. Complots, ambition dévorante, retournements de situation et vengeance sont les maîtres mots de ce péplum. Si le lecteur rencontre une multitude de personnages, les chapitres sont très courts ; il n’est ni perdu, ni frustré. Vous aimez l’Antiquité, les thrillers, les batailles épiques ? Essayez Constantinople.
A découvrir !
Touverey, Baptiste. - Constantinople. - R. Laffont. - 504p. - 21,50€

Avec l’homme craie, Caroline G. Tudor signe son premier roman.
1986 : ils sont cinq copains, au seuil de l’adolescence, il y a Eddie Munster, le narrateur, Hoppo, Gros Gav, Mickey Metal et Nicky, la seule fille du groupe ; Nicky est la fille du pasteur, elle est souvent couverte de bleus… Ils se retrouvent dans les bois, font du vélo et communiquent entre eux avec un code connu d’eux seuls, des dessins de petits bonshommes à la craie. Mais un drame surgit, un drame qui va rester enfoui dans leurs mémoires jusqu’à ce qu’il réapparaisse, trente ans plus tard, et bouleverse leurs vies.
En 2006, Eddy Munster qui, en 1986, avait découvert avec ses copains le corps démembré d’une femme sans tête dans les bois, décide de reprendre la plume. Le mystère s’épaissit, l’atmosphère devient menaçante, les petits bonshommes dessinés à la craie ressurgissent, effrayants…Les chapitres du roman alternent entre 1986 et 2006.
L’homme craie est un thriller très efficace, il y a beaucoup d’ébauches de pistes et de fausses pistes qui sont parfois déroutantes, des rebondissements nombreux, et un final surprenant. Le roman fera sûrement l’objet d’une adaptation en série. Cependant, même si l’écriture est fluide, on avance parfois difficilement dans le récit, et on ne s’attache guère aux personnages, un peu caricaturaux.
Tudor, C.J. - L’homme craie. - Pygmalion. - Traduit de l’anglais. - 381p. - 21€

En 1968, en Normandie, à Granville, Jean âgé de 6 ans, est confié à sa grand-mère, le temps que Marie, la mère de Jean trouve du travail et un logement sur Paris. Marie, est très jeune, pas vraiment prête à être mère et veut tenter sa chance à Paris : elle rêve d’une vie de « star », d’une vie de fête, elle veut profiter du « modernisme » de Paris. C’est pourquoi elle dépose Jean, une petite valise à la main chez sa mère, Lucette, en lui promettant de revenir vite le chercher. Jean et Lucette vont donc apprendre à vivre ensemble, à faire connaissance. Pas facile pour un petit garçon de 6 ans de quitter sa maman et de vivre avec une vieille grand-mère. Et pour Lucette, pas facile de se remettre à s’occuper d’un jeune enfant, curieux, qui passe son temps à poser plein de questions.
Une histoire tendre, des personnages attachants. Un roman qui se lit très bien, agréable. Avec comme de toile de fond la France des années fin 1960-70. Des tranches de vie, un peu de nostalgie, un roman dans la catégorie des « Feel Good books » (même si ce petit garçon « abandonné » par sa maman nous donne la larme à l’œil). J’ai beaucoup aimé !
Valognes, Aurélie. - Au petit bonheur la chance. - Mazarine - 333p. - 18€

Au bout de trente ans de vie commune, Iris perd son mari. Iggy a été le seul amour de sa vie. La rock star est morte d’une overdose à New York. La narratrice entame le récit de sa vie et se dépeint sans concessions. D'amoureuse et de muse au début, elle a glissé vers le statut de secrétaire et s’est dévouée pour assurer le bien-être d'Iggy. Elle n’a pas eu vraiment de vie personnelle, et s’est oubliée. Plus que la douleur du deuil, elle ressent la solitude, le vide de son existence. C'est difficile de vivre sans lui. Iris n’a plus personne sur qui veiller.
A cinquante ans, elle pense que sa vie de femme est finie, mais elle rencontre un blogueur qui admire Iggy. Adrien, la quarantaine, est un célibataire timide, centré sur son blog, son travail, les concerts et son chat. Contre toute attente, Iris s’aperçoit qu’elle est amoureuse et reprend goût à la vie. Mais cet amour est-il réciproque ? La quinquagénaire saura-t-elle vivre enfin pour elle? Pas facile d'accepter de vieillir. Peut-elle encore s'autoriser à aimer ?
Nous suivons ses errances, ses espoirs, ses déceptions, puis sa renaissance inattendue.
Un style vif, souvent acéré, très direct.
Vie, Caroline. - Ni tout à fait une autre. - Les Escales. - 199p. - 18€